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Quels indicateurs à la place du produit intérieur brut ?

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  • Quels indicateurs à la place du produit intérieur brut ?

    Premier à franchir la ligne d'arrivée provisoire dans la course à la redéfinition du PIB : le Conseil économique, social et environnemental (CESE). Le 28 mai, la "troisième assemblée" des institutions françaises , consultative, a remis à François Fillon le rapport que le premier ministre lui avait commandé, par une lettre du 20 janvier, sur "les indicateurs du développement durable et l'empreinte écologique".

    Cinq jours plus tard, le 2 juin, on pouvait découvrir sur le site Internet de la Commission sur la mesure de la performance économique et du progrès social, créée au début de 2008 à l'initiative de Nicolas Sarkozy et présidée par l'Américain Joseph Stiglitz, Prix Nobel d'économie, un texte en anglais de 92 pages présenté comme un "résumé provisoire" des travaux de ce groupe international de trente-trois économistes.
    Ces recherches, dont la crise a accéléré la mise en route, ont trois objectifs : réconcilier les Français, et, plus largement, les citoyens du monde, avec les statistiques, qui reflètent mal, selon eux, la réalité de leur vie quotidienne ; faire face à l'urgence écologique ; et donner aux hommes politiques des instruments de mesure pertinents pour agir.Une grande partie du travail est donc disponible. Mais les difficultés ne font que commencer.

    Le gouvernement va devoir faire deux types de choix. Entre les nouveaux indicateurs proposés par les uns et les autres : mesure des inégalités sociales, empreinte écologique, bilan carbone, etc. Il faudra aussi décider de la méthode à retenir, pour que l'ensemble de la population s'approprie ces nouveaux indicateurs. Un point fait l'unanimité : l'inadéquation du produit intérieur brut (PIB) censé définir la richesse d'un pays. Il ne mesure pas, par exemple, la qualité de vie.

    Seules les activités de marché sont comptabilisées, ce qui exclut, par exemple, les loisirs et le travail domestique. Le PIB ne rend pas compte de la répartition des revenus : en privilégiant la notion de moyenne, il ne reflète pas la dispersion des inégalités. Enfin, il ne tient compte ni de l'épuisement des ressources naturelles ni de leur dégradation.

    Bref, son toilettage est indispensable pour privilégier la démarche de développement durable qui vise à un équilibre harmonieux entre trois piliers : l'économique, le social et l'environnemental.

    Il ne devrait donc pas y avoir de grosse bagarre entre experts sur l'idée (émise par la Commission Sti-glitz) de compléter les comptes nationaux - en France et au sein de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), afin de favoriser les comparaisons internationales - avec une batterie de nouveaux indicateurs : un PIB corrigé qui tiendrait compte des inégalités ; un revenu disponible net ; le revenu médian - qui sépare la population en deux parties égales : les 50 % qui ne l'atteignent pas, les 50 % qui le dépassent - plutôt que le revenu moyen, qui peut augmenter parce que les rentrées des plus riches progressent mais pas forcément celles des plus pauvres, etc.

    La piste (de la Commission Stiglitz) visant à se pencher davantage sur la qualité de vie grâce à la production régulière d'enquêtes destinées à mesurer les perceptions subjectives des populations (moments de plaisir, de peine, etc.) suscite plus d'interrogations, notamment sur la manière dont les pouvoirs publics pourraient les exploiter.

    La question de la mesure du capital naturel (biodiversité, qualité de l'air, des sols, de l'eau, ressources en poissons, etc.) et de sa dégradation fait, elle, clairement débat.

    Alors que la Commission Stiglitz met en avant l'empreinte écologique, le CESE l'élimine des outils à retenir : "En l'état actuel, cet indicateur est loin de prendre en compte l'ensemble des impacts environnementaux liés aux activités humaines. Exception faite des rejets de CO2, il ignore nombre de pollutions et de déchets", explique le rapporteur Philippe Le Clézio. Le CESE préfère privilégier le bilan carbone, qui mesure les émissions de CO2 générées par l'activité économique.

    Réticent à la mise en place d'indicateurs agrégés, il est plutôt favorable à une logique de tableau de bord, qui comporterait une douzaine d'indicateurs (espérance de vie en bonne santé, part des énergies renouvelables dans la consommation intérieure brute d'énergie, indice d'abondance des populations d'oiseaux communs, etc.).

