L’Etat algérien, naguère décrié comme adversaire de la langue berbère s’est révélé comme son meilleur défenseur et son promoteur réel, car il est le seul, aujourd’hui au Maghreb, à donner à cette langue ancestrale, les instruments réels de son développement.
L’Algérie peut s’enorgueillir d’être, aujourd’hui, à l’avant-garde de la reconnaissance et de la réhabilitation de tamazight
Et Bouteflika, l’artisan de cette avancée fantastique, celui qui a su ramener la paix en Algérie, après plus d’une décennie de terrorisme, est aussi celui qui a réconcilié les Algériens avec eux-mêmes.
La stigmatisation du berbère, une œuvre coloniale
Il y a encore quelques décennies, tamazight était un sujet tabou. Même après les événements du printemps berbère, même avec la timide ouverture des autorités de l’époque, on ne pouvait faire des études de berbère ni s’inscrire à des thèses et si on s’entêtait quand même à faire des études sur le berbère, il fallait s’inscrire dans les universités étrangères. Et dans ces dizaines d’institutions étrangères, on pouvait étudier le berbère, alors que la langue et la culture berbères étaient proscrites dans leur propre pays !
Ces comportements négatifs à l’égard de la langue berbère s’expliquent, en fait, par des raisons historiques. C’est la colonisation française qui, pour justifier sa présence en Algérie et au Maghreb, a créé des mythes, dont celui du particularisme berbère. En 1826, donc quelques années avant la conquête d’Alger, paraissait à titre posthume, l’Histoire philosophique de l’Afrique septentrionale de l’abbé Raynal où on trouve formulée les principaux traits du particularisme berbère : une langue originale, une organisation sociale propre, un goût prononcé pour la liberté et surtout une “tiédeur’’ religieuse qui contraste avec le “fanatisme’’ des Arabes. Quant à leurs origines, les Berbères descendent, à cause de leurs yeux bleus et leurs cheveux blonds, des Vandales, donc des Européens ! Mais cette image du Berbère proche de l’Européen ne s’imposera que plus tard. Aux premier temps de la conquête, où les Français ont été opposés à une forte résistance des groupes berbérophones, notamment au Djurdjura et dans les Aurès, c’est plutôt l’image du barbare qui vient à l’esprit. On leur préfère même les “Maures’’ ou arabophones d’Alger, plus civilisés et plus pacifiques. Mais très vite, les Français découvrent le particularisme berbère et les avantages qu’ils peuvent en tirer pour asseoir leur domination.
En 1844, sur ordre du ministère de la guerre, un dictionnaire français-berbère, est publié. Il devait être suivi d’autres études linguistiques, sociologiques, historiques sur cette “race’’ qu’on cherchait à se concilier, en dépit de sa farouche opposition à la conquête. Il serait trop long, dans le cadre de cet article, de citer tous les écrits consacrés à la question. Signalons seulement que le mot berbère, arraché à la barbarie, devient l’un des mots clés de la colonisation, d’abord en Algérie, puis au Maroc où le protectorat est institué en 1911.
Comme tous les mythes de l’époque moderne, le mythe berbère est l’expression de choix idéologiques qui, derrière des théories pseudo-scientifiques (les origines ethniques des Berbères, l’apparentement de leur langue, la supériorité des Berbères sur les Arabes), masquent les intérêts de la communauté dominante.
Le mythe devait aussi inspirer une politique que les historiens désignent souvent sous le nom de ‘’politique berbère de la France’’. En Algérie, des initiatives ont été prises en Kabylie, notamment dans le domaine juridique où on a essayé de donner de l’importance aux assemblées de village, on a construit des écoles et on a créé des sections kabyles dans les délégations financières. Au Maroc, des actions ont été également entreprises pour favoriser les Berbères jugés plus proches des Européens que les Arabes. On a même voulu aller plus loin qu’en Algérie, en tentant d’arracher le Berbère à l’emprise de la religion musulmane et de la langue arabe. C’est ainsi qu’en 1930, les autorités françaises promulguent le fameux Dahir berbère, décret préconisant l’application aux Berbères des lois coutumières, en place et lieu des lois musulmanes. C’était une façon de donner une base ethnique à la distinction arabe-berbère. Les initiatives prétendument favorables aux Berbères ne font pas oublier que les Français n’ont cessé de réprimer les velléités d’indépendances des berbérophones, aussi bien dans le Djurdjura, les Aurès qu’au Rif marocain. Les mesures prises par les Français vont déclencher l’hostilité des milieux nationalistes aussi bien algériens que marocains.
