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Le reve "turc" : l'age des rais

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  • Le reve "turc" : l'age des rais

    Voici un passage quelque peu résumé d'un ouvrage intéressant, Les Chrétiens d'Allah. Il parait que le flux migratoire allait dans le sens inverse de la méditerranée ... lol :

    Alger, 1581, sous le regard attentif de Diego Haedo ; Alger dans les années 1630, lorsque y séjourna le père Dan. La capitale barbaresque étalait son opulence aux yeux du monde et se réjouissait du spectacle quasi quotidien du retour des rais victorieux, salues par les salves d’artillerie […]. Alger prospérait, entretenue par les dépouilles de la Chrétienté. […] La fête, la richesse, le sang. Image superficielle c’est vrai, mais forte, ineffaçable.
    Qui exerçait le pouvoir a Alger ? […]

    - En fait, tout au long du 16e s., les beylerbeys, nommes par la Porte, les « rois d’Alger » selon la formule de Haedo. La Régence d’Alger, fondée par les corsaires Aroudj et Kheir Eddine Barberousse, deux grecs islamises, a été dirigée par des beylerbeys, descendants ou compagnons des deux frères, rais pour la plupart et très souvent chrétiens d’Origine : Hassan Agha, Corse ; Hassan Pacha, fils de Kheir Eddine et d’une More d’Alger ; Hassan Corso, nom significatif ; Yusuf, Calabrais ; Euldj Ali, encore un calabrais ; Rabadan Pacha, Sarde peut-être ; Hassan Veneziano ; Jaffer Pacha, ne en Hongrie.

    Sur les 22 « rois » cites par Haedo, 11 sont d’origine chrétienne, les autres des « Turcs » choisis par la milice dont la Porte ne confirme pas toujours l’élection, ou des hommes de confiance du sultan […].

    - Mais, aussi puissants que les pachas, les corsaires, parmi lesquels le sultan choisissait souvent le pacha. […] selon la liste des principaux corsaires de la puissante corporation (taifa) des rais, établie par Haedo […], on compte 6 Génois, 2 Vénitiens, 1 Sicilien, 1 Napolitain, 1 Calabrais, 1 Corse, 3 Grecs, 2 Albanais, 2 Espagnols, 1 Français, 1 Hongrois, 3 fils de « renégats », 10 « Turcs » et 1 rais d’origine Juive.

    Sur les 35 rais de la liste, 24 sont d’origine chrétienne, maitres d’une flotte de 36 galiotes (15 a 25 bancs de rameurs), qu’il faut augmenter de frégates ou brigantines (8 a 13 bancs) forts nombreux a Alger, aux mains des Turcs, de Morisques espagnols ou de « renégats ».

    - Le troisième pouvoir d’Alger était constitue par la milice et par les détenteurs des charges administratives qui en étaient souvent issus : les alcaides. Tel était le titre de ceux qui gouvernaient les villes ou territoires soumis à l’autorité d’Alger, qui exerçaient une charge publique ou un emploi dans la maison du « roi ». Haedo 1 Anglais, 1 Hongrois, 3 Espagnols, 1 Grec et 1 Juif.
    énumère les noms des principaux d’entre eux a la date de 1581, soit 5 Turcs, 1 fils de Turc d’une More, 1 fils de Turc d’une « renégate », 1 More d’Alger, 1 More de Tlemcen, 1 Calabrais, 1 Sarde, 1 Napolitain, 2 Corses.

    Sur les 23 noms de la liste, 13 sont des « turcs de profession », d’origine chrétienne.

