28 avril 2009
Un rien sadique, Evans-Pritchard, à son habitude, appuie là où ça fait mal, et ce d’autant plus volontiers lorsque c’est l’Europe continentale qui souffre. Mais qui saurait le lui reprocher ? Les Etats parviendront-ils à lever les fonds requis pour financer la relance, recapitaliser le secteur bancaire et honorer leur garantie des déposants ? En l’état actuel la réponse est incertaine. Mais si l’effondrement des bilans bancaires se poursuit à un rythme soutenu - hypothèse on ne peut plus vraisemblable - la réponse est de toute évidence négative. La dette accumulée par le privé dans la dernière décennie excède les capacités des comptes publics. Les Etats qui battent monnaie ont encore à leur disposition une arme de dernier recours, quant aux autres, une fois épuisées les relativement maigres réserves du FMI, le défaut de paiement les guette. Sommes nous alors pris dans la seringue ? Non, si l’on accepte de changer de perspective. Aujourd’hui, les Etats reprennent à leur compte les pertes sur les actifs afin de garantir les passifs, c’est à dire le patrimoine des créanciers des banques, au risque à terme de ruiner tout le monde, Etats, déposants et investisseurs, au fur et à mesure que la situation se dégrade. Il est urgent de changer la donne. Au lieu de charger la barque du côté des comptes publics, il convient de l’alléger du côté des créanciers. Une telle démarche requiert : une politique active d’évaluation non complaisante des livres, l’isolement dans des structures ad hoc des actifs douteux, la répartition des pertes entre les actionnaires et les créanciers, à l’exception des dépôts de compte courants dont la valeur doit être garantie. Le Plan Geithner, qui prétend régler la question, souffre de deux défauts majeurs : ses évaluations des bilans ne sont pas à la hauteur des stress que vont subir les entreprises et les ménages, et la solution préconisée consiste encore et toujours à préserver l’ensemble des créanciers, au détriment de l’Etat. Quels qu’en soient les défauts, le Plan Geithner a tout au moins le mérite d’exister. Mais que fait l’Europe ?
« Le monde est à court de capitaux. Nous ne pouvons pas tenir pour acquis que les marchés obligataires mondiaux se révéleront d’une profondeur suffisante pour financer les près de 6000 de dollars qui sont requis par le paquet fiscal Obama, le renflouement des banques américaines et européennes, et les déficits qui enflent presque partout. »
A moins que ce capital ne soit fourni, plusieurs pays seront incapables de refinancer leurs dettes à un coût supportable. Ceux qui ne peuvent pas émettre de la monnaie pour se tenir à flot, soit parce qu’ils n’ont plus de monnaie nationale (Irlande, Club Med), soit parce qu’ils ont emprunté à l’étranger (Europe de l’Est), courent le plus gros risque d’un défaut de paiement.
Les opérateurs de marché murmurent déjà que certains gouvernements se portent acquéreurs de leur dette par le biais d’intermédiaires lors des ventes aux enchères d’obligations afin de maintenir l’illusion. (A ne pas confondre avec les achats effectués de façon transparente par les banques centrales en vertu de l’assouplissement quantitatif). Cela ne peut durer longtemps.
La Commerzbank estime que toute émission d’obligations d’Etat européen en train de devenir un « événement à risque ». La Grande-Bretagne se voit elle aussi menacée de rétrograder de sa note d’excellence AAA, car elle s’efforcera de vendre pour 220 milliards de bons du Trésor cette année à des investisseurs irascibles, rendus stupéfaits par les 5% de déficit prévus au milieu de la décennie.
Le hedge fund américain Hayman Advisers parie sur la plus grande vague de faillites d’Etats et de restructurations depuis 1934. Les pires situations sont presque toutes en Europe - qui est l’épicentre de l’effet de levier et du déni. Comme le FMI l’a rappelé la semaine dernière, les banques européennes n’ont constaté que 17% de leurs pertes - alors que les banques américaines en ont digéré la moitié.
« Nous avons consacré beaucoup de temps durant six mois à ausculter à travers le monde les bilans des Etats pour comprendre quel est le niveau de l’effet de levier auquel nous avons à faire. Les résultats sont dérangeants », déclare Kyle Bass, le directeur de Hayman.
Les choses avaient l’air simple pour les gouvernements occidentaux durant la bulle du crédit, lorsque la Chine, la Russie, les pays émergents d’Asie et les puissances pétrolières accumulaient 1300 milliards de dollars de réserves chaque année, et recyclaient cette richesse en bons du Trésor des États-Unis, en obligations des GSE [1] et en obligations européennes.
Ce robinet a été coupé. Ces pays sont devenus des vendeurs nets. Les réserves des banques centrales ont baissé de 248 milliards de dollars au cours des six derniers mois et s’établissent désormais à 6700 milliards. Le crash des cours du pétrole a forcé la Russie et le Venezuela de réduire leurs réserves d’un tiers. La Chine a laissé entendre la semaine dernière qu’elle utiliserait une plus grande part de ses 40 milliards de surplus mensuel à soutenir la croissance intérieure et à investir dans des actifs plus tangibles - peut-être des sociétés minières.
