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V. Hugo et Jean Amrouche: la révolte et l'exil

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  • V. Hugo et Jean Amrouche: la révolte et l'exil

    C’est le sort des humanistes et de ceux qui luttent pour le droit de leurs peuples d’être brimés, raillés, dépareillés et exilés. Mais, la reconnaissance est des plus nobles, puisqu’elle ne vient pas des précaires et versatiles cercles officiels, mais des tréfonds de la société et de sa jeunesse éclairée.

    Le déni peut durer des années ou des décennies, la consécration, elle, est éternelle.

    Chez les deux écrivains Victor Hugo et Jean Amrouche, nous retrouvons ce sentiment de révolte animé par le déni de justice que les occupants (pour le cas de l’écrivain algérien) ou les gouvernants (pour l’écrivain français) manifestent à l’endroit du peuple. Jean Amrouche publia son essai majeur intitulé L’Éternel Jugurtha-propositions sur le génie africain en 1946. C’est une forme d’étude où se mêle sociologie, ethnologie et histoire sur le caractère “rebelle” des Maghrébins qui fait qu’ils ont été toujours dans une situation de soumission et de révolte à la fois. C’est la bled Essiba d’Ibn Khaldoun. Le Makhzen représente le pouvoir central avec ses réseaux clientélistes et ses capacités de corruption. La figure de Jugurtha sert ici de point d’ancrage historique et de métaphore diachronique pour décrire ce caractère fougueux, farouche, insoumis, rebelle, et ce malgré quelques méprises momentanées ou hallucinations temporaires. “Je sais bien où m’attend Jugurtha, il est partout présent, partout insaisissable ; il n’affirme jamais qui il est que lorsqu’il se dérobe. Il prend toujours le visage d’autrui, mimant à la perfection son langage et ses mœurs, mais tout à coup, les masques tombent et nous voici affrontés au masque premier, le visage nu de Jugurtha, inquiet, aigu, désespérant”. Jean Amrouche est impressionné par cette nature protéiforme du Maghrébin en général et de l’Algérien en particulier, une nature qui retrouve ses origines dès que les conditions s’y prêtent ou bien dès que Jugurtha les apprêtent. "Nul plus que lui n’est habile à revêtir la livrée d’autrui : mœurs, langage, croyances. Il les adopte tour à tour, il s’y plait, il y respire à l’aise, il oublie ce qu’il est devenu".

    Jugurtha rebelle

    Cet essai est un grand texte s’exprimant presque par paraboles pour décrire le peuple de l’Afrique du Nord qui, même s’il prend temporairement l’habit des colonisateurs-oppresseurs, ne se soumet pas totalement et finit par se libérer des camisoles qui le ligotaient.

    Poète et essayiste, Jean Amrouche a aussi travaillé à la radio et dans la presse écrite. Ses entretiens à la radio avec des écrivains et des philosophes de son temps sont classés comme étant des chefs-d’œuvre de la critique littéraire et du dialogue philosophique. Il a aussi publié plusieurs articles dans Le Monde et Le Figaro où il a dénoncé la politique coloniale. Il perdit son poste de rédacteur en chef du journal parlé de la radio suite aux critiques qu’il formula contre coloniale de Michel Debré.

    Dans une déclaration à Rabat, citée par Tassadit Yacine, Jean Amrouche déclarera : "Je suis Algérien ; c’est un fait de nature. Je me suis toujours senti Algérien. Cela ne veut pas seulement dire que je suis né en Algérie, sur le versant sud de la vallée de la Soummam , en Kabylie, et qu’un certain paysage est plus émouvant, plus parlant pour moi que pour tout autre, fût-il le plus beau du monde. Qu’en ce lieu, j’ai reçu les empreintes primordiales et entendu la première fois une mélodie du langage humain qui constitue, dans les profondeurs de la mémoire, l’archétype de toute musique, de ce que l’Espagne nomme admirablement le chant profond.

