A Tizi Ouzou, un détail a changé dans le décor. Des portes de la ville aux artères principales, les nombreux slogans à la gloire de l’ex-candidat s’étalent sur les murs en lettres majuscules. Ces immenses « Bouteflika, bienvenu chez toi. », tracés à la bombe noire, ont fleuri en trois nuits au début du mois d’avril. Un nouveau genre de printemps. Pour le reste, si ce n’est la réfection chinoise des trottoirs par les frères Haddad et la nouvelle façade du bâtiment des renseignements généraux, le cœur urbain de la Kabylie semble égal à lui-même. La poussière des embouteillages se mêle à la chaleur épaisse, la foule en mouvement est compacte, le chômage bat son plein.
Au café du coin, le portrait de Matoub Lounès est toujours à sa place et la jeune clique du quartier continue d’y inventer de nouvelles façons de quitter le pays ou de chercher des raisons d’y rester. On commande un thé maison sur fond de klaxons et notre dialogue informel déroule les destins. Celui de Kader, trentenaire diplômé d’un master, professeur à 8 000 dinars pour 24 heures d’enseignement dans une école privée, bénéficiaire d’un contrat payé par l’état un mois sur trois, obtenu par piston providentiel.
Celui de Karim, qui a troqué ses cailloux contre l’art de la politique : le temps d’une rentable campagne, cet ex-émeutier de la hogra a transformé une gargotte en bureau de soutien et s’est essayé à la peinture nocturne.
« Plus rien ne nous surprend. » commente sans ciller une de ses vieilles connaissances. « Ici, on est cernés. Par l’isolement, la misère, les bombes, la tchipa. C’est une société qui n’a pas de sens. Même nos parents ne savent plus quoi nous dire. Alors à chacun sa manière de s’en sortir. Y en a qui hurlent avec les loups. Et y en a qui ont faim », complète un comparse, philosophe. A l’évocation des kidnappings, chacun y va de sa théorie personnelle : nouveau banditisme, convergences d’intérêt entre terroristes et mafieux, ou entre anciens voyous recyclés en repentis (et inversement) et policiers clientélistes, voire entre tous, c’est selon. « Quand la peur s’ajoute à la misère, le régime peut espérer réoccuper le terrain » fait l’unanimité.
Anodines élucubrations de comptoir ? Echos sans fondement d’une paranoïa généralisée ? Pour déjouer la rumeur urbaine et sonder le phénomène des kidnappings, il faut prendre la route au matin et s’enfoncer patiemment dans la montagne. Ecrire avec les « je ne peux pas vous en dire plus », ou les « faites comme si on ne s’était jamais vus ». Et chaque jour, il faut repartir pour Tizi Ouzou bien avant le crépuscule. Poliment, un compère nous prévient en finissant son thé : « Entre chien et loup, on change de terrain de jeu, ma sœur. »
Tizi Rached
De la fenêtre du taxi qui slalome, mon guide du jour me désigne un coin de Tizi Ouzou. « Ici, c’est un endroit où les vendeurs de zètla sont connus et ne sont jamais inquiétés. C’est un effet de la « symbiose » entre police et population ! », plaisante-t-il, en paraphrasant Ali Tounsi. Le directeur général de la Sûreté nationale était venu promettre en juillet dernier la mise en place d’une structure de police dans chaque daïra, un renforcement des effectifs, mieux formés, et une wilaya entièrement sécurisée pour 2009, relayant ainsi le plan 2006-2010 du ministre de l’Intérieur.
A vingt kilomètres à l’est, près de Tizi Rached, une poignée de commerces s’alignent en bord de route. « Il n’y a aucune sécurité dans ce pays. Je suis revenu de la mort, je ne peux rien dire », répond le colosse quadragénaire qui se tasse en écoutant les questions, visage de marbre et regard fuyant. C’est ici qu’une année plus tôt, à l’entrée de Taboukert, ce propriétaire d’un petit magasin de boissons a été enlevé pour quelques heures par un groupe d’une quinzaine de personnes armées, dispersées dans cinq voitures, dont trois venaient d’être volées à un faux barrage. « Ils étaient déjà venus nous soutirer une grosse somme d’argent deux ans avant. Mais on ne les connaît pas », précise son frère. « Ils étaient cagoulés, et habillés comme vous et moi. », concède le colosse, qui n’en dira pas plus.
