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La mort absurde du géant Sonatro

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  • La mort absurde du géant Sonatro

    Ils sont 500 à venir chaque jour, depuis le 14 avril dernier, observer le piquet de grève auquel le syndicat a appelé. Certains empruntent de l’argent pour pouvoir faire le déplacement jusqu’à Réghaïa, où se situe le siège de la direction générale de l’entreprise. A midi, ils font une quête pour acheter leur menu quotidien. Et quel menu ! Du pain sec qu’ils se partagent comme ils se partageaient le même espoir : celui de voir Sonatro, autrefois fleuron des travaux publics en Algérie devenu un véritable gouffre financier, sortir du tunnel. Ils n’admettent pas encore que la banqueroute de l’entreprise s’explique par la seule conjoncture économique et la crise que vit le pays, mais elle est plutôt due à la « mauvaise gestion ».


    Cela fait deux mois maintenant qu’ils n’ont pas perçu leurs salaires qui leur permettent, en réalité, tout juste de vivoter. Ceux de novembre, décembre, janvier et février ont été pris en charge et versés par l’Etat. Plus de 2000 familles se retrouvent encore une fois sans revenu. Les travailleurs de Sonatro demandent tout simplement le départ de l’actuel directeur général par intérim. Ils revendiquent « un vrai directoire, compétent, capable de redresser la barre ». « C’est la mauvaise gestion qui est à la source des problèmes que nous vivons », affirment les travailleurs et leurs représentants syndicaux rencontrés mardi devant le siège de la direction générale à Réghaïa. Cela fait trois semaines qu’ils protestent sans trouver une oreille attentive à leur cri de détresse. Ils accusent le responsable par intérim de ruiner l’entreprise. Comment un projet de plusieurs milliards de centimes, le frisage et le revêtement de la route d’El Hamiz, un tronçon de 5 à 6 km qui devait être réalisé en un mois, est à l’arrêt depuis septembre 2008 ? Pour en savoir plus, nous avons pris attache avec la Société de gestion des participations de l’Etat avant-hier. La préposée au standard de la SGP travaux publics nous a conseillé d’abord de rappeler M. Mehdi, « Monsieur Sonatro » au sein de cet organisme.

    Ce que nous avons fait. Il n’était pas encore rentré. Mais la voix qui répondait au téléphone sur conseil d’un de ses collègues, dont elle a refusé de divulguer le nom, nous a recommandé d’appeler plutôt la direction générale de l’entreprise. Seulement, durant toute la journée d’hier, les numéros de téléphone étaient soit branchés sur fax, soit ils sonnaient dans le vide. La direction, soutiennent les syndicalistes, prétexte le manque de gasoil pour faire fonctionner les machines. « C’est faux », répondent-ils. « Le gasoil est utilisé à d’autres fins », selon eux. Les voitures de service souvent détournées pour les besoins personnels, affirment-ils, roulent toujours. Il n’y a pas de crise quand il s’agit d’affaires personnelles. « On a développé le transport bourgeois », tempête un cadre de l’entreprise, aujourd’hui mis à l’écart pour avoir osé dénoncer la faillite de la gestion de Sonatro. Il révèle qu’il y a plus de 150 véhicules de service avec des dotations en carburant. « Pourquoi soumissionne-t-on pour prendre des projets pour ensuite les abandonner ? », s’interroge notre interlocuteur. Et d’ajouter : « Plusieurs marchés confiés à l’entreprise ont été résiliés à cause de la mauvaise gestion due à l’incompétence des dirigeants, entre autres le directeur général par intérim qui n’a pas les qualifications pour gérer un tel mastodonte économique. »

    Les syndicalistes parlent d’un projet de réalisation d’un aérodrome à Tindouf ; 105 milliards de centimes qui restaient à réaliser ont été résiliés aux torts de l’entreprise. Le marché de 30 milliards pour le revêtement d’un tronçon de route à Oued Slama a connu le même sort. Le projet de dédoublement de la voie à Si Mustapha a également été résilié. Du coup, 50 milliards de centimes sont perdus. Selon les syndicalistes et les travailleurs, la plupart des unités sont sans plan de charge. Pis, une station de concassage acquise pour 17 milliards de centimes (payée en euros) en 2004 et ayant une capacité 450 t/l’heure est sous caisse et immobilisée depuis son achat. Tant qu’à faire, Sonatro est aussi éclaboussée par de nombreux scandales. Le premier concerne, selon les syndicalistes, la station de concassage Souidani Boudjemaâ, à Hamr El Aïn, dans la wilaya de Blida. 165 000 m3 de gravier. L’affaire a été prise en charge par les services de la Gendarmerie nationale après une plainte déposée par le syndicat.

    65% du matériel de l’entreprise sont à l’arrêt

    La politique de la sous-traitance est devenue monnaie courante. L’entreprise loue du matériel dont elle dispose elle-même, mais délaisse le sien depuis des années. Les syndicalistes ne prennent pas de gants pour s’attaquer à ceux qu’ils désignent comme étant les responsables directs de leur calvaire. Ils mettent l’accent sur la mauvaise gestion qui est également caractérisée « en location de voitures de luxe pour les cadres, l’achat de téléphones portables de dernière génération, installation de climatiseurs, et tout cela dans une conjoncture financière très difficile pour l’entreprise ». Les cadres syndicaux rencontrés sur place parlent aussi de « détournement de denrées alimentaires destinées aux cantines des bases de vie ». L’un des résultats directs de cette situation se résume dans les chiffres que donne à voir le plan de charge de l’année 2008. Ils affirment que ces derniers ne couvrent même pas la totalité des salaires des travailleurs. Sonatro est une entreprise sinistrée : 65% du matériel de l’entreprise sont à l’arrêt. Plus de 400 camions, 11 centrales d’enrobage et finishers à béton sont parqués dans des cimetières à engins. Résultat : Sonatro a enregistré une forte baisse de son chiffre d’affaires. De 400 milliards de centimes en 2004, il chute à 70 milliards de centimes en 2009. Sa dette dépasse les 5 milliards de centimes. Le fleuron des travaux publics en Algérie est en faillite. Ceux qui ont fait ses beaux jours vivent dans la misère. Des centaines de familles sont privées de revenus.

    Le syndicat qui dénonce la marginalisation des cadres évoque « la discrimination dans l’octroi des promotions, l’absence de plan de carrière. Le favoritisme et le clanisme sont les seuls critères qui président à la nomination à des postes de responsabilité ». Par ailleurs, les travailleurs en grève soulignent que la direction de Sonatro fait revenir des retraités pour les nommer comme conseillers du directeur. Selon un cadre de l’entreprise, directeur d’unité de son état, le siège est divisé en deux, un bloc pour les cadres et la compétence, un autre bloc pour le directeur général par intérim et sa clientèle. On recrute même, malgré la conjoncture difficile de l’entreprise, des parents et des amis. Le directeur général par intérim, qui refuse tout dialogue, selon les représentants du syndicat, ne reconnaît pas la légalité du syndicat de l’entreprise qui, pourtant, a été installé par l’ancien organique de l’UGTA, Salah Djenouhat, indiquent les mêmes sources.


    Par Said Rabia
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