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Un canal pour relier la Seine au nord de l’Europe

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  • Un canal pour relier la Seine au nord de l’Europe

    Seine-Nord Europe, trois mots avec lesquels l’Europe des transports va devoir apprendre à composer les routes de ses échanges. C’est le nom du parcours fluvial à grand gabarit qui, à compter de la fin de 2015, reliera la région parisienne et ses deux ports maritimes, Rouen et Le Havre, à l’Escaut et, au-delà, à tout le réseau fluvial de l’Europe du Nord.

    Un axe de transport écologique avec des convois qui pourront transporter jusqu’à 4 400 tonnes (l’équivalent d’environ 180 camions !), avec pour conséquence un désengorgement attendu de l’ensemble du réseau routier d’environ 500 000 poids lourds par an.

    Les routes et autoroutes du nord de la France portent, en effet, dans l’intensité de leur trafic l’empreinte de la trop grande place faite en France aux camions pour le transport de marchandises sur de longues distances. La nationale 31, par exemple, qui traverse d’est en ouest la région Champagne-Ardenne et la Picardie pour rejoindre Rouen, est ainsi surnommée la route du blé.

    La voie de droite de l’autoroute A1 est occupée en semaine par une file presque ininterrompue de mastodontes qui transportent, dans les deux sens, les marchandises entre la région capitale et le Benelux.

    Le fluvial ne représente que 3 % dans les transports en France, contre 12 % en Allemagne, 14 % en Belgique, 30 % aux Pays-Bas. Sans oublier les produits chimiques, plus souvent en France sur les routes qu’en Allemagne, où ils transitent obligatoirement par la voie d’eau.

    Canaux bucoliques mais trop étroits

    Ce parcours fluvial n’est pas totalement à créer. Depuis le confluent de la Seine et de l’Oise, à Conflans-Saint-Honorine (Yvelines), les péniches et les convois poussés de 1 500 tonnes maximum peuvent d’ores et déjà rejoindre le Nord en empruntant l’Oise puis, depuis Compiègne (Oise), une série de canaux, comme celui de Saint-Quentin.

    Bucoliques par leurs tracés ancestraux, ils sont cependant trop étroits et comportent un trop grand nombre d’écluses pour laisser passer les convois aux tailles d’aujourd’hui. Afin de contourner ces écueils, le canal Seine-Nord Europe sera constitué d’un nouveau tracé entre Compiègne et Aubencheul-au-Bac (Nord) pour relier l’Oise au canal Dunkerque-Escaut.

    Au total, 106 km pour « lever un des principaux goulets d’étranglement du réseau fluvial européen, et relier le bassin parisien aux 20 000 km du réseau fluvial européen à grand gabarit », explique Thierry Duclaux, directeur général de Voies navigables de France (VNF).

    Les enjeux économiques sont importants. Les études préparatoires à la réalisation du projet ont ainsi montré que 70 % des échanges intercontinentaux réalisés par conteneurs pour les quatre régions françaises directement concernées par cette nouvelle liaison (Nord-Pas-de-Calais, Picardie, Île-de-France et Haute-Normandie) transitent par les ports du Benelux et par des centres logistiques de distribution qui sont, pour l’heure, très concentrés aux Pays-Bas (900) et en Flandre (400). En France, on en dénombre seulement une centaine. C’est dire la marge de progression.

    En toute logique, Seine-Nord Europe devrait donc être bien plus qu’une « autoroute fluviale ». Il a été conçu dès le départ, il y a près de quinze ans, par son infatigable promoteur, François Bordry (qui fut président de VNF jusqu’à l’an dernier), comme un véritable projet d’aménagement.

    Projet pharaonique ?

    Les rives de ce canal compteront donc quatre plates-formes multimodales, comme autant de lieux pour livrer au plus près d’un bassin de consommation des marchandises qui termineront ensuite leur trajet par la route.

    L’ouvrage pourrait s’apparenter à un projet pharaonique, démesuré par ces temps de pénurie déprimés. Les leçons ont été retenues du tunnel sous la Manche qui avait exclusivement fait appel aux financements privés, avec la déconfiture que l’on sait.

    Pour éviter cela, un partenariat privé-public (PPP) financera au total 4,5 milliards d’euros, dont 1,8 milliard en parts égales entre l’État et les collectivités locales, 333 millions d’euros seront apportés par l’Union européenne, le reste, soit 2,4 milliards, se partageant entre les « pépépistes », du nom de ces investisseurs qui associent leurs capitaux privés aux capitaux publics.

    Les plus grands groupes européens du BTP et des services ont jusqu’au 15 juin pour retirer un dossier de candidature. Tous sont intéressés. L’ouvrage comportera sept écluses, trois ponts-canaux (dont celui de Péronne, long de 1,3 km, ce qui devrait en faire un lieu d’attraction touristique à l’instar du viaduc de Millau dans l’Aveyron).

    Sa construction va entraîner le déplacement de 55 millions de mètres cubes de remblais, avec un ouvrage d’art (pont, passerelle…) tous les deux kilomètres environ. Un million de mètres cubes de béton seront nécessaires pour les écluses.

    Economie en carbone de 300 000 tonnes

    Mais le génie civil ne sera pas tout et le lauréat devra disposer de compétences multiples. Pendant toute la durée du « dialogue compétitif », autrement dit l’élaboration du cahier des charges, qui pourrait prendre deux ans, tous les aspects du projet seront en effet évoqués, de la conception à l’exploitation.

    Les « mieux-disants » l’emporteront au vu de leurs propositions en matière de développement du transport fluvial, de développement local, de tourisme, et bien sûr de gestion des eaux et de la production électrique.

    « Donné » en gestion entre trente et cinquante ans, l’ouvrage devra notamment être le plus économe possible en CO2, pour ne pas entamer l’économie en carbone réalisée par le report de 4,5 milliards de tonnes/km de la route vers le fluvial : 250 000 à 300 000 tonnes de carbone en 2020 et jusqu’à 600 000 tonnes en 2050.

    « Ce projet Seine-Nord Europe a maintenant croisé les nécessités de son époque », explique François Bordry. Les enjeux environnementaux cruciaux sont en effet en train de modifier les équations économiques du transport. L’État lui accorde aussi son soutien dans le cadre du plan de relance face à la crise.

    Dans ce contexte, si les collectivités locales discutent actuellement le montant de leurs participations, c’est moins pour remettre en cause l’intérêt du projet que pour en retirer le plus d’avantages. À charge pour tous de rendre cet ouvrage aussi séduisant que le canal du Midi, qui a permis, avec ses 254 km de long, d’éviter aux marchandises françaises, au XVIIe siècle, d’emprunter le détroit de Gibraltar pour se rendre de Bordeaux au Languedoc. Et d’être classé plus de trois siècles plus tard au patrimoine mondial de l’Unesco.

    Par La Croix
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