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Aucune leçon n’a été retenue des « émeutes de la faim » de 2008

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  • Aucune leçon n’a été retenue des « émeutes de la faim » de 2008

    8 mai 2009 - 17:28

    8 mai 2009 (Nouvelle Solidarité) — En avril 2008, des « émeutes de la faim » avaient éclaté dans une quarantaine de pays, parfois parmi les meilleurs élèves du FMI, (Egypte, Maroc, Philippines, Haïti, Nigeria, Cameroun, Côte-d’Ivoire, Mozambique, Mauritanie, Sénégal, Burkina, etc.). Des manifestations parfois violentes avaient alors fait descendre dans la rue des citadins aux revenus modestes, pour protester contre la vie chère.

    Aujourd’hui,le nombre de personnes souffrant chroniquement de faim est passé de 854 millions en 2007 à 963 millions en 2008 et selon la FAO, ce chiffre passera le cap faramineux du milliard en 2009, touchant un sixième de la population mondiale.

    Pourquoi ?

    Malgré les promesses du sommet de la FAO à Rome, en juin 2008, les pays du Nord n’ont pas réellement accru leurs investissements pour relancer l’agriculture du Sud (seulement 10% des 22 milliards de dollars de dons promis ont été décaissés, majoritairement pour fournir une aide alimentaire d’urgence et non pour moderniser l’agriculture).
    En 2007, les récoltes céréalières ont été plus que médiocres. En revanche, « en 2008, d’excellentes récoltes, les meilleures depuis vingt-cinq ans, ont permis de baisser les cours des produits de première nécessité », affirme Ambroise Mazal, chargé de la souveraineté alimentaire au Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD). Non pas grâce aux investissements, mais à des conditions climatiques exceptionnellement favorables.
    En parallèle, la chute des cours du pétrole fin 2008 et donc des coûts à l’exportation, ainsi qu’un moindre investissement dans les agro-carburants, ont entraîné une légère baisse du prix des denrées alimentaires. Pourtant, l’année 2009 voit les cours du blé repartir à la hausse et les récoltes s’annoncent calamiteuses. La cause : du fait de la baisse des cours à la fin de l’année dernière, les producteurs ont réduit leurs semis. Ainsi, aux Etats-Unis et en Europe, malgré des conditions climatiques favorables, la réduction des surfaces cultivées devrait entraîner une baisse notable de la production de blé.
    Le climat reste un impondérable. Les perspectives de l’Asie ne sont pas meilleures que celles de l’Europe : la moitié des terres chinoises sont touchées par la sécheresse tandis que l’Inde doit faire face à des précipitations inadéquates. D’ores et déjà, la production de blé, de soja et de maïs devrait être divisée par deux en Argentine, l’un des plus gros exportateurs, également frappé par la sécheresse.
    Comme le dénonce l’ONG Agir contre la faim, « aucun stock céréalier ni réserve financière n’ont été mis en place afin de réguler le marché mondial en cas de nouvelle hausse soudaine du prix des denrées alimentaires. Le but serait pourtant d’avoir l’équivalent de six mois de stock, alors qu’il n’y en a aujourd’hui que pour un mois et demi à peine. Plus globalement, aucun plan de contingence mondial n’a été pensé pour faire face à une nouvelle crise. A croire qu’aucune leçon n’a été retenue des événements de 2008. »
    Le mot « agriculture » n’apparaît nulle part dans le communiqué final du G20 de Londres, et celui de « sécurité alimentaire » n’y figure que dans l’idée d’un geste aux plus démunis. Si le sommet reconnaît qu’il faut réguler les marchés financiers, il oublie celui qui en a le plus besoin, tout en étant stratégique pour le bon fonctionnement de l’ensemble de l’économie mondiale : la production agro-alimentaire. C’est même le contraire qui a été décidé à Londres : les participants se sont engagés (art. 23-24) à relancer et faire aboutir au plus vite un nouveau Cycle de Doha de l’OMC, c’est-à-dire une nouvelle salve de dérégulations qui mettra en « libre » compétition des agriculteurs dont la productivité varie parfois de plus de 1000% !
    L’accaparement des terres de pays pauvres par des pays importateurs d’aliments et des fonds spéculatifs explose. Certains pays importateurs cherchent à sécuriser leur approvisionnement alimentaire par des délocalisations agricoles, qui leur permettent notamment de s’affranchir des coûts d’importation liés aux intermédiaires.
    D’après l’économiste Jean-Yves Carfantan, cité dans Le Monde du 5 avril, « fin 2008, cinq pays se distinguaient par l’importance de leurs acquisitions de terres arables à l’étranger : la Chine, la Corée du Sud, les Emirats arabes unis, le Japon et l’Arabie saoudite. Ensemble ils disposent aujourd’hui de plus de 7,6 millions d’hectares à cultiver hors territoire national, soit l’équivalent de 5,6 fois la surface agricole de la Belgique… ».