    C’est cela et bien plus l’appartenance ‘’ontologique’’ à un peuple, une communauté, une solidarité étroite de destin et par conséquent une participation totale à ses épreuves, à sa misère, à son humiliation, à sa gloire secrète d’abord, manifeste ensuite, à ses espoirs, à sa volonté de survivre comme peuple et renaître comme nation. J’étais, je suis de ce peuple comme il est mien" (conférence tenue à Rabat-1958)

    "Les Algériens ne peuvent être pleinement hommes que dans et par la fondation d’une patrie algérienne (…) Il faut comprendre que le peuple algérien n’a pris les armes qu’après avoir épuisé tous les moyens pacifiques de se faire entendre. Que la révolte, expression claire d’une revendication fondamentale s’est vu opposer l’emploi de la force. Qu’aucun homme politique français ne l’a prise en considération et n’a voulu l’entendre comme langage, comme l’expression d’un terrible désespoir et d’une espérance nouvelle", écrivait Jean Amrouche en 1957.

    Dans le poème intitulé Le Combat algérien (1958), J. Amrouche exprime les frustrations, les avanies et les grands espoirs du peuple algérien :

    "À l’homme le plus pauvre

    À celui qui va à demi-nu

    sous le soleil, dans le vent,

    la pluie ou la neige.

    À celui qui, depuis sa naissance,

    n’a jamais eu le ventre plein ;

    On ne peut cependant ôter ni son nom

    Ni la chanson de la langue natale

    Ni ses souvenirs et ses rêves

    (…) Nous voulons habiter notre nom

    Vivre ou mourir sur notre terre mère

    Nous ne voulons pas d’une patrie marâtre

    Et des riches reliefs de ses festins

    Nous voulons la patrie de nos pères

    La langue de nos pères

    La mélodie de nos songes et de nos chants

    Sur nos berceaux et sur nos tombes

    Nous ne volons pas errer en exil

    Dans le présent sans mémoire et sans avenir.

    Ici et maintenant, nous voulons,

    Libres à jamais sous le soleil, dans le vent, la pluie ou la neige,

    Notre patrie, l’Algérie ".

    L’exil et l’arbitraire comme rançon de l’engagement

    C’est Le recueil de poèmes “Les Châtiments’’ fut écrit par Victor Hugo en exil dans l’île de Jersey en 1853. Le prince-président de la Seconde République, Napoléon Bonaparte, vient de se déclarer Empereur des Français par le coup d’État du 2 décembre 1851. Après son élection à la présidence de la République, Napoléon déclara : "Que les bons se rassurent et que les méchants tremblent !". La Constitution de 1848 a prévu un mandat présidentiel de quatre ans, mais n’admet pas dans l’immédiat une nouvelle candidature du président sortant. Que fera alors celui dont Alexis de Tocqueville disait : “Il se fiait à une étoile ; il se croyait fermement l’instrument de la destinée et l’homme nécessaire” ? Les républicains misent sur l’impopularité croissante de la majorité conservatrice .Celle-ci, paralysée par se divisions entre orléanistes et légitimistes qui interdisent dans l’immédiat tout espoir de restauration, est obligée de compter avec le Président. Une solution pourrait être de prolonger son mandat en modifiant la Constitution. Cependant, même si une campagne acharnée est menée dans tout le pays pour une telle révision, au niveau de l’Assemblée les choses sont plus corsées puisqu’un tel projet doit bénéficier des trois quarts des voix pour passer.

    Or, la composante de l’Assemblée ne milite pas pour un tel plébiscite. Il s’ensuivit une situation de blocage. Entre-temps, Louis-Napoléon assure ses positions et renforce ses relais au sein de l’armée.

    Le 2 décembre 1851, des affiches placardées de nuit à Paris proclament la dissolution de l’Assemblée nationale, le rétablissement du suffrage universel, l’état de siège et l’organisation prochaine d’une consultation électorale pour confier au président le soin de préparer une nouvelle Constitution. Il y a eu plusieurs arrestation aussi bien dans les milieux conservateurs que dans les milieux républicains. En plus des tentatives de soulèvement à Paris, des groupes de républicains prirent les armes en province, particulièrement au Sud de la France : le Var, la Drome et les Basses-Alpes.

