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    Peuples des turbans et des babouches !
    par Kamel Daoud
    Quand on est Arabe et surtout de ce Maghreb incolore sauf par ses terrorismes et ses kidnappings, on dira que le discours d'Obama a été « un faux événement », selon la piètre expression. Quand on est un ultra israélien, ou un islamiste internationaliste, on dira qu'il « n'a rien compris », avec le soupir travaillé que l'on devine. Quand on est un modéré sous-traitant ou un laïc insulaire, on dira que ce discours est encourageant mais insuffisant. Et quand on est simplement musulman, on regardera Obama parler parce qu'il est si beau en insonore mais on n'écoute pas ce qu'il dira parce qu'il se parle à lui-même et aux siens dans l'immense narcissisme en boucle des USA. Le discours aux musulmans, prononcé du Caire, fera cependant date, mais pas comme on peut le croire : indirectement et sans peut-être volonté délibérée, une géographie et une date viennent d'être consacrées : il y a désormais l'Amérique, la France, la suisse... etc, et, à l'autre bord, il y a nous, les « musulmans », cette identité confessionnelle en vrac, ce périmètre délimité par la croyance et le turban et pas par la différence et les institutions des Etats modernes. L'Amérique vient en effet d'officialiser notre statut et a signé la fin, depuis longtemps consommée, de nos Etats-nations, des idées de territoires nationaux, de pays différents et de populations distinctes. Nous sommes les « musulmans » avec le même sens qui prévalait lorsqu'on parlait de « Maghrébins » dans les préfectures françaises, ou de « nord d'Af » et de « musulmans » à l'époque de la colonisation française. Ce n'est ni la faute d'Obama ni celle des Occidentaux : ils ne peuvent voir le monde qu'à travers les yeux du mythe de Robinson Crusoé : le reste de l'humanité ne sont pas des animaux mais pas encore des démocraties, d'où le choix de les désigner par leur turban et confession ou de les appeler « Vendredi », selon les jours de semaine. Dans les temps anciens, les Arabes donnaient même des noms de pierres précieuses à leurs esclaves.

    C'est la faute à notre histoire : nous y avons consacré l'échec de l'émergence de toute idée de républiques, peuples, nations et nationalismes hors des trocs des barils et des perles. Entre régimes et déserts, Obama ne pouvait s'adresser à nous en tant qu'Egyptiens ou Algériens ou Yéménites, mais en tant que « musulmans », cette nouvelle réserve confessionnelle où nous nous sommes nous-mêmes enfermés et où nos régimes n'y sont déjà que comme des chefferies indigènes, des gardiens de limes et pas des incarnations de volontés collectives. Souvenez-vous, enfin, de la fausse et délicieuse bourde de Donald Rumsfeld, l'homme de main, de l'époque Bush, lors de sa visite en Algérie et qui nous a adressé un bon message après son départ, destiné « au peuple d'Alger ». Aujourd'hui donc, il y a l'Occident et ses nations, les « pauvres » d'Afrique, les pays dissidents et il y a nous, « les musulmans » avec notre Islam non soluble et nos problèmes d'intégration à l'humanité. Obama défend la paix, des Israéliens en profitent pour se présenter comme les défenseurs de l'Occident, nos régimes se défendent contre nous. Et là où, autrefois, les cartographes imprécis dessinaient les bords du monde avec des bestiaires d'animaux invraisemblables, aujourd'hui, on trace les limes avec les turbans et les babouches.

    Source : Le Quotidien d'Oran .
    " Celui qui passe devant une glace sans se reconnaitre, est capable de se calomnier sans s'en apercevoir "
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