A l’APC de Tizi Rached, chef-lieu de daïra, l’accueil du président adjoint est nettement plus enthousiaste : tournée générale d’Ifri à l’orange. L’élu explique que le calme est revenu dans cette région depuis l’incursion menée par une trentaine d’hommes en armes et en civil, en mars 2008. Ce siège nocturne du centre ville, durant lequel un policier avait été abattu, s’était soldé par un double cambriolage raté : la banque agricole, en fin de travaux après avoir été incendiée en 2001, était vide. Quant à l’agence postale, difficile de savoir quelle somme, même minime, y a été subtilisée. « Ce n’est pas à un élu de poser ce genre de questions. Et puis, même entre nous, il n’y a pas de confiance », commente l’officiel, qui justifie l’absence d’intervention de la police locale par le risque d’une hécatombe générale et précise que deux détachements de la gendarmerie ont été placés depuis sur la RN12. Evoquant les transformations d’une population en mouvement, sa souriante assistante promeut la méfiance de ceux qui ne sont pas du cru. « Le Kabyle a peur de son frère », conclut l’adjoint de cette daïra pourtant connue pour sa tranquillité.
Au bureau de poste, le receveur illustre le propos. « Qu’est-ce qui me dit que vous êtes journaliste et pas autre chose ?, lâche-t-il nerveusement. Selon lui, rien n’a été volé par la dizaine d’hommes encagoulés qu’il a vu cette nuit-là. Dehors, le soleil est encore haut et le chauffeur sifflote un morceau de hip-hop américain. « Nobody moves, nobody gets hurted (personne ne bouge, personne ne sera blessé)… » dit le refrain.
Les Ouacifs
Trente kilomètres de plus et la ville de Ouacif s’ouvre sur un barrage de police. A droite, la route est parsemée de vieillards oisifs qui fument à l’ombre des oliviers. A gauche, un jeune barbu aux yeux cernés de khol ausculte froidement la gaouria qui passe. « Méfiez-vous des apparences », souffle une source locale, directement concernée par le phénomène des kidnappings. « Il y a différents groupes mafieux qui agissent dans la région. On les connaît, on connaît les parcours de leurs membres. Plusieurs sont de Aïn defla, un ancien fief du terrorisme. Il y a aussi quelques locaux. Tout ce petit monde se retrouve dans les bars fréquentés par la police. Il y a du clientélisme. Depuis 2001, ils ont les mains libres et ce n’est pas un hasard. Allez voir du côté de Takhoukht, cette zone réputée dangereuse. Le terrorisme résiduel a bon dos : dans cette anarchie, il y a de la place pour le bizness. Mais je ne peux pas en dire plus. Il faut laisser ces gens-là tranquilles. », confie l’anonyme voix. Depuis 2006, cette localité, connue pour les tristes émirs qui en sont issus, réclame l’ouverture de nouvelles pistes agricoles afin de désenclaver les villages, une meilleure alimentation en eau potable, un service cohérent de transports collectifs et un réseau médical.
En mars dernier, quatre policiers y ont été blessés dans une tentative d’attaque de la sûreté de daïra, au coucher du soleil. Trois kilomètres plus loin, la commune d’Aït Touddert ne rassure pas Mourad, mon bienveillant chauffeur. Malgré le barrage mixte qui patiente sous la chaleur à proximité, il préfère attendre dans la voiture, au cas où quelqu’un aurait la mauvaise idée de glisser un explosif sous le moteur. Le président de l’APC n’est pas là. Il s’est rendu à l’enterrement d’un policier de la wilaya de Boumerdès, limitrophe, en proie elle aussi au chaos quotidien.
