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L'administration d'Obama peche par excès d'optimisme

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  • L'administration d'Obama peche par excès d'optimisme

    L'administration Obama commence à admettre que la sortie de crise ne se déroulera pas comme annoncé. "Le processus de reprise sera plus long" qu'elle ne l'envisageait lors de l'élaboration du budget, il y a deux mois, a expliqué, vendredi 22 mai, le secrétaire américain au Trésor, Timothy Geithner. Ce budget, le plus déficitaire adopté depuis 1946, misait sur un recul limité de la croissance en 2009 (à - 1,2 %) et sur une relance économique forte dès 2010 (+ 3,2 %), pour se stabiliser au-dessus de 4 % à partir de 2011. Las, a noté M. Geithner, l'accès au crédit tarde à se desserrer. Surtout, les ménages, comme les entreprises, dans l'incertitude, pensent plus à épargner qu'à acheter ou investir.

    L'intervention de M. Geithner a mis fin à une semaine de spéculations durant laquelle analystes financiers et économistes entrevoyaient, les uns les premières lueurs de sortie de crise, les autres, au contraire, une reprise plus tardive et surtout moins vigoureuse que prévu.

    Au registre des données incitant à l'optimisme, l'indice composite de l'activité aux Etats-Unis publié par le Conference Board, une société privée d'études économiques, a crû d'un point en avril, après sept mois successifs de baisse. C'est la hausse la plus importante sur un mois depuis quatre ans. Cet indice, issu d'une péréquation qui associe dix indicateurs-clés économiques et financiers, s'efforce de pronostiquer les performances de l'économie à six mois. Il avait commencé à plonger au début du second semestre 2007.

    Et de fait, les économistes datent désormais l'entrée en récession des Etats-Unis à la fin de 2007. En mars, l'indice composite de l'activité avait atteint son niveau le plus bas. Qu'il ait remonté en avril ne permet pas de pavoiser, mais lors de précédentes récessions, sa hausse successive sur deux mois avait, chaque fois, précédé une reprise économique ultérieure.
    D'autres indicateurs ont alimenté un mouvement d'optimisme, comme la légère baisse du nombre des inscriptions au chômage, même si le chômage indemnisé a, lui, augmenté, atteignant pour la première fois depuis décembre 1982 les 5 %.

    En réalité, les "bonnes" nouvelles sont surtout d'ordre financier. Ainsi l'indice Standard & Poor's 500 a-t-il regagné 34 % depuis son niveau plancher du 9 mars. De même, l'indice "Ted Spread", considéré comme un baromètre de la perception du risque par les milieux bancaires, est en recul régulier depuis son maximum, atteint le 10 octobre.

    Sur le mois écoulé, les grandes banques américaines ont pu lever sur les marchés 56 milliards de dollars (40 milliards d'euros) pour se recapitaliser, dont les deux tiers par des émissions d'actions qui ont trouvé preneurs, signe que les mesures de soutien de l'administration au secteur financier autorisent un certain degré de confiance. "Le sentiment est qu'on a évité la Grande Dépression", déclarait jeudi Anil Kashyap, un économiste de l'université de Chicago, au Washington Post.

    La logique suivie par l'administration Obama semble donc porter ses fruits, alors que les trois quarts des 1 000 milliards de dollars (715 milliards d'euros) destinés à relancer l'activité n'ont pas encore été débloqués. Elle consiste à restaurer en priorité la confiance des marchés financiers, seul moyen d'assurer, ensuite, la "coopération public-privé" qui constituera le moteur de la relance de l'économie générale.

    Or précisément, ce sont les perspectives économiques globales qui ont alimenté, au cours de la semaine, les sentiments exactement inverses.
    Dans le débat quelque peu scolastique entre prévisionnistes, les partisans de la courbe en "V" - après la récession, une reprise immédiate, comme l'envisageaient les rédacteurs du budget - sont de moins en moins audibles. Ceux qui pronostiquent une courbe en "U", c'est-à-dire une récession suivie d'une période de stagnation molle avant une réelle reprise - le Prix NobelPaul Krugman ne la voit pas survenir avant 2013 -, ont marqué de nouveaux points après la remise, mercredi, du dernier rapport de la Réserve fédérale (Fed), la banque centrale américaine.

    En février, celle-ci tablait sur un recul du produit intérieur brut (PIB) américain entre 0,5 % et 1,3 % pour 2009. Désormais, elle prévoit une contraction plus importante (entre 1,3 % et 2 %). Mais surtout, elle a révisé à la baisse ses pronostics de croissance du PIB pour 2010 et 2011. En termes de croissance, de taux de chômage et d'inflation, elle ne voit pas non plus l'économie américaine parvenir aux résultats requis avant cinq à six ans. Soit, en théorie, une croissance supérieure à 4 %, un chômage ramené sous les 5 % et une inflation située entre 1,7 % et 2 % l'an. Sans prévoir une déflation, la Fed estime que l'inflation ne devrait pas dépasser 1 % en 2009, un chiffre jugé insuffisant pour assurer le maintien de la valeur des biens. Quant à l'emploi, le taux de chômage (actuellement 8,9 %) devrait approcher les 10 % dès 2009. Surtout, la Fed prévoit qu'il restera sensiblement au même niveau en 2010, et élevé jusqu'en 2011.
    Les pressions négatives qui s'exercent sur l'économie américaine, conclut son comité de politique monétaire, "ne disparaîtront que lentement". Traduction pratique : l'Etat fédéral américain se prépare à creuser plus encore sa dette (et à en reporter la résorption à des échéances plus tardives).

    D'autant que les renflouements publics d'entreprises en difficulté se poursuivent. Vendredi, le Trésor américain a avancé 4 milliards de dollars supplémentaires au constructeur automobile General Motors. Son ancienne filiale financière, GMAC, devenue une institution de crédit indépendante, a perçu le même jour 7,5 milliards de dollars de Washington, après les 5 milliards reçus fin 2008.

    Dû à la multiplication des faillites, le déficit de la PBGC (Pension Benefit Guaranty Corp), l'agence publique qui assure le versement des pensions de 44 millions d'Américains, est passé de 11 milliards de dollars en octobre 2008 à 33,5 milliards en avril. Enfin, une étude publiée par le Wall Street Journal mardi 19 mai concluait que sur les 940 petites banques locales analysées, 600 se trouveraient à court de liquidités si la situation économique s'aggravait.

    Dans leur note de conjoncture publiée vendredi, les analystes de Goldman Sachs concluent sans surprise que l'amélioration des conditions d'activités des marchés financiers "tire dans le sens contraire aux données réelles" de l'économie.

    Sylvain Cypel (Le Monde)
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