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Le racisme empoisonne le football italien

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  • Le racisme empoisonne le football italien

    Le racisme sur les stades est un fléau qui empoisonne le football italien. Dimanche dernier, Marc Zoro, défenseur ivoirien de l'équipe de Messine, a fondu en larmes sous les insultes des supporters de l'Inter Milan.
    Début Novembre, Sarkozy avait annoncé une série de mesures contre la violence et le racisme dans les stades de football, notamment au PSG. La france semble donc relativement épargnée mais pour combien de temps encore?

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    Pudiquement, Marc Zoro explique le climat du championnat italien, surtout dans le nord et le centre du pays, par «un problème de mentalité, lié au manque de culture et à l'ignorance». Des précautions oratoires dont ne s'embarrasse pas Franz, chef de file d'un groupe ultra de Venise fort de 70 membres actifs et de 200 à 300 sympathisants. «Il y a des violences racistes dans le football en Italie parce qu'il y a du racisme en Italie», affirme-t-il. Depuis plusieurs années, le centre social La Revolta (La Révolte), aux murs couverts de tags, qu'il a créé à Marghera, banlieue portuaire de Venise, est le quartier général des tifosi antiracistes de l'illustre cité. Là, les tifosi confectionnent des banderoles «Non au racisme» brandies dans les stades et distribuent des billets gratuits aux exclus et aux immigrés de la ville.


    Paradoxalement, dans cette région du nord de l'Italie où l'extrême droite est puissante et la xénophobie palpable au quotidien, le virage ultra de Venise est d'extrême gauche, en réaction contre les dirigeants du football italien, accusés d'avoir complaisamment laissé l'extrême droite coloniser les tribunes tout en rejetant la responsabilité sur les seuls tifosi. Les violences racistes qui entachent le Calcio, dimanche après dimanche, nuisent pourtant à leurs affaires, au point de compromettre la candidature de l'Italie à l'organisation de l'Euro 2012. «Les tifosi, tous horizons confondus, sont criminalisés. Le racisme, dont on les accuse, est l'arme avec laquelle les dirigeants du football commercial veulent les détruire. Or ce racisme n'est pas l'apanage du football. Les stades ne sont que les lieux d'expression de la violence d'une société et pas des oasis», analyse Franz.

    Aujourd'hui âgé de 36 ans, Francesco Peverieri, alias Franz dans l'univers codé des tifosi, fréquente les stades depuis son adolescence. Bien sûr, les bagarres de fin de match entre supporters ont toujours existé. Bien sûr, le folklore tifosi confine souvent à la stupidité. Bien sûr, il se souvient du mépris que les supporters des équipes du nord de l'Italie, Venise en tête, affichaient à l'égard des «paysans» – les terroni du Sud. «Mais il n'y avait pas d'implication politique et, après s'être battus, même violemment, les tifosi allaient boire un verre ensemble.»

    Tout a changé à la fin des années 80. Longtemps terre d'émigration, l'Italie a commencé à accueillir à son tour des populations venues d'Afrique du Nord, d'Albanie et d'Europe de l'Est. L'ostracisme de l'Italie du Nord, riche et cultivée, envers l'Italie du Sud, pauvre et pourvoyeuse de main-d'oeuvre bon marché, s'est transformé en «un racisme obscène» – le mot est d'un Italien proche des milieux économiques – envers ces émigrés, souvent musulmans, accusés de mettre en péril une «italianité» conquise de haute lutte. «Le nord-est de l'Italie, imprégné de culture allemande et autrichienne, a toujours développé de l'animosité envers l'étranger», poursuit ce dirigeant d'entreprise, sous couvert d'anonymat.

    La droite extraparlementaire italienne s'est refait une santé en exploitant ouvertement le filon raciste. En particulier dans les stades, où les tifosi aiment venir pour affirmer la supériorité de leur équipe. Depuis toujours, les groupes ultra défendent «la patrie du virage», les couleurs de leurs clubs, avec des cris de guerre et des provocations rituelles. «Mais ils n'étaient pas fascistes, se souvient Franz, qui s'est engagé politiquement en voyant un parti d'extrême droite, la Ligue du Nord, faire main basse sur l'équipe de Venise. Ce que j'ai vu à Venise s'est produit dans toute l'Italie. La droite extraparlementaire a fait des virages ultra une vitrine de ses idées, lui permettant d'accéder à la télévision, ainsi que la possibilité de recruter. Aujourd'hui, les groupes fascistes tiennent en main le foot italien.»