Un fonctionnaire, avant de nous renvoyer vers les services de sécurité, nous livre ses impressions à demi-mot : « Nous avons vécu des années noires. Tout se mêle ici. Le terrorisme créée un effet d’aubaine. Les gens ont peur, l’Algérie n’est pas un Etat de droit. Le chômage est énorme et les jeunes en ont marre. Pourtant, je n’en connais aucun qui soit parti au maquis. Vous savez, terroriste, c’est un mot assez vaste… » Il reconnaît pourtant que les intégristes armés bénéficient sans doute d’un soutien local.
A quelques pas, l’ancien DEC de la commune, ex-chef des patriotes désarmés en 2004, me reçoit chez lui. En mai 2008, son gendre et le père de ce dernier, propriétaire d’un débit de boissons, sont morts d’avoir résisté à une tentative de kidnapping. Quinze personnes armées ont assiégé leur commerce, tandis que trois embuscades s’étaient organisées autour afin de retarder les secours.
« On parle de banditisme, mais c’est un leurre, affirme l’homme avec force. « J’ai travaillé huit ans avec le DRS. Je connais bien les terroristes. De ma fenêtre qui donne sur la montagne, parfois, je les vois, et je les observe. Je les repère avec le scintillement du soleil sur leurs armes. Ils sont moins nombreux qu’en 98. Mais ils sont mieux armés. La plupart viennent de Boumerdès. Ni l’armée ni la police ne peuvent assurer notre sécurité. Il faut connaître le terrain, il faut être rusé et renseigné. Après l’assassinat des miens, ils m’ont proposé de travailler avec eux. Ils ont tablé sur ma haine mais j’ai refusé. C’est trop tard. Quand on m’a désarmé, je n’avais plus rien : la nuit, j’allais voir d’anciens collègues de la gendarmerie pour qu’ils me donnent quelques baguettes et du sucre. Vous savez, l’Algérie appartient à une classe et les Kabyles sont devenus des « Kablettes ». Chaque kidnappé se dit que son tour est passé. On se tait », estime-t-il. Sa fille, présente, est mal à l’aise. Tandis qu’elle me montre sur son portable les photos de la tombe de son mari, épousé deux ans auparavant, elle évoque leur enfant de vingt mois. « Je lui ai dis que papa dormait. Alors des fois, il vient, et il imite ses ronflements. Je n’ai plus de vie, moi. Je n’ai qu’un rêve : la France. »
Au café du coin, le portrait de Matoub Lounès est toujours à sa place et la jeune clique du quartier continue d’y inventer de nouvelles façons de quitter le pays ou de chercher des raisons d’y rester. On commande un thé maison sur fond de klaxons et notre dialogue informel déroule les destins. Celui de Kader, trentenaire diplômé d’un master, professeur à 8 000 dinars pour 24 heures d’enseignement dans une école privée, bénéficiaire d’un contrat payé par l’état un mois sur trois, obtenu par piston providentiel.
Celui de Karim, qui a troqué ses cailloux contre l’art de la politique : le temps d’une rentable campagne, cet ex-émeutier de la hogra a transformé une gargotte en bureau de soutien et s’est essayé à la peinture nocturne.
« Plus rien ne nous surprend. » commente sans ciller une de ses vieilles connaissances. « Ici, on est cernés. Par l’isolement, la misère, les bombes, la tchipa. C’est une société qui n’a pas de sens. Même nos parents ne savent plus quoi nous dire. Alors à chacun sa manière de s’en sortir. Y en a qui hurlent avec les loups. Et y en a qui ont faim », complète un comparse, philosophe. A l’évocation des kidnappings, chacun y va de sa théorie personnelle : nouveau banditisme, convergences d’intérêt entre terroristes et mafieux, ou entre anciens voyous recyclés en repentis (et inversement) et policiers clientélistes, voire entre tous, c’est selon. « Quand la peur s’ajoute à la misère, le régime peut espérer réoccuper le terrain » fait l’unanimité.
