Longtemps citée en exemple dans le monde arabe pour sa liberté de ton, la presse algérienne montre aujourd’hui des signes d’essoufflement. Le harcèlement judiciaire et le chantage par l’argent ont fini par avoir raison des titres les plus téméraires. La floraison des titres offre une vitrine de démocratie qui sert finalement d’alibi à un pouvoir liberticide.
Nawal Imès - Alger (Le Soir) En encourageant l’émergence de publications, le pouvoir s’offre l’image d’un pays où la parole est libre. En permettant dans les limites qu’il a lui même fixées à des journaux de critiquer «librement », il apporte la preuve que les journalistes sont loin d’être bâillonnés. Pris dans cet engrenage, beaucoup finissent finalement par faire le jeu d’un pouvoir qui s’accommode très bien de leurs écrits dans une logique de «cause toujours, tu m’intéresses !» Plus de dix-sept ans après le début d’une aventure que beaucoup avaient qualifiée de merveilleuse, le constat est amer : la presse est loin d’avoir pris son envol. Au contraire, elle s’enlise de plus en plus dans une dépendance face à un pouvoir qui n’en demandait pas tant. Les deux passages en force de Bouteflika en 2004 puis en 2009 ont fini par atteindre l’objectif tracé : la normalisation de la profession.
Totalement dépendantes — à quelques exceptions — de l’imprimerie publique, les publications font très souvent l’objet de chantage. Les imprimeries, agissant sur injonction, décident des journaux qui peuvent ou qui ne peuvent plus être tirés.
C’est ainsi que les journaux privés se retrouvent dans une situation d’endettement et de conflit sans fin. Les journaux dont la ligne est jugée «trop» indépendante par rapport au pouvoir sont mis en demeure d’honorer leurs dettes et meurent de mort lente en laissant derrière eux des ardoises. Il en est de même pour la publicité dont le dispatching est laissé aux «bons soins» de l’Anep qui, là aussi, récompense les «bons» élèves et sanctionne les plus mauvais. Les autres, par décision politique, sont autorisés à continuer de paraître et à s’endetter jusqu’à ce que leur ligne dérange et qu’ils subissent à nouveau la foudre des décideurs. La justice a également servi de levier qui a toujours été actionné contre les publications dont le ton est jugé trop libre. Des journalistes ont été traînés devant les tribunaux pour leurs écrits. La dépénalisation de l’acte d’écrire n’est pas à l’ordre du jour. Y a-t-il pour autant des raisons d’espérer des lendemains meilleurs pour la profession ? Rien n’est moins sûr même si profitant de la célébration du 3 mai, le président réélu pour un troisième mandat ne s’est pas — contrairement aux années précédentes — contenté d’un message laconique. Il a, au contraire, préféré dresser les lignes de sa propre perception de la presse. Une presse à laquelle il ne s’est jamais adressé directement. Il n’a, en effet, jamais accordé d’entretien à un quotidien national et les journalistes qui l’accompagnent dans ses sorties ne peuvent l’approcher.
Hier, s’adressant à la corporation, il indiquait dans son message que «la presse ne doit pas se complaire dans le rôle d'intermédiaire inerte ni accepter d'être un outil entre les mains de rentiers pour l'utiliser à des fins autres que celles servant la nation». Il a également rappelé avoir «pris l'engagement de procéder à une révision de la loi sur l'information qui doit effectivement être adaptée aux nouvelles donnes, à la lumière des expériences vécues par l'Algérie, de manière à conforter la liberté de presse selon des critères professionnels et la logique du marché mais aussi pour répondre aux besoins exprimés par la société».
