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Les martyrs...cette semaine

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  • Les martyrs...cette semaine

    «Tu te fourres le doigt dans l’oeil jusqu’au coude! Mon pauvre ami!» C’est en ces termes que Si Hassen, de la Wilaya V m’avait sorti de mes illusions.

    Il faut préciser que le capitaine Si Hassen (Sid-Ahmed pour les intimes) est mon mentor dans les chemins tortueux de la mémoire collective. S’il est vrai que Maurice Audin a eu droit à une place au centre d’Alger (elle a été baptisée dans l’euphorie de l’Indépendance), Henri Maillot, l’aspirant qui avait déserté et offert un camion d’armes à l’ALN, celui qui est mort, les armes à la main, dans les maquis d’Ech Chlef, lui, est toujours SDF. Lui, l’enfant du Clos Salembier. Quant au Maillot qui squatte l’hôpital de Bab El Oued ou qui se fait appeler M’chedellah dans la wilaya de Bouira, c’est un médecin militaire célèbre de la France coloniale et boulangiste.

    C’est ainsi que je redescendais sur terre et me promis d’aller honorer chaque année celui qu’on ne veut pas reconnaître.

    Ayant eu vent qu’une cérémonie de commémoration allait avoir lieu le jeudi 4 juin, je me suis pointé dès 9h du matin à l’entrée du cimetière de Diar Essaâda. Il y avait déjà là mon ancienne collègue Djouher Akrour qui patientait depuis 30 minutes. Son masque d’impassibilité s’éclaira en me reconnaissant. Elle devisait avec un vieux syndicaliste, Ammi Rabah. Nous prîmes des nouvelles des amis communs. Un anonyme lisait le journal, le dos appuyé contre le mur. Aussitôt arriva Mustapha Fettal, pionnier de la Wilaya IV, alerte, simple et enjoué. Il a été aussitôt rejoint par un jeune vieillard à l’oeil vif et au sourire engageant: il avait une cigarette à la main et me demanda du feu. Je lui répondis que j’étais désolé car j’étais victime de la campagne antitabac. Survint alors le plus jeune d’entre tous, le maître des cérémonies (dont j’ai oublié le nom). Il me présenta le jeune octogénaire qui avait rengainé sa cigarette: Felix Collosi. Le bienheureux Felix, ancien collègue de Fernand Yveton, guillotiné pour satisfaire le lobby colonial qui pesait sur le pouvoir socialiste à Paris. Felix Collosi, testeur en téléphonie à l’EGA, ne dut son salut qu’au fait qu’il n’avait pas été jugé dans les flagrants délits comme Yveton qui portait l’étiquette dangereuse et infamante de communiste. Felix ne fut jugé que comme complice et fut condamné à la prison. Il fut transféré à Lambèse.

    A ma question, s’il avait rencontré Benzine, le visage de Felix s’éclaira à nouveau. «Bien sûr que j’ai rencontré Benzine. C’est le seul, clairvoyant comme il était, qui n’était pas enthousiaste quand ceux qui n’avaient pas de sang sur les mains allaient être transférés dans les camps PAM (pris les armes à la main). Il disait qu’on ne sait pas ce qui nous y attend. Et il avait raison.» Si Hassen me confirma plus tard, que beaucoup de patriotes, comme l’avait rapporté Benzine dans Le Camp avait été éliminés sommairement dans ces camps.

    Felix Collosi m’entretint des déboires qu’il eut après juin 1965 mais me fit promettre de ne pas les rapporter. Et ensuite, avant d’aller serrer les mains des nouveaux arrivants, se lança dans une éloge dithyrambique de feu Hadj Ben Alla, militant sincère, simple et honnête.

    Selim M’SILI
    L'Expression
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