La grande Russie agricole est de retour. En tout cas, elle veut en donner l'impression en affichant de grandes ambitions sur le marché du blé. Moscou veut profiter, samedi 6 et dimanche 7 juin, du Forum mondial céréalier de Saint-Pétersbourg. En présence de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), de ministres et d'acteurs du marché, la Russie entend jouer à nouveau un rôle prépondérant dans la sécurité alimentaire mondiale.
"Tous les pays de la mer Noire ont un potentiel énorme, et la crise alimentaire a augmenté leurs opportunités de croissance", explique Abdolreza Abbassian, économiste à la FAO. De fait, la Russie et ses deux voisins, l'Ukraine et le Kazakhstan, où les terres cultivées avant la "transition économique" (l'éclatement de l'Union soviétique) sont disponibles en quantité, sont en passe de redevenir le "grenier à blé" du monde. Ils sont revenus en force depuis deux ans sur le marché, abreuvant l'Afrique du Nord, le Moyen-Orient ou encore l'Asie et l'Amérique du Sud.
Sur la campagne commerciale qui s'achève, ces trois pays représentent plus de 25 % des exportations mondiales, avec 33 millions de tonnes. "Ils comptent parmi les principaux exportateurs mondiaux, comme il y a vingt ans, avant la chute de l'URSS", explique M. Abbassian.
"A l'origine était le blé", rappelle le président russe Dmitri Medvedev dans une lettre abondamment diffusée sur le Net à la veille du forum. Pour le numéro un russe, ardent défenseur de la diversification d'une économie trop dépendante des hydrocarbures, il s'agit d'encourager la Russie à renouer avec sa vocation agricole. "La consommation de céréales au niveau mondial doit augmenter de 30 % à 40%", rappelle M. Medvedev qui estime que, dans ce contexte, la Russie a une carte à jouer.
Pays de "tchernoziom", cette terre noire grasse et fertile, elle a toujours produit du blé, avec plus ou moins de bonheur. Toujours à la traîne, l'agriculture reste marquée par soixante-dix ans de collectivisation et de planification. Pour se développer, elle veut attirer les investisseurs étrangers. Mais ceux-ci devront jouer des coudes. En mars, le président a créé sur oukaze la Compagnie céréalière unifiée (OZK). Détenue à 25 % par l'Etat, elle est vouée à devenir la centrale d'achat et d'exportation des céréales russes. On s'attend à bientôt la voir répondre aux appels d'offres des pays importateurs. Les traders de céréales, comme Bunge, Cargill ou Louis Dreyfus, présents en Russie, craignent de se voir écartés d'un juteux marché.
Aussi, avant le forum, Moscou a indiqué vouloir profiter de cette rencontre pour étudier la création d'un pool céréalier des pays de la mer Noire, un "premier pas" vers le lancement d'une organisation mondiale, sorte d'OPEP des céréales. L'idée n'est pas jugée réaliste. "La ressource en pétrole se contrôle facilement, car les producteurs sont peu nombreux. Le blé, en revanche, quasiment tous les pays peuvent en cultiver", explique Xavier Rousselin, du service des marchés de l'office public FranceAgriMer.
La création d'un pool des pays de la mer Noire, elle, paraît pertinente. Elle permettrait de stabiliser les exports et de gagner la confiance du marché, car pour l'heure, ce sont l'irrégularité des flux et le peu de traçabilité qui qualifient ces blés.
"Commercialement, l'idée n'est pas aberrante, mais vu la situation géopolitique, sa mise en application serait compliquée", explique Pierre Begoc, du cabinet de conseil Agritel, présent en Ukraine. Pour former un conglomérat avec les autres gros producteurs, l'Ukraine au premier plan, il faudrait que les relations avec sa voisine soient plus apaisées. C'est loin d'être le cas, la Russie n'ayant de cesse de la menacer d'une nouvelle "guerre du gaz". Pour Moscou, un rapprochement permettrait pourtant de pallier un handicap : sa faible façade maritime sur la mer Noire, puisqu'elle a perdu l'accès à ses principaux ports, situés en Ukraine.
La Russie veut parallèlement multiplier ses livraisons vers l'Asie, et pour cela, encourage la production en Sibérie, où le taux d'occupation des terres est faible. Elle ferait alors concurrence aux blés australiens, canadiens et américains. Mais les Européens craignent une concurrence accrue dans le bassin méditerranéen, et en particulier sur le marché égyptien, premier importateur mondial.