Le courant nationaliste algérien ne va pas cesser, à partir des années 1920 à entretenir l’amalgame entre la langue berbère et le colonialisme. Une crise éclate en 1949 au sein du P.P.A / M.T.L.D (Parti du peuple algérien / Mouvement pour le Triomphe des Libertés démocratiques). Des militants d’origine kabyle demandent la prise en compte de la dimension berbère dans la définition de la personnalité algérienne. Un rapport, établi par les dirigeants de la Fédération de France du parti va jusqu’à exiger, l’égalité entre les langues arabe et berbère et le renoncement à une Algérie arabo-musulmane au profit d’une Algérie algérienne. La riposte des chefs nationalistes est immédiate : la Fédération de France est dissoute, les éléments radicaux expulsés et on dénonce le complot berbériste, fomenté par les autorités coloniales. Les mots berbériste et berbérisme, forgés à l’occasion, pour stigmatiser les positions des partisans de la langue et de la culture berbère, vont connaître une grande fortune. On va les employer systématiquement à propos de toute personne, de toute action qui revendique des origines berbères ou cherche à mettre en valeur la langue ou la culture berbère .Le conflit va se prolonger durant la guerre de libération, mais la nécessité de l’union va pousser les dirigeants à atténuer leurs divergences et il y a une sorte de consensus à mettre entre parenthèses les problèmes Algériens jusqu’à l’indépendance.
La persistance de la stigmatisation et la revendication populair
Si l’indépendance a libéré l’Algérie de la domination coloniale, elle n’a pas mis fin aux effets néfastes de ses mythes. Le mythe berbère a continué à hanter les pensées des autorités et la dimension berbère de l’Algérie et de la langue berbère ont été niées.
Quand en 1962, Ahmed Benbella, le premier président de la République algérienne lance sa fameuse formule «Nous sommes Arabes, nous sommes Arabes, nous sommes Arabes», il s’adresse non seulement au monde arabe dans lequel il veut ancrer l’Algérie indépendante mais aussi aux Algériens qui ont exprimé le désir de procéder à la construction d’une identité algérienne qui tienne compte de toutes les réalités culturelles et linguistiques du pays.
Mais ces choix, qui découlent de telles positions et qu’on veut expliquer par des positions anti-colonialistes, ne règlent pas les problèmes linguistiques de l’Algérie indépendante : la politique d’arabisation capote et l’arabe classique ne parvient pas, en dépit de tous les moyens matériels mis en œuvre, à prendre la place du français, encore moins à remplacer le dialectal dans les échanges quotidiens. Quant à la revendication berbère, elle est loin d’être réduite : en dépit de la répression, la production culturelle –ouvrages, chansons, travaux universitaires- prend de l’extension, participant à la prise de conscience de couches de plus en plus larges de berbérophones, principalement en Kabylie.
Les événements du printemps berbère –tafsut imazighen- radicalisent la revendication berbère : on demande la reconnaissance de la langue berbère et son enseignement.
Tout en usant de répression, les autorités assouplissent leurs positions. Le tabou frappant le mot berbère est levé : le 15 avril 1980, en pleine émeute en Kabylie, le quotidien El Moudjahid l’emploie sans l’associer au colonialisme français. Le berbère fait désormais partie du patrimoine populaire, ensemble vague qui réunit la culture traditionnelle algérienne ainsi que les langues autochtones, l’arabe dialectal et le berbère. Le nouvel emploi du mot berbère entraîne, du point de vue terminologique, une certaine évolution : le berbère n’est plus une langue étrangère et la culture qu’il véhicule est reconnue comme d’origine algérienne. L’ouverture démocratique de 1988 va susciter des associations, à caractère culturel ou politique, qui vont inscrire la revendication berbère dans leurs programmes.
Les autorités de l’époque vont répondre favorablement, en accordant deux départements de langue et culture berbères, au sein des universités de Tizi Ouzou (1990) et de Béjaïa (1991), d’abord pour former des magistères et, depuis 1997, des licences. Après la grève du cartable de 1995, un haut comité à l’amazighité est créé et l’enseignement du berbère est lancé dans plusieurs wilayates. Les événements dramatiques du printemps 2001, assombrissent la Kabyle, mais ils relancent également le débat sur la place du berbère en Algérie et les moyens de le promouvoir.