    De son côté, la Commission Stiglitz craint qu'un nombre trop important d'indicateurs ne prête à confusion. Et réfléchit à la création de deux ou trois statistiques agrégées, dont un indicateur de "développement durable national" qui s'inspirerait de l'épargne nette ajustée (ENA) - surplus de ressources dont dispose une économie à l'issue d'un cycle de production et de consommation, une fois compensée la dépréciation du capital économique, humain et naturel -, indicateur privilégié par la Banque mondiale.

    Au-delà des divergences sur les pistes à retenir, reste la question de la méthode. "L'usage politique des indicateurs nécessite qu'ils soient légitimes aux yeux des experts, mais surtout aux yeux de la population. C'est pourquoi, avant toute décision, nous proposons une consultation citoyenne", annonce M. Le Clézio, dont le projet d'avis s'est nourri de nombreuses auditions. Le rapport du CESE suggère d'organiser des conférences de consensus avec des citoyens tirés au sort, qui seraient au préalable formés par des statisticiens pour pouvoir participer activement au débat.

    La Commission Stiglitz - qui n'a procédé à aucune audition - attend jusqu'au 5 juillet les remarques envoyées par courriel de ceux qui voudront réagir au résumé (en anglais) de ses travaux mis en ligne. Ses membres retiendront celles qui lui sembleront utiles, avant la remise du rapport, au plus tard fin juillet, à Nicolas Sarkozy.

    "Le débat aura lieu après, explique l'économiste Jean-Paul Fitoussi, coordinateur de la Commission. Ces questions sont très techniques et il est impossible de faire intervenir le monde entier avant de finaliser le travail. Un langage commun était nécessaire, et la mesure statistique relève de l'économie."

    Entre une méthode qui s'inspire de l'esprit du Grenelle de l'environnement et un débat entre experts, le gouvernement devra trancher.

    Par Marie-Béatrice Baudet et Laurence Caramel, Le Monde

  • #2
    Le PIB et ses améliorations
    BOUZIANE SEMMOUD
    Université Paris 8

    Malgré ses limites, le PIB demeure l’indicateur le plus usité. Il chapeaute souvent les articles de presse comme les discours qui frappent les esprits par des formules telles qu’ « un PIB à deux chiffres » pour montrer « l’excellente » santé d’une économie donnée. Il n’a jamais autant constitué, comme les autres indicateurs économiques qui entrent dans sa composition, un point de fixation des régimes politiques du Sud de la Méditerranée, soucieux d’obtenir le satisfecit des acteurs internationaux et d’attirer les investissements étrangers réputés apporter un plus de croissance et d’emploi et donc de bien-être.

    Il lui est pourtant reproché de ne concerner que la richesse matérielle produite, complétée de la seule part monétarisée des services. La richesse matérielle appelle elle-même une distinction de taille. Elle peut soit résulter d’une production marchande issue de la transformation ou la valorisation d’un bien (industrie, production agricole…), de la production d’un service faisant appel à la connaissance, soit provenir de la simple extraction d’une ressource minérale commercialisée en l’état ou après une première transformation et variant ainsi, en valeur, au gré des cours volatiles fixés par les groupes dominant le marché mondial.

    Dans les deux cas, la croissance du PIB entraîne habituellement, à n’en pas douter, l’amélioration du bien-être, en permettant la création d’emplois ou à défaut l’augmentation de la rémunération du travail et plus fréquemment d’autres formes de redistribution (maintien de subventions au Sud, mise en place de dispositifs d’aide à l’emploi dans le Nord par exemple) susceptibles de réduire la pauvreté, pour peu qu’on ne croie pas aveuglément dans les vertus du libéralisme : « l’amélioration de la situation des pauvres ne dépend pas seulement de la reprise de la croissance, elle est constitutive de cette croissance » (Salama et Valier, 1994, p. 9.).

    Néanmoins, les pays producteurs de pétrole et de gaz du Sud et de l’Est de la Méditerranée comme ceux de la péninsule arabique présentent des courbes extrêmement contrastées qui peuvent évoluer de l’opulence à une très forte crise (Arabie saoudite) voire l’effondrement (l’Algérie et les hydrocarbures et dans une moindre mesure le Maroc et les phosphates) comme ce fut le cas depuis le milieu des années 1980 jusqu’en 2000. Leur traduction concrète est un désengagement sévère des Etats notamment des services publics et de ce fait un recul du bien-être général des populations, ou plutôt, dans bien des cas, une aggravation de leur « mal-être », terme plus adéquat, et une exacerbation des inégalités sociales, les catégories favorisées, riches ou enrichies dans les niches libérales dégagées, « rechignant » en général à partager les effets de la crise et maintenant leur niveau de ponction sur la rente économique. Les effets de la période de « l’opulence » sont aussitôt annulés.