    On imagine alors sans effort les fantasmes et, parfois, les espoirs des « chrétiens de la frontière », Ibériques, Italiens, Slaves ou Grecs de modeste origine, sans perspectives d’ascension dans des sociétés a demi bloquées, même l’espagnole puisque la conquête américaine est terminée […]. Alger en revanche peut enflammer l’imagination des soldats haillonneux des présides espagnols, pousser a une résignation facile les victimes des razzias et des prises sur mer.
    "L'armée ne doit être que le bras de la nation, jamais sa tête" [Pio Baroja, L'apprenti conspirateur, 1913]

  • #2
    Merci harrachi

    Tu peux me donner les références de l'ouvrage stp? Il m'intéresse fortement.
    « N’attribuez jamais à la malveillance ce qui s’explique très bien par l’incompétence. » - Napoléon Bonaparte

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    • #3
      @Zakia

      Bartolome & Lucile Bennassar

      Les Chrétiens d'Allah
      Histoire extraordinaire des renégats
      16e et 17e siècles


      Éditions Perrin

      _________________________

      Mais attention, l'ouvrage n'est pas du tout consacre a l'histoire Régence d'Alger ni même a celle de la course barbaresque, mais plutôt aux renégats en eux-mêmes, en tant qu'européens, encore ça ne couvre que deux siecles (de 1500 a 1600 a peu pres).

      Par contre, c'est probablement le seul ouvrage ou tu pourra trouver détaille et une ébauche de statistiques sur la question. Il donc bon a garder sans la bibliothèque, ça fait une documentation très utile.
      "L'armée ne doit être que le bras de la nation, jamais sa tête" [Pio Baroja, L'apprenti conspirateur, 1913]

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      • #4
        Merci Harrachi

        Ca m'intéresse quand même

        Et puis ça me donnera aussi sûrement des pistes de recherches. Je n'ai qu'une idée assez succinte et peu précise que ce qu'était Alger au temps des barbaresques
        « N’attribuez jamais à la malveillance ce qui s’explique très bien par l’incompétence. » - Napoléon Bonaparte

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        • #5
          Chiffres

          Moi ce qui m'a quelque peu étonné c'est les chiffres avances pour ces deux siècles. On estime globalement le nombre d'européens ainsi captures entre 200.000 et 300.000 au bas mot, et rien que pour cette periode !

          Pour le cas d'Alger, a l'apogée de la course (début 17e s.), la ville comptait environ 100.000 habitants, et le père Dan y compte 20.000 a 25.000 esclaves chrétiens plus 9.000 renégats, soit le tiers de la population.

          Cinquante ans plus tôt, Diego Haedo comptait les maisons. Sur les 12.200 que comptait la ville, il etablit le detaille qui suit :

          - 2.500 appartenaient aux Mores originaires d'Alger (les Baldis)
          - 800 a 900 aux Mores originaires des montagnes (Kabyles surtout)
          - 1.000 aux Morisques expulses d'Espagne
          - 1.600 aux "Turcs de nation" (c'est-a-dire les emigres venus d'Orient)
          - Quelques centaines aux Juifs
          - 6.000 aux "Turcs de profession" (c'est-a-dire les convertis d'origine chretienne).

          C'est tout de meme etonant !
          "L'armée ne doit être que le bras de la nation, jamais sa tête" [Pio Baroja, L'apprenti conspirateur, 1913]

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          • #6
            Les Chrétiens d'Allah. C'est le bouquin que je lis en ce moment. Excellent!
            Je donnerais cher pour savoir écrire comme ça.

            Harrachi, pour les 20.000 à 25.000 esclaves à Alger, c'est plausible mais pour une période qui s'étend de l'année 1580 à 1640 environ.

            Quant au décompte de Haëdo (12.200 maison), il est également plausible. En revanche, dire qu'il y avait 6.000 maisons de "renégats", c'est netemment exagéré!

            Haëdo était un prêtre qui a été esclave à Alger de 1578 à 1581. Son objectif en écrivant son livre (publié à Valladolid en 1612) était d'encourager les chrétiens d'Europe à donner des aumones pour le rachat des captifs en Algérie. Dans cette optique, il avait intérêt de grossir le nombre de renégats pour montrer que les chrétiens risquaient à tout moment de perdre le salut de leur âme à Alger en se convertissant à l'islam et qu'il fallait vite obtenir de l'argent pour les racheter avant leur conversion.

