Plus d'une année après le déclenchement de la violence.. Berriane n'a toujours pas retrouvé ses esprits
Une chaleur torride sévit à Berriane. Le calme que connaît cette petite commune située à une cinquantaine de kilomètres du chef-lieu de la wilaya de Ghardaïa est frappant, tout comme le soleil éclatant qui caractérise ces journées chaudes d'un été qui s'installe avant terme.
Le dispositif sécuritaire mis en place dans les différents coins et ruelles est impressionnant. Des brigades entières de policiers et de gendarmes sont implantées dans les quartiers chauds.
Le mouvement limité des personnes, l'absence d'activités quotidiennes et le manque d'animation sont les principales composantes de l'ambiance morne qui règne dans cette commune.
Les magasins du centre-ville sont toujours fermés, triste séquelle de la violence des évènements qu'a connus cette commune pendant plus d'une année. Berriane est encore sous le choc.
Berriane est loin de sortir d'une crise qui a balayé sa quiétude telle une tornade.Trois bus sont stationnés dans la petite gare routière. Ils se relaient pour transporter les gens vers le chef-lieu de la wilaya.
Un peu plus loin, juste en face, un groupe d'habitants attend à l'extérieur pour prendre les bus qui transitent par Berriane vers d'autres villes. L'accès à la gare routière est donc limité aux malékites, tandis que les ibadites prennent leur transport à l'extérieur.
Voilà un premier indicateur d'une séparation impitoyable entre les deux communautés. «Fini le temps où tout le monde empruntait le bus à l'intérieur de cette petite station qui a accueilli pendant plusieurs décennies un nombre incalculable de passagers sans distinction.
Aujourd'hui, une partie est contrainte d'attendre à l'extérieur. La présence des deux communautés dans un même lieu peut provoquer des affrontements tragiques», témoigne un habitant.
Les traces des actes de vandalisme, d'incendie et de destruction sont toujours visibles. Certains locaux n'ont toujours pas été restaurés, comme le montrent les vitres cassées, les portes détruites et les murs carbonisés. Témoignages d'une tragédie difficile à oublier. Le café du centre-ville de Berriane a subi d'importants dommages.
Il a été la première cible des émeutiers à chaque affrontement. Les nombreuses opérations de restauration entreprises par le propriétaire n'ont servi à rien devant la persistance de l'instabilité dans la région.
La station d'essence située au carrefour n'a plus ouvert depuis qu'elle a été pillée par les jeunes en colère. «Nous sommes obligés d'aller dans une autre station située à 3 km de la commune pour nous approvisionner en essence, en gaz et autres produits. Notre station n'est plus opérationnelle», a indiqué un autre habitant.
Les quelques personnes rencontrées au centre-ville sont soumises à un ordre établi par les deux communautés : personne n'est autorisé à circuler en dehors du territoire de sa communauté, pour éviter de s'exposer à un violent rappel à l'ordre de la part des membres de la communauté ennemie. Berriane ne compte que 35 000 habitants qui ont cohabité en paix pendant plusieurs décennies.
Tout le monde se connaît, ce qui permet de repérer facilement le contrevenant à l'ordre établi : chacun chez soi souspeine d'un violent rappel à l'ordre. Un étranger à Berriane circule beaucoup plus facilement que les enfants de cette ville, divisée en deux parties, où les limites sont tracées par la route nationale n°1.
Une année, et après…
La population de Berriane est acculée dans une véritable impasse après plus d'une année de violence et d'instabilité. Les conséquences sont très lourdes. Les premiers touchés sont les enfants dont la scolarité a été gravement perturbée : les interruptions répétitives des cours ont souvent été suivies par un changement d'établissement scolaire et bien sûr d'enseignants. «Nos enfants ont souffert.
Ils ont changé de classe par trois fois depuis le début l'année dernière. Ils sont complètement déséquilibrés et assimilent difficilement les leçons», dira une maman. Même leurs relations avec leurs camarades ont suivi le cours des évènements.
«Les établissements scolaires se sont transformés en lieux d'affrontement.
Les élèves des deux communautés refusent de se côtoyer, échangent des hostilités en rapportant tout ce qui se raconte dans la rue. Les enseignants se sont transformés en gendarmes.
La mission d'inculquer le savoir est passée au second plan, il faut d'abord calmer les esprits», a-t-elle raconté. La situation financière des familles est catastrophique : beaucoup de commerces ont baissé rideau, des chantiers, source de revenus de centaines de familles, sont à l'arrêt, les opérateurs et les investisseurs, surtout ceux ayant subi des pertes, ont fui la région.
L'autre drame vécu par les familles est celui de l'incarcération de leurs enfants, dont les plus âgés n'ont pas plus de 25 ans. «Mon fils est détenu depuis le début des événements. C'est une victime parmi tant d'autres.