    Déjà aujourd’hui, le Japon et la Corée importent 60% de leur alimentation et l’on considère que la Chine, un continent qui ne possède que 9% des terres arables du globe, aura installé, d’ici 2010, un million de paysans sur des terres hors de son territoire. Ainsi des pays prospères, comme les pétro-monarchies du golfe Persique, qui manquent de terres agricoles, se retrouvent propriétaires de millions d’hectares en Ouganda, au Kenya, au Cambodge, au Pakistan, pays n’étant eux-mêmes pas en situation d’autosuffisance alimentaire. Comble d’aberration économique, la Libye du colonel Kadhafi compte même troquer du gaz libyen contre les riches terres d’Ukraine. L’Europe n’est pas en reste, puisque 15% de la surface totale de la Roumanie, soit plus de 15 millions d’hectares, est déjà entre les mains de propriétaires originaires d’autres pays européens.

    La motivation des fonds spéculatifs est encore moins acceptable car pour eux, la nourriture n’est qu’un produit financier. Entre 2001 et 2007, le volume des transactions financières a été multiplié par vingt-cinq sur les denrées agricoles. Le krach boursier a fait perdre quelques plumes aux spéculateurs : en 2008, la valeur des actifs confiés aux hedge funds a plongé de 40% en raison des retraits importants de clients paniqués et de la chute de leurs performances. Ce qui ne fait que doubler la cupidité et la pugnacité des survivants en quête d’une santé qu’ils espèrent retrouver grâce à l’eldorado que représentent les variations des prix alimentaires sur lesquelles ils adorent surfer : des variations potentielles anticipées de plus de 300% à la hausse ou à la baisse !

    Ainsi, après George Soros en Argentine, Goldman Sachs et la Deutsche Bank en Chine, le fonds d’investissement américain Black Rock vient d’annoncer la constitution d’un fonds spéculatif agricole de 300 millions de dollars, dont 30 sont dédiés à l’acquisition de terre. Le britannique Dexio Capital souhaite acheter 1,2 million d’hectares de steppes russes. La société française Louis Dreyfus Commodities qui possède 60000 hectares au Brésil, est actuellement intéressée par l’achat ou la location de terres au Nigeria et en Afrique sub-saharienne. Tant pis pour les cultivateurs du cru, souvent dépourvus de titres de propriétés et des moyens d’acquérir leurs propres terres. Le gouvernement de Madagascar vient d’être renversé par une population furieuse, après avoir confié 50% des terres agricoles de l’île au groupe sud-coréen Daewoo.

    Ce contexte n’est guère rassurant. En effet, si nous continuons à livrer la planète aux usuriers et autres accapareurs, nul besoin d’être sorcier pour anticiper de nouvelles émeutes alimentaires et au-delà, l’effondrement de la capacité humaine d’accueillir une population mondiale aussi nombreuse. Pour certains stratèges de la géopolitique malthusienne, la dépopulation mondiale n’est que la rencontre entre l’utile et le désagréable…

    Il est grand temps de changer de cap. En organisant un vrai « nouveau Bretton Woods » qui met l’argent au service de l’homme et non l’inverse, on peut envisager une nouvelle « révolution verte » à l’échelle planétaire capable de nourrir au moins 10 milliards d’individus d’ici 2050. Il ne manque que la volonté politique.

    A lire : Henry Wallace ou l’art de nourrir la planètehttp
    Dernière modification par nacer-eddine06, 08 mai 2009, 17h39.
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill
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