    Si en Asie de l’Est et partiellement du Sud-Est, la relation mécanique entre croissance et augmentation générale des revenus semble avoir fonctionné jusqu’à récemment (sans préjuger de l’évolution des inégalités), il n’en est apparemment pas de même au sud et à l’est de la Méditerranée. Sur la rive nord, des dispositifs parfois très complexes tendent à favoriser ce lien1, du moins à éviter qu’intervienne un décrochage des catégories les plus vulnérables, presque toujours sous la pression d’acteurs sociaux. Distinguer l’augmentation des revenus issue de la simple croissance des actions volontaristes des pouvoirs publics pour lutter contre la pauvreté dans ses différentes formes est ainsi la revendication des milieux associatifs français pour adjoindre à « l’indicateur de pauvreté » monétaire proposé par le commissariat des solidarités actives, des indicateurs susceptibles d’assurer le suivi et l’évaluation de ces actions.

    Sur la rive sud, une croissance de 5 ou 6 % comme en Egypte ou en Tunisie, s’est accompagnée, pour la première, d’une très forte progression de la pauvreté et pour la seconde, d’une érosion considérable des classes moyennes, «fierté » du régime actuel. La libéralisation économique (Egypte, Algérie, Syrie), son approfondissement dans les pays traditionnellement conservateurs au plan économique (Maroc, Jordanie, Liban), l’abandon progressif mais généralisé des dispositifs de soutien aux populations les plus vulnérables (subvention des produits alimentaires et des médicaments, accès gratuit ou quasi gratuit aux soins et aux services sociaux de base), et de manière générale la réduction drastique des transferts sociaux, entraînent une inégalisation accrue de l’accès aux « bienfaits » de la croissance, et donc une corrélation, pour la majorité, entre croissance économique et aggravation du mal-être.

    Les situations sont toutefois variables et dépendent de la conjoncture économique et de l’efficacité des dispositifs de lutte contre la pauvreté, car il en existe. Même dans les pays où les ressources ne manquent pas, le discours n’est plus au développement mais à la lutte contre l’exclusion et la pauvreté, comme si le sous-développement social était une fatalité.

    A la faveur du programme de relance économique (10 milliards de $ entre 2000 et 2004, puis 140 milliards de 2005 à 2009) coïncidant avec l’augmentation des ressources financières, l’Algérie a mis en place un programme de solidarité nationale qui devrait consommer 10 % du PIB avec des dispositifs notamment d’accès à l’emploi : soutien à l’emploi des jeunes, microcrédit… mais qui est jugé inefficace (les plus pessimistes accordent un taux de réalisation du premier plan de relance à 25 %), parfois socialement inéquitable (passe-droits pour l’accès au crédit), bureaucratique et restreint, prenant parfois la forme d’une simple assistance.

    Au Maroc, l’Initiative Nationale pour le Développement Humain (INDH) lancée en mai 2005, deux ans après les attentats de Casablanca, se présente comme un instrument de lutte contre la violence extrémiste par la réduction de la pauvreté notamment rurale, mais il tranche par la médiocrité des engagements publics prévus (1,1 milliards de $ dont 20 % de financements extérieurs en 5 ans pour 5,5 millions de personnes) et concerne des actions (réseaux d’eau potable et d’électricité, route, emploi des jeunes et assistance aux personnes en difficulté) qui sont du ressort de l’action ordinaire des pouvoirs publics. C’est surtout, par l’effet d’annonce qu’il a produit, un nouvel essai de rassemblement social autour de la monarchie alaouite.

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    • #3
      Les indicateurs alternatifs répondent à deux principales critiques, le point de vue du développement durable et la dimension développement humain, qui sont, précisons-le, interdépendants.

      - Le premier a produit des indicateurs dits PIB verts, inspirés des travaux de Nordhaus et Tobin (1973) dont le GPI (Genuine Progress Indicator ou indicateur de progrès réel) élaboré par l’association californienne Redefining Progress. Il augmente le PIB de la contribution des tous les secteurs non marchands (travail à domicile et associatif) et le diminue en soustrayant les coûts liés à la dégradation environnementale (pollutions de différentes natures) et à l’épuisement des ressources, aux inégalités de revenus, aux accidents et catastrophes, aux pertes des terres agricoles, aux effets de la mobilité pendulaire liée à l’étalement urbain et au sous-emploi (Talberth, Cobb, Slattery, 2007).

