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Donnez-moi un théâtre et je vous donnerai un peuple

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  • Donnez-moi un théâtre et je vous donnerai un peuple

    «Donnez-moi un théâtre et je vous donnerai un peuple.» Cette petite phrase résume à elle seule toute la force et l’étendue de l’influence du 4ème art au sein de la société. Théâtre engagé, théâtre révolutionnaire, théâtre de la rue, théâtre populaire… sont autant de genres et de concepts qui disent les «missions» que le théâtre a endossées, ou qu’on lui a fait endosser, et ce, à chaque fois que la société dont il émane traverse une crise, vit un drame ou connaît des mutations.

    L’Algérie n’a pas fait exception. Les hommes de théâtre ont été de tous les combats, depuis la lutte contre la déculturation et l’acculturation menées par l’occupant français jusqu’à la lutte contre tous les fléaux et les maux qui minent le pays et la société algérienne. Même administré, institutionnalisé et mis sous tutelle, le théâtre a toujours su garder sa liberté de ton et d’expression pour critiquer, revendiquer et dénoncer, ouvertement ou de manière allégorique. Et s’il s’est parfois fourvoyé et a cautionné l’ordre établi par le pouvoir politique en place, il s’est toujours trouvé des agitateurs d’idées et des planches pour contrebalancer ces dérives.

    Mais ce que l’idéologie et le politique n’ont pu soumettre complètement, l’argent en est arrivé à bout. Les théâtres désargentés pour cause d’insuffisance des budgets alloués par un ministère tout aussi désargenté finiront par ronronner. Ils se contentent de dépoussiérer des pièces de leur âge d’or pour donner le change et entretenir une illusion de production qui n’attirait et n’intéressait plus personne. Le théâtre s’est vidé de son public et de sa substance. En face, des jeunes, refusant cet état de fait, se sont constitués en troupes et compagnies théâtrales indépendantes avant de monter à l’assaut de l’institution théâtrale qui leur a cependant fermé les portes sous le prétexte fallacieux que ce n’était pas des «professionnels». Mais ces «non professionnels» apporteront la preuve de leur professionnalisme d’ailleurs, de différents festivals de théâtre tant dans les pays arabes qu’occidentaux, la France notamment.

    Les portes du sanctuaire finissent par s’ouvrir, et les cordons de la bourse aussi, pour le plus grand bénéfice du théâtre qui, avec sa traversée du désert, a fini par perdre ses attaches avec la société et son public. Les amateurs sont désormais admis dans les festivals nationaux et ont même leurs propres festivals et journées théâtrales, qui n’ont rien à envier en qualité des productions et en audience à ceux des «professionnels».

    Ça foisonne. Des rendez-vous du théâtre sont organisés partout à travers le pays, et c’est tant mieux. Certains sont même thématisés, spécialisés. Le secret de ce sursaut quantitatif -car la qualité n’a pas toujours été au rendez-vous- est dans l’embellie financière que le théâtre connaît après que le budget de la culture été revu à la hausse, même s’il reste encore insuffisant, et, surtout, dans le rapprochement opéré par le théâtre institutionnel en direction des «amateurs» désormais acceptés dans le cercle des «professionnels».

    Ces amateurs ont apporté le sang neuf qui manquait à une institution restée trop longtemps en catalepsie. Et il semble bien que c’est là l’amorce d’une dynamique qui promet une véritable et totale relance du 4ème art en Algérie. Le ministre a en projet un théâtre par ville, voire par commune.
    En attendant, il finance des tournées de pièces théâtrales à travers le pays, des échanges entre les théâtres du pays et des festivals.

    Mais cela ne suffit pas. Car, le tout n’est pas d’avoir des théâtres partout et une production en quantité. Il s’agira aussi d’engager une réflexion sur les évolutions et les mutations que le théâtre devra connaître pour retrouver ses ancrages dans la société, élargir son audience et (re)conquérir un public.
    Pour résumer cette problématique, nous citerons Antonin Artaud, poète, romancier, acteur, dessinateur, dramaturge français et, surtout, agitateur culturel, qui écrit : «Il faut ignorer la mise en scène, le théâtre.
    Tous les grands dramaturges […] ont pensé en dehors du théâtre. [Ils] suppriment ou à peu près la mise en scène extérieure, mais ils creusent à l’infini les déplacements intérieurs, cette espèce de perpétuel va-et-vient des âmes de leurs héros. L’asservissement à l’auteur, la soumission au texte, quel funèbre tableau ! Mais chaque texte a des possibilités infinies. L’esprit et non la lettre du texte ! Mais un texte demande plus que de l’analyse et de la pénétration. […] Chaque œuvre, ils la pensent en raison du théâtre. Rethéâtraliser le théâtre, tel est leur nouveau cri monstrueux. Mais le théâtre, il faut le rejeter dans la vie. Ce qui ne veut pas dire qu’il faut faire de la vie au théâtre.

    Comme si on pouvait seulement imiter la vie. Ce qu’il faut, c’est retrouver la vie du théâtre, dans toute sa liberté. […] Il faudrait changer la conformation de la salle et que la scène fût déplaçable suivant les besoins de l’action.Il faudrait également que le côté strictement spectacle du spectacle fût supprimé. On viendrait là non plus tellement pour voir, mais pour participer. Le public doit avoir la sensation qu’il pourrait sans opération très savante faire ce que les acteurs font.»

    Par la Tribune
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