    «Certains clubs», concède Sergio Gasparin, directeur général de l'équipe de Vicenza, ville industrielle de Vénétie qui joue en Ligue B (deuxième division). Il ne nommera que la Lazio de Rome, emblème de l'Italie fasciste de Mussolini, qui ne renie rien de ses racines et s'illustre régulièrement par le déploiement de drapeaux nazis. «La Lazio sera toujours la Lazio et une seule équipe ne doit pas discréditer tout le Calcio», s'agace-t-il.

    Mais à Milan, à Parme, à Vérone, à Trévise, le racisme est installé dans les tribunes, parfois dirigé contre les joueurs eux-mêmes, accueillis par des cris de singe, des insultes, voire des menaces physiques. «Cela existe, mais c'est l'exception et cela n'empêche pas les joueurs de jouer», minimise Sergio Gasparin, remarquant au passage que «ceux qui se sont plaints jouent toujours en Italie».

    Les dirigeants du Calcio n'admettent pas, publiquement en tout cas, les «liaisons coupables» entre racisme et football en Italie. Sergio Gasparin affirme que son club, implanté dans une ville industrielle où l'immigration est nombreuse et ancienne, échappe au fléau. Ses équipes de jeunes comptent quelques joueurs de couleur sans susciter d'hostilité. Vincent Marinese, administrateur du club de Venise, s'indigne même qu'on ose évoquer les tentations racistes de la société italienne : «Où est le racisme dans un pays qui accueille des étrangers sans leur demander de renoncer à leur religion ? Où est le racisme dans un pays qui a donné de l'argent aux pays victimes du tsunami ?»

    Originaire de Sicile, il s'est fait prêter par le club de Palerme un joueur nigérian. John Olufemi confirme que, ni en Sicile ni à Venise, lui-même n'a été en butte au racisme. «L'Italie, ce n'est pas comme la France, il n'y a pas beaucoup de Noirs», observe-t-il. Et, s'il devait endurer les cris de singe et les crachats, il jouerait quand même en attendant que «des générations plus ouvertes» marginalisent les supporters racistes. Dans les coulisses du championnat, les dirigeants de club s'inquiètent pourtant. Il y a quelques mois, au cours d'une rencontre avec les ultras, à laquelle participait Franz, ils ont admis «un problème d'image».

    «Ils ont essayé de nous récupérer en nous demandant d'aller combattre le racisme dans les stades. Nous leur avons répondu que, si nous allions dans les stades, ce serait aussi pour protester contre eux, qui ont laissé faire et qui ne réagissent que parce que les sponsors menacent de les abandonner», raconte le leader des tifosi vénitiens. C'est bien toute la difficulté : le divorce entre une fédération qui, tout acquise à un modèle de football commercial, a fermé les yeux sur la récupération politique de nombreux clubs par des partis d'extrême droite et des tifosi qui ont pris conscience un peu tard, d'avoir été «instrumentalisés».

    Du coup, les supporters vivent mal les mesures adoptées par le gouvernement et la fédération au début de l'été dernier afin de lutter contre la violence dans les stades. Billets nominatifs, interdictions de stade pour les auteurs de violences, interruption des matchs en cas de jets de fumigènes... Interdire les fumigènes, cela peut tuer le folklore, mais cela n'éradique pas le racisme, estiment les associations de tifosi, qui ont riposté par la «grève de la première mi-temps» et le déploiement de banderoles hostiles à la fédération.

    Celle-ci s'est montrée beaucoup plus frileuse lorsqu'il s'est agi de condamner le salut fasciste du capitaine de la Lazio, Paolo Di Canio, le 6 janvier 2005. Le geste avait soulevé une vague d'indignation. Mais Franco Carraro, le président de la Fédération italienne de football, en avait minimisé l'impact. «Ce n'est pas un geste raciste, mais un geste politique», avait-il déclaré. La fédération a finalement infligé une amende de 10 000 euros au joueur et à son équipe.

    Le monde du ballon rond italien semble se satisfaire de cette sanction, mais se remet mal d'une image qui a fait le tour du monde. «Fallait-il lui couper le bras ?», s'énerve le directeur du club de Vicenza, qui se refuse lui aussi à voir dans ce geste une quelconque manifestation du racisme ambiant. Et qui rappelle que Di Canio a joué dix ans en Grande-Bretagne avant de revenir à la Lazio de Rome. Comme si les Anglais lui avaient appris le racisme.

    Source: Le figaro
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