L’Algérie peut s’enorgueillir d’être, aujourd’hui, à l’avant-garde de la reconnaissance et de la réhabilitation de tamazight
Et Bouteflika, l’artisan de cette avancée fantastique, celui qui a su ramener la paix en Algérie, après plus d’une décennie de terrorisme, est aussi celui qui a réconcilié les Algériens avec eux-mêmes.
La stigmatisation du berbère, une œuvre coloniale
Il y a encore quelques décennies, tamazight était un sujet tabou. Même après les événements du printemps berbère, même avec la timide ouverture des autorités de l’époque, on ne pouvait faire des études de berbère ni s’inscrire à des thèses et si on s’entêtait quand même à faire des études sur le berbère, il fallait s’inscrire dans les universités étrangères. Et dans ces dizaines d’institutions étrangères, on pouvait étudier le berbère, alors que la langue et la culture berbères étaient proscrites dans leur propre pays !
Ces comportements négatifs à l’égard de la langue berbère s’expliquent, en fait, par des raisons historiques. C’est la colonisation française qui, pour justifier sa présence en Algérie et au Maghreb, a créé des mythes, dont celui du particularisme berbère. En 1826, donc quelques années avant la conquête d’Alger, paraissait à titre posthume, l’Histoire philosophique de l’Afrique septentrionale de l’abbé Raynal où on trouve formulée les principaux traits du particularisme berbère : une langue originale, une organisation sociale propre, un goût prononcé pour la liberté et surtout une “tiédeur’’ religieuse qui contraste avec le “fanatisme’’ des Arabes. Quant à leurs origines, les Berbères descendent, à cause de leurs yeux bleus et leurs cheveux blonds, des Vandales, donc des Européens ! Mais cette image du Berbère proche de l’Européen ne s’imposera que plus tard. Aux premier temps de la conquête, où les Français ont été opposés à une forte résistance des groupes berbérophones, notamment au Djurdjura et dans les Aurès, c’est plutôt l’image du barbare qui vient à l’esprit. On leur préfère même les “Maures’’ ou arabophones d’Alger, plus civilisés et plus pacifiques. Mais très vite, les Français découvrent le particularisme berbère et les avantages qu’ils peuvent en tirer pour asseoir leur domination.
En 1844, sur ordre du ministère de la guerre, un dictionnaire français-berbère, est publié. Il devait être suivi d’autres études linguistiques, sociologiques, historiques sur cette “race’’ qu’on cherchait à se concilier, en dépit de sa farouche opposition à la conquête. Il serait trop long, dans le cadre de cet article, de citer tous les écrits consacrés à la question. Signalons seulement que le mot berbère, arraché à la barbarie, devient l’un des mots clés de la colonisation, d’abord en Algérie, puis au Maroc où le protectorat est institué en 1911.
Comme tous les mythes de l’époque moderne, le mythe berbère est l’expression de choix idéologiques qui, derrière des théories pseudo-scientifiques (les origines ethniques des Berbères, l’apparentement de leur langue, la supériorité des Berbères sur les Arabes), masquent les intérêts de la communauté dominante.
Le mythe devait aussi inspirer une politique que les historiens désignent souvent sous le nom de ‘’politique berbère de la France’’. En Algérie, des initiatives ont été prises en Kabylie, notamment dans le domaine juridique où on a essayé de donner de l’importance aux assemblées de village, on a construit des écoles et on a créé des sections kabyles dans les délégations financières. Au Maroc, des actions ont été également entreprises pour favoriser les Berbères jugés plus proches des Européens que les Arabes. On a même voulu aller plus loin qu’en Algérie, en tentant d’arracher le Berbère à l’emprise de la religion musulmane et de la langue arabe. C’est ainsi qu’en 1930, les autorités françaises promulguent le fameux Dahir berbère, décret préconisant l’application aux Berbères des lois coutumières, en place et lieu des lois musulmanes. C’était une façon de donner une base ethnique à la distinction arabe-berbère. Les initiatives prétendument favorables aux Berbères ne font pas oublier que les Français n’ont cessé de réprimer les velléités d’indépendances des berbérophones, aussi bien dans le Djurdjura, les Aurès qu’au Rif marocain. Les mesures prises par les Français vont déclencher l’hostilité des milieux nationalistes aussi bien algériens que marocains.