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            • #7
              @Ubu

              Qu'importe, ces proportions demeurent toujours trop importantes !

              Cela signifie que le "sang" européen circulant dans les veines algériennes est bien plus important qu'on l'aurait cru, car ces gens ont fait souche a Alger, se sont maries, eus des enfants ... etc.
              "L'armée ne doit être que le bras de la nation, jamais sa tête" [Pio Baroja, L'apprenti conspirateur, 1913]

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              • #8
                C'est exact Harrachi. Beaucoup d'Européens se sont établis à Alger.

                Il est important de montrer que cet apport s'est concentré dans les années 1550-1700 pour voir très large.

                Au XVIIIe et XIXe siècles, pratiquement plus de renégats.

                Mais tu as raison de dire qu'ils ont été suffisamment nombreux pour marquer de leur empreinte la population algéroise (et non pas tant algérienne, parce qu'ils étaient peu présents dans les autres villes et tout à fait absents des campagnes).

                L'existence de "renégats" (convertis à l'islam serait plus correct car le mot renégat est péjoratif) à Alger est liée à l'existence d'une activité corsaire importante. Or, cette activité connut son apogée dans les années 1580-1640, d'où l'importance du nombre de chrétiens convertis à cette époque.

                Mais oui, les Algérois ont quelque chose d'Italien (Calabrais, Génois, Sarde, Sicilien, etc), d'Espagnol, de Corse, de Français, d'Hollandais, d'Anglais, de Scandinave et même de Russe ou d'Islandais (!), hérité de cette époque (XVIe, XVIIe siècles).

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                • #9
                  Ceci dit, on peut raisonnaiblement penser que les Ibériques et les Italiens étaient nettement plus nombreux que les autres.

                  Commentaire


                  • #10
                    Mais on est étonné, il est vrai, par l'Hollandais Jan Janz, alias Mourad Raïs qui, en 1627 fait une descente à Reykjavik en Islande pour y faire des centaines de captifs dont peut-être l'ancètre d'un de nos Algériens.

                    Ces corsaires nordiques adoptés par Alger, qui allaient silloner l'Atlantique jusqu'à Madère, jusquaux Açores, jusqu'à Terre Neuve même (!) nous impressionnent aujourd'hui.

                    Commentaire


                    • #11
                      Dernière chose à ajouter: non les corsaires algériens n'étaient pas majoritairement des renégats. La plupart étaient musulmans de naissance, même à l'apogée de la course (1580-1640)

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                      • #12
                        @Ubu

                        N'y a-t-il pas moyen de mettre tout ça dans un seul poste UBU, c'est pas pratique de suivre un topic de la sorte allons !
                        "L'armée ne doit être que le bras de la nation, jamais sa tête" [Pio Baroja, L'apprenti conspirateur, 1913]

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                        • #13
                          Ok Harrachi, je tâcherai d'y penser

                          Commentaire


                          • #14
                            Mais on est étonné, il est vrai, par l'Hollandais Jan Janz, alias Mourad Raïs qui, en 1627 fait une descente à Reykjavik en Islande pour y faire des centaines de captifs dont peut-être l'ancètre d'un de nos Algériens.

                            Ces corsaires nordiques adoptés par Alger, qui allaient silloner l'Atlantique jusqu'à Madère, jusquaux Açores, jusqu'à Terre Neuve même (!) nous impressionnent aujourd'hui.
                            L'épisode que tu relates a en fait été mené par les corsaires marocains de la république auto-proclamée de Rabat-Salé. Ce sont les Saletins qui prirent ces esclaves nordiques et les ont emmenés au Maroc.
                            Mourat Reïs ou Jan Janszoon Van Salee(Salé) a été marocain, même si il est né et a vecu la première partie de sa vie en Zelande, dans les pays bas.
                            Le Maroc connaissait aussi une très forte ébullition de la piraterie qui était sous la tutelle du Sultan. D'autres villes se sont distinguées, en plus de Rbat-Salé:
                            Tétouan et Tanger, al-Hoceïma, El jadida, Essaouira, Safi...