Laetitia Clavreul et Marie Jégo (à Moscou)
Le Monde
"Tous les pays de la mer Noire ont un potentiel énorme, et la crise alimentaire a augmenté leurs opportunités de croissance", explique Abdolreza Abbassian, économiste à la FAO. De fait, la Russie et ses deux voisins, l'Ukraine et le Kazakhstan, où les terres cultivées avant la "transition économique" (l'éclatement de l'Union soviétique) sont disponibles en quantité, sont en passe de redevenir le "grenier à blé" du monde. Ils sont revenus en force depuis deux ans sur le marché, abreuvant l'Afrique du Nord, le Moyen-Orient ou encore l'Asie et l'Amérique du Sud.
Sur la campagne commerciale qui s'achève, ces trois pays représentent plus de 25 % des exportations mondiales, avec 33 millions de tonnes. "Ils comptent parmi les principaux exportateurs mondiaux, comme il y a vingt ans, avant la chute de l'URSS", explique M. Abbassian.
"A l'origine était le blé", rappelle le président russe Dmitri Medvedev dans une lettre abondamment diffusée sur le Net à la veille du forum. Pour le numéro un russe, ardent défenseur de la diversification d'une économie trop dépendante des hydrocarbures, il s'agit d'encourager la Russie à renouer avec sa vocation agricole. "La consommation de céréales au niveau mondial doit augmenter de 30 % à 40%", rappelle M. Medvedev qui estime que, dans ce contexte, la Russie a une carte à jouer.
Pays de "tchernoziom", cette terre noire grasse et fertile, elle a toujours produit du blé, avec plus ou moins de bonheur. Toujours à la traîne, l'agriculture reste marquée par soixante-dix ans de collectivisation et de planification. Pour se développer, elle veut attirer les investisseurs étrangers. Mais ceux-ci devront jouer des coudes. En mars, le président a créé sur oukaze la Compagnie céréalière unifiée (OZK). Détenue à 25 % par l'Etat, elle est vouée à devenir la centrale d'achat et d'exportation des céréales russes. On s'attend à bientôt la voir répondre aux appels d'offres des pays importateurs. Les traders de céréales, comme Bunge, Cargill ou Louis Dreyfus, présents en Russie, craignent de se voir écartés d'un juteux marché.
Aussi, avant le forum, Moscou a indiqué vouloir profiter de cette rencontre pour étudier la création d'un pool céréalier des pays de la mer Noire, un "premier pas" vers le lancement d'une organisation mondiale, sorte d'OPEP des céréales. L'idée n'est pas jugée réaliste. "La ressource en pétrole se contrôle facilement, car les producteurs sont peu nombreux. Le blé, en revanche, quasiment tous les pays peuvent en cultiver", explique Xavier Rousselin, du service des marchés de l'office public FranceAgriMer.
La création d'un pool des pays de la mer Noire, elle, paraît pertinente. Elle permettrait de stabiliser les exports et de gagner la confiance du marché, car pour l'heure, ce sont l'irrégularité des flux et le peu de traçabilité qui qualifient ces blés.
"Commercialement, l'idée n'est pas aberrante, mais vu la situation géopolitique, sa mise en application serait compliquée", explique Pierre Begoc, du cabinet de conseil Agritel, présent en Ukraine. Pour former un conglomérat avec les autres gros producteurs, l'Ukraine au premier plan, il faudrait que les relations avec sa voisine soient plus apaisées. C'est loin d'être le cas, la Russie n'ayant de cesse de la menacer d'une nouvelle "guerre du gaz". Pour Moscou, un rapprochement permettrait pourtant de pallier un handicap : sa faible façade maritime sur la mer Noire, puisqu'elle a perdu l'accès à ses principaux ports, situés en Ukraine.
La Russie veut parallèlement multiplier ses livraisons vers l'Asie, et pour cela, encourage la production en Sibérie, où le taux d'occupation des terres est faible. Elle ferait alors concurrence aux blés australiens, canadiens et américains. Mais les Européens craignent une concurrence accrue dans le bassin méditerranéen, et en particulier sur le marché égyptien, premier importateur mondial.
Laetitia Clavreul et Marie Jégo (à Moscou)
Le Monde
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