      Elaboré pour les Etats Unis, cet indicateur a vocation à être universel mais il est utilisé dans peu de pays développés. Cette préoccupation se retrouve dans les indicateurs développés par les institutions internationales, tels que les onze indicateurs de développement durable de l’Union européenne4 dont la synthèse doit être, selon les auteurs, maniée avec prudence, ou encore l’épargne nette ajustée de la Banque mondiale5 ou la bien environnementale empreinte écologique6 (Bovar et al., 2006).

      Ces indicateurs alternatifs globaux pourraient être d’un grand secours dans les pays du Sud de la Méditerranée où l’ensemble des surcoûts énumérés sont aujourd’hui une réalité qui modérerait l’enthousiasme des politiques devant la réalité du PIB qui pourrait être diminuée de moitié ou plus

      - La préoccupation reste toutefois l’élaboration d’indicateurs immédiatement fonctionnels dans un contexte de pénurie ou d’inadéquation de données. Pour l’heure, le point de vue du développement humain domine dans les pays du Sud. Les améliorations apportées par l’IDH permettent des réajustements et des comparaisons fructueuses. Inspiré des travaux de Amartya Sen notamment de sa théorie des capabilités qui soutient que la pauvreté ne se limite pas à la question du revenu monétaire, c’est un indicateur synthétique. Il résiste par sa concision et sa précision, aux différentes critiques et améliorations qui cherchent à préciser le contenu opératoire du concept de capabilités. Elles multiplient pour cela des indicateurs dont la combinaison plus ou moins complexe produit des indices composites de bien-être, de niveau de vie et de qualité de vie, mobilisent les critères économiques non pris en compte par le PIB (bien être, répartition des revenus…) et intègrent les dimensions sociales, politiques, environnementales…(Bérenger et Chouchane, 2004). L’examen de l’évolution de l’IDH sur trois décennies confirme la fracture méditerranéenne en dépit des progrès des pays de la rive sud et des valeurs maximales atteintes par ceux de la rive nord. L’originalité réside dans le fait qu’au nord, l’homogénéisation par rattrapage au niveau le plus élevé (autour de 0,9 en 2002) est continue alors que la convergence au sein de la rive sud s’est considérablement ralentie à partir du milieu des années 1980. Ce ralentissement signifie peut-être que les progrès de l’IDH sont davantage liés aux politiques publiques en matière de santé et d’éducation que de l’élévation du revenu des populations : le ralentissement des années 1980 est en rapport avec la réduction inégale des ressources financières des états et de leur désengagement différencié dans le temps, en parfait accord avec les plans d’ajustement structurels appliqués en cascade dans les différents pays de la région.

      Etre pauvre au sud et à l’est de la Méditerranée ?
      Le souci permanent de comparaisons internationales souligne plus les inégalités que la pauvreté elle-même.

      C’est l’IDH qui a donné lieu aux indices de pauvreté humaine. Le titre du rapport annuel du PNUD de 2008 « Le renforcement des capacités » est significatif du dépassement de la définition de la pauvreté réduite à la dimension monétaire au profit d’une mise en œuvre opératoire du concept des capabilités d’A. Sen, notamment l’accès et surtout la transformation des « ressources » en « fonctionnements »8. L’Observatoire français des inégalités définit plus généralement trois approches de la pauvreté : l’approche monétaire ou le niveau de revenus, l’approche administrative qui renvoie aux aides apportées aux pauvres et l’approche sociologique qui appréhende les privations ou les incapacités à satisfaire certains besoins.

      L’intérêt porté à la pauvreté tient au souci des pouvoirs politiques d’assurer la cohésion sociale (France par exemple), la stabilité politique et sociale (Egypte), différentes expressions pour signifier le besoin de régulation des mécanismes du libéralisme généralisé aux deux rives, et -pour les institutions de Bretton Woods- l’atténuation, sur la rive sud, des effets sociaux désastreux des plans d’ajustement structurel (branchements sociaux aux réseaux techniques, résorption de l’habitat précaire). La comparaison entre les deux rives est délicate du fait même des très fortes différences qui affectent l’appréciation des privations par les populations elles-mêmes et la réalité des revenus nécessaires à leur satisfaction. En France, le seuil de pauvreté est fixé à 817 euros par personne et par mois en 2005, concernant 7,1 millions de personnes soit 12 % de la population, contre 348 livres (LE) soit 60 $ 2005 en Egypte, affectant 36 millions et 52 % des Egyptiens, contre moins de 15 millions selon le gouvernement.

