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Maroc : Le business des festivals

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    Jeune Afrique- Par : Jean Berry -
    Les événements musicaux fleurissent aux quatre coins du royaume. Et sont autant de possibilités de développement économique et touristique.

    À Rabat, du 15 au 23 mai, le festival Mawazine a mis les petits plats dans les grands pour accueillir des stars mondiales comme Stevie Wonder, Kylie Minogue, Alicia Keys ou Ennio Morricone… Pour une affiche à faire pâlir les plus grands festivals européens : neuf scènes, neuf jours de concerts pour la plupart gratuits, une centaine de formations, quarante pays représentés et un million de spectateurs. Une énorme machine qui n’oublie pas les artistes du continent : Johnny Clegg, Amadou et Mariam, Khaled, Mayra Andrade ou le rappeur somalien K’Naan entre autres. Une centaine de personnes dans l’organisation (logistique, communication, coordination), sans parler des presta*taires techniques (scènes, son, vidéo), de la presse internationale invitée à grands fraisni des 1 600 billets d’avion émis par Royal Air Maroc pour acheminer à Rabat tout ce petit monde. Montant de l’opération : près de 26 millions de dirhams, soit 2,3 millions d’euros.

    Une image positive du pays
    « L’aspect touristique est important. La ville affiche complet tout le week-end. Cette économie de la culture commence à bien fonctionner : tous nos prestataires sont des entreprises établies au Maroc, explique le directeur artis*tique et porte-parole du festival, Aziz Daki. L’événement donne une image positive du pays, et il est important pour la population de créer une fête, de *rompre la monotonie. » En témoignent les dizaines de milliers de personnes qui se pressaient en 2008 aux concerts de Nass el-Ghiwane ou de l’Orchestre national de Barbès.

    Jazz à Tanger, Rabat et Fès. *Musiques urbaines à Casablanca. Artistes amazighs et musiques du monde à Agadir. Arts populaires et cinéma à Marrakech. Musiques sacrées à Fès. Sans compter les festivals de Chefchaouen, Asilah, Azemmour ou Tafraout, ceux de Laayoune et de Dakhla dans le Sahara… La liste s’agrandit chaque année.

    « Pour notre première, en 1998, on ne venait que par voiture et bus, il n’y avait pas encore d’aéroport », se souvient Neïla Tazi, l’une des fondatrices du Festival gnaoua d’Essaouira, classé par le quotidien britannique The Guardian comme l’une des douze meilleures destinations musicales, qui emploie aujourd’hui vingt-cinq personnes, au sein d’A3 Communication, une agence spécialisée dans les relations presse et la production d’événements culturels. « Le Festival gnaoua a été la preuve qu’une manifestation culturelle peut avoir un impact considérable sur le développement d’une ville, avec d’autres telles que le Printemps musical des alizés, le Festival des Andalousies atlantiques, le festival Jeunes Talents. »

    Et si les partenaires publics encouragent à hauteur de 20 % le Festival gnaoua, pour le reste, ce sont les entreprises (téléphonie, banques, boisson, hôtellerie…) qui cherchent, en s’associant à ce type d’événement, à se forger une image positive et moderne.

    Quant à son impact sur le développement de la ville, les chiffres parlent d’eux-mêmes, à tel point que, face aux 500 000 festivaliers qui s’y pressent chaque année, certains en viennent à regretter le bon vieux temps… La cité des Alizés est en effet devenue l’une des destinations touristiques incontournables du pays. Le nombre d’hôtels, riads et maisons d’hôtes est passé de 9 à 157 en dix ans. Idem pour les restaurants (de 7 à 62), les cafés (de 17 à 147) et les associations, qui sont aujourd’hui plus de 450.

    Des passerelles avec le monde
    Plus au nord, dans la capitale spirituelle du royaume, la fondation Esprit de Fès chapeaute cinq événements, dont le Festival des musiques sacrées. « Nous cherchons à atteindre notre but : accompagner le développement de la ville à travers la culture, en puisant dans les racines et le patrimoine. Nous souhaitons une animation quasi continue, toute l’année », explique la directrice, Fatima Sadiqi, qui considère que « la culture et le tourisme culturel constituent un véritable moteur de développement durable. » « Les festivals créent des passerelles entre les Marocains eux-mêmes et, pour *nombre de ceux-ci, avec le reste du monde », conclut Neïla Tazi.

    Comme Fès et son Festival de la culture amazighe, Agadir accueille cette année la sixième édition de Timitar, où les grands noms de la chanson berbère côtoient des artistes internationaux. Une dimension identitaire et une preuve, comme les confréries gnaouas, de la pluralité du Maroc : « Timitar est né dans une région à forte identité amazighe, culture dans laquelle la musique a toujours pris une place très importante sur les plans social et économique, mais était assez peu relayée par les médias », constate le directeur artistique, *Brahim El Mazned. « Cette dyna*mique de festivals qui évoluent depuis dix ans au Maroc est extraordinaire, elle trouve son origine dans les grands rassemblements populaires, profanes et sacrés (moussems, souks…). Mais tout cela ne doit pas cacher la nécessité essentielle d’avoir une vraie politique culturelle à l’échelle de l’État et des collectivités territoriales », conclut-il.

    Ce que ne contrediront pas les agitateurs casablancais du Boulevard des jeunes musiciens, dédié aux musiques *urbaines. L’équipe de ce Petit Poucet par le budget (3,5 millions à 4 millions de dirhams, soit entre 315 000 et 360 000 euros) a réduit les ambitions de son festival cette année (du 28 au 31 mai), pour développer un projet de centre de musiques actuelles de 850 m2 au Technopark de Casablanca, avec locaux de répétition, studios d’enregistrement et formations pour les jeunes artistes marocains. Elle fait également partie du collectif d’artistes et d’associations qui vient de se voir confier les anciens abattoirs de Casablanca, soit sept hectares dédiés à une friche de création culturelle, dans différentes disciplines (musique, mode, cinéma…).

    Ce boom des festivals a encouragé l’éclosion d’une nouvelle scène maro*caine très remuante, dans différents *styles (rock, hip-hop, fusion), qui se retrouve chaque année au « Boulevard ». Mohammed VI lui-même y prête attention : il gratifiait l’an dernier d’une enveloppe de 250 000 dirhams (23 000 euros) huit groupes de cette nouvelle scène, jugés « prometteurs » et « ayant hissé leurs productions au rang de la créativité ».


    Jeune Afrique
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