Quels changements compte-t-il apporter ? il n’a pas dévoilé ses intentions mais considère qu’«un grand défi se pose également en termes d'ancrage de la culture de la déontologie. Il réside aussi dans l'objectivité à mettre dans le traitement de l'ensemble des questions pour garantir la nécessaire crédibilité et le professionnalisme à même d'assurer respect et continuité». Comment interpréter ces propos ? L’avenir dévoilera les projets du locataire de la présidence…
N. I.( Le Soir d'Algerie)
Nawal Imès - Alger (Le Soir) En encourageant l’émergence de publications, le pouvoir s’offre l’image d’un pays où la parole est libre. En permettant dans les limites qu’il a lui même fixées à des journaux de critiquer «librement », il apporte la preuve que les journalistes sont loin d’être bâillonnés. Pris dans cet engrenage, beaucoup finissent finalement par faire le jeu d’un pouvoir qui s’accommode très bien de leurs écrits dans une logique de «cause toujours, tu m’intéresses !» Plus de dix-sept ans après le début d’une aventure que beaucoup avaient qualifiée de merveilleuse, le constat est amer : la presse est loin d’avoir pris son envol. Au contraire, elle s’enlise de plus en plus dans une dépendance face à un pouvoir qui n’en demandait pas tant. Les deux passages en force de Bouteflika en 2004 puis en 2009 ont fini par atteindre l’objectif tracé : la normalisation de la profession.
Totalement dépendantes — à quelques exceptions — de l’imprimerie publique, les publications font très souvent l’objet de chantage. Les imprimeries, agissant sur injonction, décident des journaux qui peuvent ou qui ne peuvent plus être tirés.
C’est ainsi que les journaux privés se retrouvent dans une situation d’endettement et de conflit sans fin. Les journaux dont la ligne est jugée «trop» indépendante par rapport au pouvoir sont mis en demeure d’honorer leurs dettes et meurent de mort lente en laissant derrière eux des ardoises. Il en est de même pour la publicité dont le dispatching est laissé aux «bons soins» de l’Anep qui, là aussi, récompense les «bons» élèves et sanctionne les plus mauvais. Les autres, par décision politique, sont autorisés à continuer de paraître et à s’endetter jusqu’à ce que leur ligne dérange et qu’ils subissent à nouveau la foudre des décideurs. La justice a également servi de levier qui a toujours été actionné contre les publications dont le ton est jugé trop libre. Des journalistes ont été traînés devant les tribunaux pour leurs écrits. La dépénalisation de l’acte d’écrire n’est pas à l’ordre du jour. Y a-t-il pour autant des raisons d’espérer des lendemains meilleurs pour la profession ? Rien n’est moins sûr même si profitant de la célébration du 3 mai, le président réélu pour un troisième mandat ne s’est pas — contrairement aux années précédentes — contenté d’un message laconique. Il a, au contraire, préféré dresser les lignes de sa propre perception de la presse. Une presse à laquelle il ne s’est jamais adressé directement. Il n’a, en effet, jamais accordé d’entretien à un quotidien national et les journalistes qui l’accompagnent dans ses sorties ne peuvent l’approcher.
Hier, s’adressant à la corporation, il indiquait dans son message que «la presse ne doit pas se complaire dans le rôle d'intermédiaire inerte ni accepter d'être un outil entre les mains de rentiers pour l'utiliser à des fins autres que celles servant la nation». Il a également rappelé avoir «pris l'engagement de procéder à une révision de la loi sur l'information qui doit effectivement être adaptée aux nouvelles donnes, à la lumière des expériences vécues par l'Algérie, de manière à conforter la liberté de presse selon des critères professionnels et la logique du marché mais aussi pour répondre aux besoins exprimés par la société».
Quels changements compte-t-il apporter ? il n’a pas dévoilé ses intentions mais considère qu’«un grand défi se pose également en termes d'ancrage de la culture de la déontologie. Il réside aussi dans l'objectivité à mettre dans le traitement de l'ensemble des questions pour garantir la nécessaire crédibilité et le professionnalisme à même d'assurer respect et continuité». Comment interpréter ces propos ? L’avenir dévoilera les projets du locataire de la présidence…
N. I.( Le Soir d'Algerie)
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