                            Voici la biographie de Mourat Reïs le jeune:
                            Jan Janszoon nait à Haarlem (Pays-Bas alors espagnols) et commence sa carrière parmi les Gueux de la Mer ; en 1618, il est capturé par des barbaresques au large de l'île de Lanzarote (Canaries) et conduit comme esclave en Alger. Il se convertit à l'Islam et devient lui-même un raïs important d'Alger, sous le nom de Mourad Raïs le Jeune. Il navigue souvent avec Salomo de Veenboer.

                            Vers 1620, Janszoon préfère opérer à partir de Salé (Maroc), car Alger, à cette époque, a plusieurs traités de paix avec les puissances européennes qui rendent la piraterie plus difficile. Il y devient le chef des pirates en même temps que celui de la ville ; celle-ci se constitue en république autonome après que le Sultan du Maroc, son souverain supposé, l'ait assiégée en vain pour la ramener à l'obéissance.

                            En 1622, après une campagne difficile dans les eaux de la Manche, il exige de pouvoir relâcher sans le port zélandais de Veere, se prévalant d'un traité de paix avec le Maroc et exigeant des privilèges diplomatiques en tant que "Amiral du Maroc" , titre qu'il s'octroyait là de façon très libérale. Il fallut bien le recevoir dans le port. Sa femme hollandaise lui rend visite à bord, mais elle ne réussit pas à le convaincre d'abandonner la piraterie. Bien au contraire, Janszoon quitte le port avec des marins zélandais qu'il a réussi à convaincre des avantages de la vie de pirate barbaresque.

                            En 1624, pour retrouver un semblant de souveraineté sur Salé, le Sultan du Maroc l'en nomme gouverneur.

                            En 1627, guidé par un esclave nordique qu'il a acheté à cette fin, Janszoon lance un raid sur l'Islande ; plusieurs centaines d'habitants sont capturés ; 242, ceux qui sont jeunes et en bonne condition physique, sont ramenés comme esclaves ; les autres sont enfermés dans l'église à laquelle il est mis le feu.

                            En 1631, il met à sac Baltimore en Irlande.

                            Capturé par les Chevaliers de Malte, il s'évade en 1640 et revient au Maroc, où il est nommé gouverneur de la forteresse de Oualidia.

                            En 1641, il reçoit la visite du nouveau consul hollandais qui amène avec lui Lysbeth, la fille qu'il a eue d'un premier mariage en Hollande.

                            A partir de cette date, Janszoon ne laisse plus de traces en archives. Peut-être est-il mort, peut-être vit il une paisible retraite sans défrayer la chronique.

                            La vie privée de Janszoon est compliquée. L'étude généalogique de ses descendants révèle trois épouses, une hollandaise (mère de Lysbeth) et deux musulmanes. L'intérêt de l'Islam pour un homme désireux de pratiquer la polygamie est donc bien perçu par Janszoon, qui semble à l'aise dans cette religion, mais garde cependant deux fers au feu. Les liens avec sa famille hollandaise ne sont pas rompus. Son probable fils Anthony, d'épouse musulmane, appelé Van Salee (de Salé) dans les registres du Nouveau Monde, arrive à la Nouvelle Amsterdam (future New York) en 1630 et y fait souche ; la ville n'a été fondée que cinq ans plus tôt , en 1625, par la Compagnie hollandaise des Indes Occidentales ; on voit que la famille Janszoon se tient au courant de l'actualité maritime internationale.

                            Anthony van Salee compterait parmi ses descendants Jacqueline Kennedy et Humphrey Boggart.

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                            • #15
                              Les Islandais capturés par Murâd Raïs furent emmenés à Alger

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