      La complexité de la notion de pauvreté, les formes diverses qu’elle revêt en fonction des niveaux de développement des contextes, ont conduit le PNUD à multiplier les seuils de pauvreté en distinguant prioritairement pays en développement (1 $, 2 $ et seuil national de pauvreté) et pays de l’OCDE et de l’Europe de l’Est (4 $, 11 $ et 50 % du revenu médian) et à compléter par la dimension de la pauvreté humaine au contenu là aussi différent, mobilisant trois critères : la probabilité à la naissance de ne pas atteindre l’âge de 40 ans dans les PVD contre 60 en pays développés, l’analphabétisme des adultes dans le premier cas, l’illettrisme dans le second, enfin le % de la population privée d’accès durable à un point d’eau aménagé et le % d’enfants souffrant d’insuffisance pondérale, et un indicateur de l’accès aux services de santé quand il est disponible, pour les PVD, le % de la population vivant en deçà du seuil de pauvreté et le taux de chômage de longue durée dans les pays développés.

      La comparaison de la pauvreté monétaire sur les deux rives en révèle les perceptions très différentes notamment des besoins à satisfaire : alors que dans les pays du Sud, la satisfaction des besoins vitaux est en général limitée aux besoins caloriques, à l’accès à une eau saine et quelques services de base, en Europe, les privations retenues concernent plutôt un chauffage correct du logement, l’achat de vêtements, le cabinet de toilette.

      Ces deux manières très contrastées d’apprécier la pauvreté ne rend pas compte de la diversité au sein même de la grande masse des pays en développement, des plus pauvres à ceux qui disposent de ressources importantes et qui ont atteint très précocement les « Objectifs du Millénaire » en matière de lutte contre la pauvreté, du moins dans sa forme extrême. Elles consacrent surtout une inégalité des conditions d’existence des êtres humains.

      Les données sur la pauvreté monétaire sont lacunaires et souvent dépassées pour le Sud et l’Est de la Méditerranée et ne permettent guère une comparaison exhaustive. Les études faites dans les différents pays, sous les auspices de la Banque mondiale d’abord, puis avec l’aide quasi constante du PNUD montrent que les seuils de cette dernière institution tendent à être adoptés. Ceux-ci apparaissent moins éloignés de la réalité de la pauvreté que le seuil de pauvreté nationale défini par les différents pays eux-mêmes qui tendent à le sous-évaluer avec le cas extrême de l’Egypte qui avance une proportion de 16,7 % alors même que 44 % de ses habitants vivent avec moins de 2 $ en 2005. Certes, la pauvreté absolue ou extrême placée à 1 $ par personne a quasiment disparu9 alors qu’elle avait diversement augmenté dans les années 1990, mais l’on est en droit de se poser la question de la pertinence de ce seuil au regard de la sévère contraction ou de la simple suppression des subventions publiques aux produits alimentaires et de la libéralisation généralisée des prix des produits de consommation : en Algérie, seuls le pain et le lait sont encore subventionnés. En Egypte, le prix du pain a presque doublé en un an avant les émeutes du même nom en avril 2008, comme la majorité des produits alimentaires de base ou les services essentiels tels que les transports collectifs. Là où il y a un dispositif d’aide aux plus démunis, comme en Algérie où l’allocation forfaitaire de solidarité s’élevait à 33 DA en 2005 par jour et par personne, montant légèrement supérieur à 1 $, il assure à peine d’échapper à la pauvreté extrême. Il est une situation particulière celle des territoires palestiniens occupés, en particulier du fait des bouclages répétés ou de l’arrêt de l’aide internationale, où près de 40 % des populations pauvres n’ont aucune possibilité d’échapper à la pauvreté qui en concerne près de 60 % (500 $ pour un ménage de 6 personnes, soit 2,7 $ par jour et par personne) et 30 % dans sa forme extrême (257 $), une pauvreté plus prégnante à Gaza qu’en Cisjordanie et qu’à Jérusalem Est.

      Extrait de "Reflexion sur quelques indicateurs socio-économiques"

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