Un rien sadique, Evans-Pritchard, à son habitude, appuie là où ça fait mal, et ce d’autant plus volontiers lorsque c’est l’Europe continentale qui souffre. Mais qui saurait le lui reprocher ? Les Etats parviendront-ils à lever les fonds requis pour financer la relance, recapitaliser le secteur bancaire et honorer leur garantie des déposants ? En l’état actuel la réponse est incertaine. Mais si l’effondrement des bilans bancaires se poursuit à un rythme soutenu - hypothèse on ne peut plus vraisemblable - la réponse est de toute évidence négative. La dette accumulée par le privé dans la dernière décennie excède les capacités des comptes publics. Les Etats qui battent monnaie ont encore à leur disposition une arme de dernier recours, quant aux autres, une fois épuisées les relativement maigres réserves du FMI, le défaut de paiement les guette. Sommes nous alors pris dans la seringue ? Non, si l’on accepte de changer de perspective. Aujourd’hui, les Etats reprennent à leur compte les pertes sur les actifs afin de garantir les passifs, c’est à dire le patrimoine des créanciers des banques, au risque à terme de ruiner tout le monde, Etats, déposants et investisseurs, au fur et à mesure que la situation se dégrade. Il est urgent de changer la donne. Au lieu de charger la barque du côté des comptes publics, il convient de l’alléger du côté des créanciers. Une telle démarche requiert : une politique active d’évaluation non complaisante des livres, l’isolement dans des structures ad hoc des actifs douteux, la répartition des pertes entre les actionnaires et les créanciers, à l’exception des dépôts de compte courants dont la valeur doit être garantie. Le Plan Geithner, qui prétend régler la question, souffre de deux défauts majeurs : ses évaluations des bilans ne sont pas à la hauteur des stress que vont subir les entreprises et les ménages, et la solution préconisée consiste encore et toujours à préserver l’ensemble des créanciers, au détriment de l’Etat. Quels qu’en soient les défauts, le Plan Geithner a tout au moins le mérite d’exister. Mais que fait l’Europe ?
« Le monde est à court de capitaux. Nous ne pouvons pas tenir pour acquis que les marchés obligataires mondiaux se révéleront d’une profondeur suffisante pour financer les près de 6000 de dollars qui sont requis par le paquet fiscal Obama, le renflouement des banques américaines et européennes, et les déficits qui enflent presque partout. »
A moins que ce capital ne soit fourni, plusieurs pays seront incapables de refinancer leurs dettes à un coût supportable. Ceux qui ne peuvent pas émettre de la monnaie pour se tenir à flot, soit parce qu’ils n’ont plus de monnaie nationale (Irlande, Club Med), soit parce qu’ils ont emprunté à l’étranger (Europe de l’Est), courent le plus gros risque d’un défaut de paiement.
Les opérateurs de marché murmurent déjà que certains gouvernements se portent acquéreurs de leur dette par le biais d’intermédiaires lors des ventes aux enchères d’obligations afin de maintenir l’illusion. (A ne pas confondre avec les achats effectués de façon transparente par les banques centrales en vertu de l’assouplissement quantitatif). Cela ne peut durer longtemps.
La Commerzbank estime que toute émission d’obligations d’Etat européen en train de devenir un « événement à risque ». La Grande-Bretagne se voit elle aussi menacée de rétrograder de sa note d’excellence AAA, car elle s’efforcera de vendre pour 220 milliards de bons du Trésor cette année à des investisseurs irascibles, rendus stupéfaits par les 5% de déficit prévus au milieu de la décennie.
Le hedge fund américain Hayman Advisers parie sur la plus grande vague de faillites d’Etats et de restructurations depuis 1934. Les pires situations sont presque toutes en Europe - qui est l’épicentre de l’effet de levier et du déni. Comme le FMI l’a rappelé la semaine dernière, les banques européennes n’ont constaté que 17% de leurs pertes - alors que les banques américaines en ont digéré la moitié.
« Nous avons consacré beaucoup de temps durant six mois à ausculter à travers le monde les bilans des Etats pour comprendre quel est le niveau de l’effet de levier auquel nous avons à faire. Les résultats sont dérangeants », déclare Kyle Bass, le directeur de Hayman.
Les choses avaient l’air simple pour les gouvernements occidentaux durant la bulle du crédit, lorsque la Chine, la Russie, les pays émergents d’Asie et les puissances pétrolières accumulaient 1300 milliards de dollars de réserves chaque année, et recyclaient cette richesse en bons du Trésor des États-Unis, en obligations des GSE [1] et en obligations européennes.
Ce robinet a été coupé. Ces pays sont devenus des vendeurs nets. Les réserves des banques centrales ont baissé de 248 milliards de dollars au cours des six derniers mois et s’établissent désormais à 6700 milliards. Le crash des cours du pétrole a forcé la Russie et le Venezuela de réduire leurs réserves d’un tiers. La Chine a laissé entendre la semaine dernière qu’elle utiliserait une plus grande part de ses 40 milliards de surplus mensuel à soutenir la croissance intérieure et à investir dans des actifs plus tangibles - peut-être des sociétés minières.
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