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Les Vingt-Sept craignent une abstention massive aux européennes

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  • Les Vingt-Sept craignent une abstention massive aux européennes

    A quatre semaines des élections du 7 juin, sommes-nous les mêmes Européens qu'en juin 2004 ? La crise économique a redonné du poids à l'Union européenne. Elle a éteint le débat sur l'Europe libérale, calmé l'opposition des antifédéralistes, qui ont constaté le retour des Etats, prouvé la valeur protectrice de l'euro. Pour autant, les électeurs ne semblent pas davantage prêts à se presser aux urnes.

    Il y a cinq ans, lors de la précédente campagne pour l'élection des députés européens, l'Europe semblait en bout de course. La minorité d'électeurs français (43,1 %) qui s'étaient déplacés n'avaient pas de quoi voir dans l'Union européenne (UE) cette "Europe qui protège" que Nicolas Sarkozy allait plus tard appeler de ses voeux. Elle y trouvait plutôt l'instrument d'une Europe qui divise, voire qui ne sert à rien.

    En 2003, la guerre des Etats-Unis en Irak avait creusé un fossé qui semblait irrémédiable entre les pays hostiles à l'intervention armée et ceux qui y étaient favorables. L'Union n'avait pas eu son mot à dire.

    En mai 2004, l'élargissement à dix nouveaux pays, dont huit de l'Est, n'avait pas atténué les divisions. L'entrée de ces membres, séduits par une conception libérale du capitalisme, accentuait les craintes françaises d'une Europe sacrifiant le "social" sur l'autel du libéralisme. La directive Bolkestein, dite "du plombier polonais", destinée à libéraliser les services, était perçue comme l'incarnation d'une Europe diabolique. Le traité constitutionnel, près d'être conclu, ne répondait qu'imparfaitement aux interrogations nées de l'élargissement et fournissait une arme parfaite aux eurosceptiques.

    A ce cocktail idéologique s'ajoutait le débat sur l'euro, accusé d'obérer la liberté des Etats par le pacte de stabilité, jugé selon les pays trop rigide ou trop laxiste, jusqu'à ce que la réforme de 2005 en donne une interprétation moins strictement comptable. Résultat, aux élections de 2004, l'abstention atteignait des records : 78,8 % en Pologne, 61,1 % au Royaume-Uni, 57 % en Allemagne, 54 % en Espagne.

    Dans la foulée, en 2005, le non français au référendum sur le traité constitutionnel semblait signer l'arrêt de mort de la dynamique européenne. Les dirigeants restaient sonnés, pris au dépourvu, sans plan B, ne sachant sur quelle base articuler leur avenir commun.

    Nous voilà en 2009. De l'eau a coulé sous les ponts. A quatre semaines des élections, l'Europe n'est plus tout à fait la même. Pendant six mois, elle a semblé avoir ce "numéro de téléphone" que cherchait l'ancien secrétaire d'Etat américain Henry Kissinger : à la tête de la présidence française de l'UE au deuxième semestre 2008, Nicolas Sarkozy a créé une dynamique européenne commune face à la guerre en Géorgie puis dans la crise économique. De droite et de gauche, les eurodéputés l'en ont remercié : l'Europe a semblé montrer qu'elle était capable d'agir et de protéger. Mais dans les urnes, qu'en restera-t-il ?

    En cinq ans, le débat sur le modèle européen a changé. Les clivages traditionnels se sont brouillés. Le traité de Lisbonne, version simplifiée du traité constitutionnel, a franchi le 6 mai l'obstacle redouté du Parlement tchèque. Son tortueux cheminement semble avoir découragé une partie de ses opposants. Ses détracteurs, faute d'alternative, n'en font plus pour l'instant un sujet.

    Les fédéralistes, partisans d'un pouvoir croissant des institutions communautaires, ont vu avec impuissance les Etats membres reprendre les commandes à l'occasion de la crise. Le sauvetage des banques et les plans de relance ont été dessinés et conduits par les gouvernements. José Manuel Barroso s'est laissé éclipser par Angela Merkel, Nicolas Sarkozy et Gordon Brown. En contrepartie, cette affirmation du rôle des Etats a affaibli l'argumentaire des souverainistes, qui agitent l'épouvantail d'une Europe fédérale substituée aux nations.

    La critique antilibérale de l'Union aurait pu trouver dans la crise économique et financière des arguments de poids. Mais pris dans la tourmente, les chefs de gouvernement, au premier rang desquels les conservateurs, ont senti la menace et se sont efforcés de la désamorcer. D'abord, certains ont dénoncé les paradis fiscaux, ont rejeté la faute sur les Etats-Unis, ont annoncé leur volonté de réguler les marchés et ont évité soigneusement une autocritique européenne. Ensuite, ils ont eu massivement recours à des mesures économiques traditionnellement associées à la social-démocratie : nationalisations de banques, plans de relance économiques, explosion des déficits et de l'endettement public. La crise a dynamité ces dogmes constitutifs de l'UE que sont la concurrence libre et non faussée, la dérégulation, l'équilibre budgétaire et un endettement maîtrisés dans le respect des critères de convergence... Dans les faits comme dans les têtes, tout cela a volé en éclats.

    Conséquence politique de cette partie de chamboule-tout, le clivage droite-gauche en sort brouillé. La social-démocratie peine à trouver un discours, un projet et une stratégie. José Manuel Barroso, le président de la Commission et partisan actif du "moins légiférer", aurait été pour la gauche la cible idéale s'il n'était soutenu à la fois par la majorité des conservateurs mais aussi par trois importants dirigeants socialistes de l'UE. Critiqué pour son libéralisme, sa pratique institutionnelle effacée et son manque de réactivité, il semble assuré de sa reconduction.

    L'Europe n'est plus la même qu'en 2004 mais l'appétit d'Europe s'est-il accru ? Les sondages prévoient un taux d'abstention record. Le Parti populaire européen (PPE, centre-droit) devrait rester le premier groupe parlementaire. La surprise pourrait venir d'une montée des populistes nationalistes et de la gauche radicale qui, en France et en Allemagne notamment, espère tirer parti de l'aphasie social-démocrate.

    Par le Monde
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