Il a été sauvagement agressé avant d'être mis en prison. Ces événements nous ont fait perdre le goût à la vie. Nous pleurons nos enfants et la dégradation de nos conditions de vie. Outre la violence, les gens ne travaillent plus et ne trouvent même pas de quoi manger.
N'oublions pas que cela a duré plus d'une année.»De nombreuses familles ont dû quitter leurs maisons et se sont réfugiées chez des proches, d'autres ont pris des locations loin des quartiers où elles ont vécu quelquefois toute leur vie.
La commune est divisée en plusieurs quartiers : Kasr Keddim est habité exclusivement par les mozabites, El Madagh est occupé entièrement par des malékites. Kahf Hamouda ou Hai El Moudjahidine compte deux camps, l'un pour les mozabites et l'autre pour les malékites. La nouvelle ville, quant à elle, est occupée à 100% par les malékites.
Echange impitoyable d'hostilités
Les ibadites estiment que les évènements tragiques qu'a connus cette région depuis une année ne sont qu'une tentative d'élimination raciale qui fait partie d'un plan préparé par les malékites.
Les objectifs de ce plan ainsi que les procédures à suivre pour l'atteindre ont été expliqués à travers des brochures et des écrits anonymes dont la diffusion a été faite dans la région et à travers le net.
Un plan qui ne rassure pas cette population mozabite et qui augmente leur sensation de peur. Selon eux, «les malékites travaillent dans le sens de l'élimination des ibadites de la région».
Ce travail a été entamé par la séparation qui prévaut actuellement dans cette commune et qui se poursuivra jusqu'à l'exclusion totale de tous les mozabites. «Nous avons toujours travaillé avec les malékites et nous les avons énormément aidés sans qu'il y ait de problèmes.
Aujourd'hui, les générations ont changé. Les jeunes interprètent cette aide comme étant une forme d'esclavage qu'ils rejettent catégoriquement. La différence entre les deux populations est visible sur le mode et le style de vie de chacune d'entre elles. C'est aussi l'une des raisons qui ont provoqué autant de haine, animant un conflit dont les conséquences sont dramatiques pour les deux», dira un habitant ibadite.
«Nous habitions dans une maison au centre-ville sur la RN1, nous avons fui la maison dès le début des attaques en mars. Nous avons loué une maison pendant deux mois que nous avons quittée encore une fois à cause des évènements. Maintenant, nous nous sommes complètement éloignés des alentours de la ville.
Une chaleur torride sévit à Berriane. Le calme que connaît cette petite commune située à une cinquantaine de kilomètres du chef-lieu de la wilaya de Ghardaïa est frappant, tout comme le soleil éclatant qui caractérise ces journées chaudes d'un été qui s'installe avant terme.
Le dispositif sécuritaire mis en place dans les différents coins et ruelles est impressionnant. Des brigades entières de policiers et de gendarmes sont implantées dans les quartiers chauds.
Le mouvement limité des personnes, l'absence d'activités quotidiennes et le manque d'animation sont les principales composantes de l'ambiance morne qui règne dans cette commune.
Les magasins du centre-ville sont toujours fermés, triste séquelle de la violence des évènements qu'a connus cette commune pendant plus d'une année. Berriane est encore sous le choc.
Berriane est loin de sortir d'une crise qui a balayé sa quiétude telle une tornade.Trois bus sont stationnés dans la petite gare routière. Ils se relaient pour transporter les gens vers le chef-lieu de la wilaya.
Un peu plus loin, juste en face, un groupe d'habitants attend à l'extérieur pour prendre les bus qui transitent par Berriane vers d'autres villes. L'accès à la gare routière est donc limité aux malékites, tandis que les ibadites prennent leur transport à l'extérieur.
Voilà un premier indicateur d'une séparation impitoyable entre les deux communautés. «Fini le temps où tout le monde empruntait le bus à l'intérieur de cette petite station qui a accueilli pendant plusieurs décennies un nombre incalculable de passagers sans distinction.
Aujourd'hui, une partie est contrainte d'attendre à l'extérieur. La présence des deux communautés dans un même lieu peut provoquer des affrontements tragiques», témoigne un habitant.
Les traces des actes de vandalisme, d'incendie et de destruction sont toujours visibles. Certains locaux n'ont toujours pas été restaurés, comme le montrent les vitres cassées, les portes détruites et les murs carbonisés. Témoignages d'une tragédie difficile à oublier. Le café du centre-ville de Berriane a subi d'importants dommages.
Il a été la première cible des émeutiers à chaque affrontement. Les nombreuses opérations de restauration entreprises par le propriétaire n'ont servi à rien devant la persistance de l'instabilité dans la région.