Anodines élucubrations de comptoir ? Echos sans fondement d’une paranoïa généralisée ? Pour déjouer la rumeur urbaine et sonder le phénomène des kidnappings, il faut prendre la route au matin et s’enfoncer patiemment dans la montagne. Ecrire avec les « je ne peux pas vous en dire plus », ou les « faites comme si on ne s’était jamais vus ». Et chaque jour, il faut repartir pour Tizi Ouzou bien avant le crépuscule. Poliment, un compère nous prévient en finissant son thé : « Entre chien et loup, on change de terrain de jeu, ma sœur. »
Tizi Rached
De la fenêtre du taxi qui slalome, mon guide du jour me désigne un coin de Tizi Ouzou. « Ici, c’est un endroit où les vendeurs de zètla sont connus et ne sont jamais inquiétés. C’est un effet de la « symbiose » entre police et population ! », plaisante-t-il, en paraphrasant Ali Tounsi. Le directeur général de la Sûreté nationale était venu promettre en juillet dernier la mise en place d’une structure de police dans chaque daïra, un renforcement des effectifs, mieux formés, et une wilaya entièrement sécurisée pour 2009, relayant ainsi le plan 2006-2010 du ministre de l’Intérieur.
A vingt kilomètres à l’est, près de Tizi Rached, une poignée de commerces s’alignent en bord de route. « Il n’y a aucune sécurité dans ce pays. Je suis revenu de la mort, je ne peux rien dire », répond le colosse quadragénaire qui se tasse en écoutant les questions, visage de marbre et regard fuyant. C’est ici qu’une année plus tôt, à l’entrée de Taboukert, ce propriétaire d’un petit magasin de boissons a été enlevé pour quelques heures par un groupe d’une quinzaine de personnes armées, dispersées dans cinq voitures, dont trois venaient d’être volées à un faux barrage. « Ils étaient déjà venus nous soutirer une grosse somme d’argent deux ans avant. Mais on ne les connaît pas », précise son frère. « Ils étaient cagoulés, et habillés comme vous et moi. », concède le colosse, qui n’en dira pas plus.
A l’APC de Tizi Rached, chef-lieu de daïra, l’accueil du président adjoint est nettement plus enthousiaste : tournée générale d’Ifri à l’orange. L’élu explique que le calme est revenu dans cette région depuis l’incursion menée par une trentaine d’hommes en armes et en civil, en mars 2008. Ce siège nocturne du centre ville, durant lequel un policier avait été abattu, s’était soldé par un double cambriolage raté : la banque agricole, en fin de travaux après avoir été incendiée en 2001, était vide. Quant à l’agence postale, difficile de savoir quelle somme, même minime, y a été subtilisée. « Ce n’est pas à un élu de poser ce genre de questions. Et puis, même entre nous, il n’y a pas de confiance », commente l’officiel, qui justifie l’absence d’intervention de la police locale par le risque d’une hécatombe générale et précise que deux détachements de la gendarmerie ont été placés depuis sur la RN12. Evoquant les transformations d’une population en mouvement, sa souriante assistante promeut la méfiance de ceux qui ne sont pas du cru. « Le Kabyle a peur de son frère », conclut l’adjoint de cette daïra pourtant connue pour sa tranquillité.
Au bureau de poste, le receveur illustre le propos. « Qu’est-ce qui me dit que vous êtes journaliste et pas autre chose ?, lâche-t-il nerveusement. Selon lui, rien n’a été volé par la dizaine d’hommes encagoulés qu’il a vu cette nuit-là. Dehors, le soleil est encore haut et le chauffeur sifflote un morceau de hip-hop américain. « Nobody moves, nobody gets hurted (personne ne bouge, personne ne sera blessé)… » dit le refrain.