    La résistance fut brisée par l’armée et près de 10 000 personnes furent déportées en Guyane et en Algérie. D’autres opposants ou résistants ont été proscrits. Le coup de force réussit puisque le 21 décembre 1851 le référendum octroya au président le pouvoir de présenter une nouvelle Constitution. Ce qui sera concrétisé le 4 janvier 1852. La nouvelle loi fondamentale du pays s’appuie sur un césarisme présidentiel hypertrophié au détriment de l’Assemblée nationale qui voit ses pouvoir réduits en peau de chagrin. La population qui était éreintée par les troubles de la dernière décennie apprécia quelque peu la sérénité qui suivit la promulgation de la nouvelle Constitution. Napoléon a réussi à charmer, lors de ses déplacements à l’intérieur du pays, les masses et leur fit entrevoir progrès et salut dans le rétablissement de l’Empire. Le 7 novembre 1852, une loi senatus-consult rétablit l’Empire. Ce sera le Second Empire. Le prince-président devient Napoléon III. Parmi les victimes directes du bonapartisme, Victor Hugo est sans doute le cas le plus emblématique.

  • #2
    La poésie pour dire l’indicible

    Député à la Constituante , Hugo refusera de devenir ambassadeur à Naples ou à Madrid. En mai 1849, il est élu député de Paris. Ayant soutenu la politique du président, il s’en éloignera vers le milieu de 1850. "Pour la première fois, il allait à contre-courant : au moment du coup d’État, il était devenu un républicain convaincu et un adversaire de toute dictature. Il tenta d’opposer la force à la force, de soulever l’opinion, d’organiser l’émeute. Mais les opposants les plus dangereux avaient été arrêtés, et, d’autre part, il n’y eut pas de véritable sursaut populaire. Les tentatives de résistance furent vite et brutalement réprimées. Victor Hugo, déjouant la surveillance de la police- à moins qu’elle ne l’ai volontairement laissé partir-, quitta Paris avec de faux papiers au nom de Lanvin et se réfugia le 11 décembre à Bruxelles. Il était désormais un proscrit", écrit en introduction des “Châtiments’’ Robert Monestier. Ce recueil de poèmes exprime la douleur de l’exil et la trahison de la république et des libertés par le nouveau maître de la France.

    En août 1855, Hugo quitte Bruxelles pour l’île de Jersey. Même si la nature sauvage apaisa quelque peu sa douleur, son sentiment d’exil s’en trouvera augmenté. Le ton satirique des “Châtiments” mêle le genre lyrique et épique. "On retrouve donc les sentiment ordinaires du lyrisme hugolien, mais présentés en général sous une forme violemment contrastée, le personnage de Napoléon servant chaque fois de repoussoir à l’un des thèmes qui exaltent le poète", ajoute Monestier. Dans une petite préface à l’édition bruxelloise (1853) des “Châtiments”, Hugo, pour informer le lecteur des passages expurgés de la première édition de l’ouvrage, écrit : "Pourtant, que les patriotes qui défendent la liberté, que les généreux peuples auxquels le force voudrait imposer l’immoralité, ne désespèrent pas ; que, d’un autre côté, les coupables en apparence tout-puissants, ne se hâtent pas trop de triompher en voyant les pages tronquées de ce livre.

    Quoi que fassent ceux qui règnent chez eux par la violence et hors de chez eux par la menace, quoi que fassent ceux qui se croient les maîtres des peuples et qui ne sont que les tyrans des consciences, l’homme qui lutte pour la justice et la vérité trouvera le moyen d’accomplir son devoir tout entier. La toute-puissance du mal n’a jamais abouti qu’à des efforts inutiles. La pensée échappe toujours à qui tente de l’étouffer. Elle se fait insaisissable à la compression ; elle se réfugie d’une forme dans l’autre. Le flambeau rayonne ; si on l’éteint, si on l’engloutit dans les ténèbres, le flambeau devient une voix, et l’on en fait pas la nuit sur la parole ; si l’on met un bâillon à la bouche qui parle, la parole se change en lumière, et l’on ne bâillonne pas la lumière. Rien ne dompte la conscience de l’homme, car la conscience de l’homme, c’est la pensée de Dieu ".

    Par Amar Naït Messaoud, La Dépêche de Kabylie

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    • #3
      Rien sur la colonisation de l'Algérie, tout compte, fait malgré les massacres de sa civilisation.
      Ask not what your country can do for you, but ask what you can do for your country.

      J.F.Kennedy, inspired by Gibran K. Gibran.

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      • #4
        je n'ai pas compris ou on "associe" jean amrouche avec victor hugo???
        « Puis-je rendre ma vie
        Semblable à une flûte de roseau
        Simple et droite
        Et toute remplie de musique »

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