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Désarroi algérien

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    Désarroi algérien
    « Connais-toi toi-même et tu connaîtras l’univers et les dieux »
    Socrate.

    En ce début du XXI ème siècle, la société algérienne est en proie à un malaise profond, à un désarroi existentiel. Les éternelles récriminations contre le régime politique, souvent fondées par ailleurs, restent toutefois largement insuffisantes en soi pour expliquer tous nos déboires. Le climat politique qui s’est instauré depuis le changement constitutionnel (12 novembre 2008) et l’élection présidentielle (9 avril 2009) n’augure rien de bon. Aujourd’hui, nous assistons à une fracture entre une majorité d’un peuple qui souhaite un changement de régime et un pouvoir décidé à s’éterniser mais aussi à un choc entre une nouvelle et frêle idée de démocratie et un conditionnement ancien, bien ancré dans les profondeurs de la société.

    Mais qu’est-ce qui mine notre vie publique depuis au moins 1962 et qui nous empêche d’aller vers la démocratie et la liberté ? Est-ce la génération de Novembre – celle qui a libéré le pays et qui est au cœur du pouvoir depuis lors - ?, l’armée ?, l’islamisme ? ou le peuple lui-même ? Ou est-ce un problème qui se situerait ailleurs, juste là où réside le mystère de la formation de l’esprit des peuples et des nations ? Ne faut-il pas dès lors s’interroger, en tant que nation, sur l’origine de nos erreurs d’aiguillage historiques ? Faisons-nous des choix conscients et pertinents concernant notre avenir ou manifestons-nous seulement et symptomatiquement un désordre plus profond, pour l’essentiel inconscient, en guise de réaction d’adaptation au monde ?

    En vérité, pour comprendre ce qu’il nous arrive, il nous faut établir une archéologie mentale de notre société et saisir la nature de nos pulsions profondes, celles qui nous conduisent, trop souvent, à l’opposé de là où notre volonté consciente veut nous arrimer. Peut-être alors pourrons-nous enfin les maîtriser et les canaliser vers des objectifs plus propices pour nous dans le monde d’aujourd’hui.

    L’Algérie a été façonnée, dans une culture millénaire, par sa géographie, la profondeur de son histoire, ses valeurs anthropologiques et ses croyances religieuses. Cependant, la tradition qui l’exprime, normative et tatillonne, s’érige désormais en parfaite conservatrice, inflexible et anachronique. Elle empêche tout ajustement interne des valeurs opératoires causant des décalages et des contradictions entre les désirs actuels de la société et leur impossible satisfaction.
    Il faut dire que notre société a tellement peur de l’innovation que sa foi en est devenue intolérante, elle a tellement peur de l’avenir qu’elle se complaît dans l’opportunisme, elle a tellement peur de l’insécurité qu’elle se réfugie dans l’immobilisme, elle a tellement peur de l’inconnu qu’elle préfère la superstition aux vrais questions. Si notre inconscient collectif avait honoré la science, l’écriture ou l’esprit d’entreprise, les Algériens auraient mis leur énergie à devenir des hommes de science, des écrivains ou de vrais entrepreneurs. Pour le moment, la réalité démontre que notre idéal collectif a été façonné autrement.

    C’est la société qui éduque l’individu dans le culte de ses valeurs, même si hélas, ces dernières ne sont plus d’actualité dans le monde et surtout ne peuvent nous conduire au développement.

    Les grandes cultures dans le monde, y compris l’Islam des premiers siècles, qui ont donné naissance à de glorieuses civilisations (au sens Allemand du terme), étaient avant tout des systèmes cohérents, à grand potentiel d’adaptation, et toujours lié au sens de leur destin.

    Notre culture contemporaine, quant à elle, s’est désadaptée du réel tout en subissant une modernité qui, à défaut d’être le produit endogène de son évolution naturelle, lui impose des distorsions, s’insinue en elle à son corps défendant, la désarticule, la rend de plus en plus incohérente et l’éloigne de son sens originel. Le terrorisme, la violence, les « boat people », le suicide, les névroses, sont les facettes manifestes et extrêmes d’une maladie sociétale portée par l’individu. L’ « indéveloppement » en est le symptôme collectif.

    Le désarroi algérien est, au fond, l’expression de déséquilibres intrinsèques entre les multiples valeurs d’une culture, elle-même déstabilisée dans ses certitudes par une réalité nouvelle et exigeante qui ne lui fait aucune concession. Le malaise algérien empêche l’individu de vivre sereinement son présent et de penser lucidement son avenir.

    Dans ce contexte, rien ne semble plus légitime que d’être au pouvoir et de faire ce qu’il faut pour y rester. L’atavisme est en pleine action. De ce point de vue, le Président de la République, qui a changé les dispositions de la constitution pour s’aménager une présidence à vie, est en plein accord avec l’esprit général sinon de la nation, du moins de sa génération. Le pouvoir est persuadé que le peuple adore les prophètes. Un de plus ne fera pas de mal. D’ailleurs, les faux n’y sont-ils pas légion ?

    C’est là que gît le mal. Et c’est de là qu’il faudra l’en extirper si on veut une Algérie nouvelle. Max Planck disait qu’« une nouvelle vérité scientifique ne triomphe pas en convainquant les opposants et en leur faisant entrevoir la lumière, mais plutôt parce que ses opposants mourront un jour et qu’une nouvelle génération, familiarisée avec elle, apparaîtra ». L’idée de démocratie ne trouvera donc apparemment son chemin qu’avec une nouvelle génération.

    Mais pour réaliser cet idéal, nous ne pouvons, nous autres Algériens, ni changer de culture en adoptant une autre, ni en recréer une nouvelle ex nihilo. Notre chemin de croix, notre « Aqaba » à nous, est de faire l’effort nécessaire de nous comprendre nous-mêmes, de regarder avec courage nos défaillances et nos lacunes, et de décider de nous amender pour retrouver les voies de la liberté et de la dignité. Ce sera le premier pas pour reconstruire notre avenir et renouveller nos espérances.

    Soufiane Djilali
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