Les Ouacifs
Trente kilomètres de plus et la ville de Ouacif s’ouvre sur un barrage de police. A droite, la route est parsemée de vieillards oisifs qui fument à l’ombre des oliviers. A gauche, un jeune barbu aux yeux cernés de khol ausculte froidement la gaouria qui passe. « Méfiez-vous des apparences », souffle une source locale, directement concernée par le phénomène des kidnappings. « Il y a différents groupes mafieux qui agissent dans la région. On les connaît, on connaît les parcours de leurs membres. Plusieurs sont de Aïn defla, un ancien fief du terrorisme. Il y a aussi quelques locaux. Tout ce petit monde se retrouve dans les bars fréquentés par la police. Il y a du clientélisme. Depuis 2001, ils ont les mains libres et ce n’est pas un hasard. Allez voir du côté de Takhoukht, cette zone réputée dangereuse. Le terrorisme résiduel a bon dos : dans cette anarchie, il y a de la place pour le bizness. Mais je ne peux pas en dire plus. Il faut laisser ces gens-là tranquilles. », confie l’anonyme voix. Depuis 2006, cette localité, connue pour les tristes émirs qui en sont issus, réclame l’ouverture de nouvelles pistes agricoles afin de désenclaver les villages, une meilleure alimentation en eau potable, un service cohérent de transports collectifs et un réseau médical.
En mars dernier, quatre policiers y ont été blessés dans une tentative d’attaque de la sûreté de daïra, au coucher du soleil. Trois kilomètres plus loin, la commune d’Aït Touddert ne rassure pas Mourad, mon bienveillant chauffeur. Malgré le barrage mixte qui patiente sous la chaleur à proximité, il préfère attendre dans la voiture, au cas où quelqu’un aurait la mauvaise idée de glisser un explosif sous le moteur. Le président de l’APC n’est pas là. Il s’est rendu à l’enterrement d’un policier de la wilaya de Boumerdès, limitrophe, en proie elle aussi au chaos quotidien.
Un fonctionnaire, avant de nous renvoyer vers les services de sécurité, nous livre ses impressions à demi-mot : « Nous avons vécu des années noires. Tout se mêle ici. Le terrorisme créée un effet d’aubaine. Les gens ont peur, l’Algérie n’est pas un Etat de droit. Le chômage est énorme et les jeunes en ont marre. Pourtant, je n’en connais aucun qui soit parti au maquis. Vous savez, terroriste, c’est un mot assez vaste… » Il reconnaît pourtant que les intégristes armés bénéficient sans doute d’un soutien local.
A quelques pas, l’ancien DEC de la commune, ex-chef des patriotes désarmés en 2004, me reçoit chez lui. En mai 2008, son gendre et le père de ce dernier, propriétaire d’un débit de boissons, sont morts d’avoir résisté à une tentative de kidnapping. Quinze personnes armées ont assiégé leur commerce, tandis que trois embuscades s’étaient organisées autour afin de retarder les secours.
« On parle de banditisme, mais c’est un leurre, affirme l’homme avec force. « J’ai travaillé huit ans avec le DRS. Je connais bien les terroristes. De ma fenêtre qui donne sur la montagne, parfois, je les vois, et je les observe. Je les repère avec le scintillement du soleil sur leurs armes. Ils sont moins nombreux qu’en 98. Mais ils sont mieux armés. La plupart viennent de Boumerdès. Ni l’armée ni la police ne peuvent assurer notre sécurité. Il faut connaître le terrain, il faut être rusé et renseigné. Après l’assassinat des miens, ils m’ont proposé de travailler avec eux. Ils ont tablé sur ma haine mais j’ai refusé. C’est trop tard. Quand on m’a désarmé, je n’avais plus rien : la nuit, j’allais voir d’anciens collègues de la gendarmerie pour qu’ils me donnent quelques baguettes et du sucre. Vous savez, l’Algérie appartient à une classe et les Kabyles sont devenus des « Kablettes ». Chaque kidnappé se dit que son tour est passé. On se tait », estime-t-il. Sa fille, présente, est mal à l’aise. Tandis qu’elle me montre sur son portable les photos de la tombe de son mari, épousé deux ans auparavant, elle évoque leur enfant de vingt mois. « Je lui ai dis que papa dormait. Alors des fois, il vient, et il imite ses ronflements. Je n’ai plus de vie, moi. Je n’ai qu’un rêve : la France. »
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