Le courant nationaliste algérien ne va pas cesser, à partir des années 1920 à entretenir l’amalgame entre la langue berbère et le colonialisme. Une crise éclate en 1949 au sein du P.P.A / M.T.L.D (Parti du peuple algérien / Mouvement pour le Triomphe des Libertés démocratiques). Des militants d’origine kabyle demandent la prise en compte de la dimension berbère dans la définition de la personnalité algérienne. Un rapport, établi par les dirigeants de la Fédération de France du parti va jusqu’à exiger, l’égalité entre les langues arabe et berbère et le renoncement à une Algérie arabo-musulmane au profit d’une Algérie algérienne. La riposte des chefs nationalistes est immédiate : la Fédération de France est dissoute, les éléments radicaux expulsés et on dénonce le complot berbériste, fomenté par les autorités coloniales. Les mots berbériste et berbérisme, forgés à l’occasion, pour stigmatiser les positions des partisans de la langue et de la culture berbère, vont connaître une grande fortune. On va les employer systématiquement à propos de toute personne, de toute action qui revendique des origines berbères ou cherche à mettre en valeur la langue ou la culture berbère .Le conflit va se prolonger durant la guerre de libération, mais la nécessité de l’union va pousser les dirigeants à atténuer leurs divergences et il y a une sorte de consensus à mettre entre parenthèses les problèmes Algériens jusqu’à l’indépendance.
La persistance de la stigmatisation et la revendication populair
Si l’indépendance a libéré l’Algérie de la domination coloniale, elle n’a pas mis fin aux effets néfastes de ses mythes. Le mythe berbère a continué à hanter les pensées des autorités et la dimension berbère de l’Algérie et de la langue berbère ont été niées.
Quand en 1962, Ahmed Benbella, le premier président de la République algérienne lance sa fameuse formule «Nous sommes Arabes, nous sommes Arabes, nous sommes Arabes», il s’adresse non seulement au monde arabe dans lequel il veut ancrer l’Algérie indépendante mais aussi aux Algériens qui ont exprimé le désir de procéder à la construction d’une identité algérienne qui tienne compte de toutes les réalités culturelles et linguistiques du pays.
Mais ces choix, qui découlent de telles positions et qu’on veut expliquer par des positions anti-colonialistes, ne règlent pas les problèmes linguistiques de l’Algérie indépendante : la politique d’arabisation capote et l’arabe classique ne parvient pas, en dépit de tous les moyens matériels mis en œuvre, à prendre la place du français, encore moins à remplacer le dialectal dans les échanges quotidiens. Quant à la revendication berbère, elle est loin d’être réduite : en dépit de la répression, la production culturelle –ouvrages, chansons, travaux universitaires- prend de l’extension, participant à la prise de conscience de couches de plus en plus larges de berbérophones, principalement en Kabylie.
Les événements du printemps berbère –tafsut imazighen- radicalisent la revendication berbère : on demande la reconnaissance de la langue berbère et son enseignement.
Tout en usant de répression, les autorités assouplissent leurs positions. Le tabou frappant le mot berbère est levé : le 15 avril 1980, en pleine émeute en Kabylie, le quotidien El Moudjahid l’emploie sans l’associer au colonialisme français. Le berbère fait désormais partie du patrimoine populaire, ensemble vague qui réunit la culture traditionnelle algérienne ainsi que les langues autochtones, l’arabe dialectal et le berbère. Le nouvel emploi du mot berbère entraîne, du point de vue terminologique, une certaine évolution : le berbère n’est plus une langue étrangère et la culture qu’il véhicule est reconnue comme d’origine algérienne. L’ouverture démocratique de 1988 va susciter des associations, à caractère culturel ou politique, qui vont inscrire la revendication berbère dans leurs programmes.
Les autorités de l’époque vont répondre favorablement, en accordant deux départements de langue et culture berbères, au sein des universités de Tizi Ouzou (1990) et de Béjaïa (1991), d’abord pour former des magistères et, depuis 1997, des licences. Après la grève du cartable de 1995, un haut comité à l’amazighité est créé et l’enseignement du berbère est lancé dans plusieurs wilayates. Les événements dramatiques du printemps 2001, assombrissent la Kabyle, mais ils relancent également le débat sur la place du berbère en Algérie et les moyens de le promouvoir.
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