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Le prêt de main d'oeuvre pour faire face à la crise

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  • Le prêt de main d'oeuvre pour faire face à la crise

    820 licenciements chez Goodyear, 617 chez le grossiste alimentaire EDA, 480 chez Nortel, 400 chez Altadis Semiconductor... Confrontées à la crise, les entreprises n'en finissent plus d'alléger leurs effectifs. Sur l'ensemble de l'année 2009, l'Unedic s'attend à 639.000 chômeurs supplémentaires. Un véritable gâchis pour les entreprises car les compétences pourraient être difficiles à retrouver au moment de la reprise. Alors pour l'éviter, certaines ont recours à une solution originale : le prêt de main d'oeuvre.

    Aux prises avec la crise du secteur automobile, Inoplast, fabricant de pièces plastique pour les automobiles et les camions, a prêté, en mai, 82 salariés à Iveco, le constructeur de bus et d'autocars du groupe Fiat. Les deux entreprises, installées à quelques kilomètres l'une de l'autre dans le nord de l'Ardèche, y ont trouvé leur compte. "Nous sommes les deux plus grosses entreprises d'un vieux bassin industriel qui souffre de la désindustrialisation", raconte Valéry Cervantes, responsable des affaires publiques et institutionnelles chez Iveco, pour qui l'échange s'est donc fait naturellement.

    Son entreprise, qui emploie environ 1.131 salariés à Annonay, a bénéficié d'une commande anticipée de 100 autobus à produire dans l'année. Un fort regain d'activité difficile à assumer. Elle s'est alors tournée vers Inoplast, dont l'activité est réduite par des mesures de chômage partiel. Concrètement, Iveco a signé une convention de prêt de personnel et rembourse à l'équipementier automobile l'intégralité du salaire (à plein temps) et des charges. Le contrat de travail du salarié n'est pas modifié : à la fin du prêt, celui-ci réintègre son entreprise. Avantage pour Iveco : trouver "des profils et des expériences plus facilement qu'avec un appel au marché", explique Valéry Cervantes.

    Un dispositif bien accepté en période de crise

    Le bénéfice de l'opération pour Inoplast n'est pas moins important : le prêt de main-d'oeuvre lui a permis d'alléger temporairement sa masse salariale sans pour autant se séparer définitivement de ses compétences. Troisième gagnant du dispositif : l'assurance-chômage. Elle n'a pas à participer à l'indemnisation de salariés qui auraient, autrement, dû être indemnisés pour leur période de chômage partiel.

    Les salariés y trouvent aussi leur compte. Choisis sur la base du volontariat, ils peuvent continuer à toucher leur salaire tout en enrichissant leur parcours professionnel, argumente la direction d'Iveco. Les choses ont été faites "extrêmement proprement", se félicite Mathieu Larnaud, délégué CFDT chez Inoplast, pour qui cette expérience de prêt de personnel est une "véritable bouffée d'oxygène en temps de crise". Une vision positive que ne partagent pas totalement d'autres syndicalistes. À commencer chez Iveco. Norbert Defont, délégué CFDT, n'a rien contre le prêt en cours parce qu'il s'inscrit dans une situation exceptionnelle de crise et bénéficie à des salariés du même bassin d'emplois touchés par le chômage partiel. Mais il regrette que sa direction ne soit pas plus solidaire en faisant d'Inoplast un de ses fournisseurs. "Il y a encore deux ans, raconte-t-il, Iveco faisait appel à Inoplast pour ses pièces plastique avant de décider d'alléger ses coûts en faisant venir les mêmes pièces de l'étranger, notamment d'Italie."

    Le délégué CGT d'Inoplast va plus loin. Selon Pascal Lemercier, le prêt de personnel empêche des chômeurs et des intérimaires de retrouver un emploi. Alors qu'il subit lui-même le chômage partiel, il ne veut pas entendre parler "d'être prêté" à Iveco car il "aurait la sensation de voler un emploi potentiel à des gens du coin". Un argument rejeté par la direction du fabricant de bus et de cars. Celle-ci fait valoir qu'elle emploie aussi 130 intérimaires sur sa chaîne de fabrication d'autobus d'Annonay.

    Entre filiales d'un même groupe

    Iveco ne se contente d'ailleurs pas d'accueillir des salariés extérieurs au groupe. Des salariés de Fiat Powertrain technologies vont aussi bénéficier de la mesure. 30 personnes de l'usine spécialisée dans la production de moteurs installée à Bourbon-Lancy en Saône-et-Loire, elle aussi "fortement impactée par des mesures de chômage partiel", travaillent depuis le 18 mai sur son site ardéchois.

    Le prêt de salariés entre filiales d'un même groupe n'est d'ailleurs pas nouveau. Vallourec y a recours depuis des dizaines d'années lorsqu'il fait face à des baisses d'activité. Le prêt de personnel entre filiales du fabricant de tubes sans soudure, dont l'activité est fortement liée à la conjoncture économique, n'intervient qu'après l'ajustement des effectifs variables (intérimaires, CDD) et la mise en place d'aménagements du temps de travail, précise toutefois le DRH du groupe, Denis Husson. Lorsqu'il implique un déplacement de plus de 40 kilomètres de son domicile, la direction prend alors en charge les frais d'hôtel, de voiture de location...

    En 2009, sur un effectif de 4.900 salariés employés en France, 140 ont été "prêtés" à l'intérieur du groupe pour des missions "de 3 à 6 mois minimum". Selon le DRH, la formule a beaucoup de succès auprès du personnel parce qu'elle permet d'enrichir leurs compétences professionnelles. Certains demandent même à être mutés après leur mission, raconte-t-il.

    Risques d'abus

    Le prêt de personnel a été jugé suffisamment intéressant pour que les syndicats et le patronat de la métallurgie aient négocié un accord de branche. Il s'agit de mieux encadrer la pratique. Seule la CGT s'y est opposée au motif que l'accord n'offrait pas assez de garantie pour le salarié. Du côté des politiques, des députés UMP ont voulu encourager le recours au prêt de personnel. Une proposition de loi en ce sens est en cours de discussion à l'Assemblée nationale.

    L'intérêt d'une telle mesure ne doit toutefois pas être surestimé. Elle reste assez marginale. Surtout, elle peut donner lieu à des abus quand l'entreprise prêteuse surfacture le prêt de ses salariés dans un but lucratif ou quand l'entreprise utilisatrice y a recours sans donner aux salariés tous les droits sociaux dont bénéficient ses propres employés. On parle alors de "délit de marchandage". Le prêt de salariés ne peut pas constituer la solution miracle contre les suppressions de postes. Iveco a enregistré 300 départs en 2008 dans le cadre d'un plan amiante, rappelle Norbert Defont. Chez Inoplast, ce sont pas moins de 61 départs volontaires qui ont été négociés en mai.

    Par Le Point
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