La station d'essence située au carrefour n'a plus ouvert depuis qu'elle a été pillée par les jeunes en colère. «Nous sommes obligés d'aller dans une autre station située à 3 km de la commune pour nous approvisionner en essence, en gaz et autres produits. Notre station n'est plus opérationnelle», a indiqué un autre habitant.
Les quelques personnes rencontrées au centre-ville sont soumises à un ordre établi par les deux communautés : personne n'est autorisé à circuler en dehors du territoire de sa communauté, pour éviter de s'exposer à un violent rappel à l'ordre de la part des membres de la communauté ennemie. Berriane ne compte que 35 000 habitants qui ont cohabité en paix pendant plusieurs décennies.
Tout le monde se connaît, ce qui permet de repérer facilement le contrevenant à l'ordre établi : chacun chez soi souspeine d'un violent rappel à l'ordre. Un étranger à Berriane circule beaucoup plus facilement que les enfants de cette ville, divisée en deux parties, où les limites sont tracées par la route nationale n°1.
Une année, et après…
La population de Berriane est acculée dans une véritable impasse après plus d'une année de violence et d'instabilité. Les conséquences sont très lourdes. Les premiers touchés sont les enfants dont la scolarité a été gravement perturbée : les interruptions répétitives des cours ont souvent été suivies par un changement d'établissement scolaire et bien sûr d'enseignants. «Nos enfants ont souffert.
Ils ont changé de classe par trois fois depuis le début l'année dernière. Ils sont complètement déséquilibrés et assimilent difficilement les leçons», dira une maman. Même leurs relations avec leurs camarades ont suivi le cours des évènements.
«Les établissements scolaires se sont transformés en lieux d'affrontement.
Les élèves des deux communautés refusent de se côtoyer, échangent des hostilités en rapportant tout ce qui se raconte dans la rue. Les enseignants se sont transformés en gendarmes.
La mission d'inculquer le savoir est passée au second plan, il faut d'abord calmer les esprits», a-t-elle raconté. La situation financière des familles est catastrophique : beaucoup de commerces ont baissé rideau, des chantiers, source de revenus de centaines de familles, sont à l'arrêt, les opérateurs et les investisseurs, surtout ceux ayant subi des pertes, ont fui la région.
L'autre drame vécu par les familles est celui de l'incarcération de leurs enfants, dont les plus âgés n'ont pas plus de 25 ans. «Mon fils est détenu depuis le début des événements. C'est une victime parmi tant d'autres.
Il a été sauvagement agressé avant d'être mis en prison. Ces événements nous ont fait perdre le goût à la vie. Nous pleurons nos enfants et la dégradation de nos conditions de vie. Outre la violence, les gens ne travaillent plus et ne trouvent même pas de quoi manger.
N'oublions pas que cela a duré plus d'une année.»De nombreuses familles ont dû quitter leurs maisons et se sont réfugiées chez des proches, d'autres ont pris des locations loin des quartiers où elles ont vécu quelquefois toute leur vie.
La commune est divisée en plusieurs quartiers : Kasr Keddim est habité exclusivement par les mozabites, El Madagh est occupé entièrement par des malékites. Kahf Hamouda ou Hai El Moudjahidine compte deux camps, l'un pour les mozabites et l'autre pour les malékites. La nouvelle ville, quant à elle, est occupée à 100% par les malékites.
Echange impitoyable d'hostilités
Les ibadites estiment que les évènements tragiques qu'a connus cette région depuis une année ne sont qu'une tentative d'élimination raciale qui fait partie d'un plan préparé par les malékites.
Les objectifs de ce plan ainsi que les procédures à suivre pour l'atteindre ont été expliqués à travers des brochures et des écrits anonymes dont la diffusion a été faite dans la région et à travers le net.
Un plan qui ne rassure pas cette population mozabite et qui augmente leur sensation de peur. Selon eux, «les malékites travaillent dans le sens de l'élimination des ibadites de la région».
Ce travail a été entamé par la séparation qui prévaut actuellement dans cette commune et qui se poursuivra jusqu'à l'exclusion totale de tous les mozabites. «Nous avons toujours travaillé avec les malékites et nous les avons énormément aidés sans qu'il y ait de problèmes.
Aujourd'hui, les générations ont changé. Les jeunes interprètent cette aide comme étant une forme d'esclavage qu'ils rejettent catégoriquement. La différence entre les deux populations est visible sur le mode et le style de vie de chacune d'entre elles. C'est aussi l'une des raisons qui ont provoqué autant de haine, animant un conflit dont les conséquences sont dramatiques pour les deux», dira un habitant ibadite.
«Nous habitions dans une maison au centre-ville sur la RN1, nous avons fui la maison dès le début des attaques en mars. Nous avons loué une maison pendant deux mois que nous avons quittée encore une fois à cause des évènements. Maintenant, nous nous sommes complètement éloignés des alentours de la ville.
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