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La saga brésilienne : trois vagues d’émigration pour six millions de Libanais

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  • La saga brésilienne : trois vagues d’émigration pour six millions de Libanais

    Hier des colporteurs appelés « Turcos », aujourd’hui de grands hommes d’affaires, des députés et des gouverneurs

    Une première vague de 1880 à 1900.

    Au cours de la première phase de l’émigration libanaise au Brésil, ces pionniers ont vécu plusieurs expériences aventurières et dramatiques et leurs histoires ont couvert de grandes pages de la littérature du « mahjar ». Ils étaient surtout de jeunes célibataires qui, en arrivant au Brésil, ont trouvé un peuple hospitalier qui leur a permis de se sentir chez eux. L’un des pionniers très connu à l’époque était Youssef Moussa Abdel-Ahad Chidiac, connu au Brésil sous le nom de Youssef Miziara, du nom de son village au Liban-Nord. Il est arrivé à Rio de Janeiro en 1880. Parmi les autres familles pionnières, nous citerons les Dib, Aoun, Yafet, Labaki, Yassine, Sarkis, Saleh...

    L’émigration libanaise était spontanée, c’est-à-dire sans aucune protection de l’État. Le seul document que les Libanais avaient en main était un passeport turc qui, d’une certaine façon, les aidait à entrer au Brésil grâce à l’accord d’amitié signé en 1858 entre le Brésil et l’Empire ottoman. C’est en raison de ce passeport que les émigrants libanais étaient d’ailleurs faussement appelés les « Turcos » (Turcs) dans toute l’Amérique.
    Les premiers émigrants libanais arrivèrent au Brésil avec l’espoir de se constituer une fortune rapide, qui leur permettrait de retourner au pays le plus tôt possible. Ils formèrent des groupes et se rassemblèrent en fonction de leurs villages au Liban. Particulièrement dynamiques, ils ont choisi comme activité principale le commerce du porte-à-porte, autrement dit le métier de colporteur.

    Au Brésil, on les appelait les « Mascates ». De fait, ce genre de commerce n’exigeait pas d’avoir un important capital et ainsi, de ville en ville, les Libanais se sont éparpillés à travers tout le territoire brésilien. Ils ont surtout suivi les cycles économiques de leur pays d’accueil : exploitation du caoutchouc, de l’or, de la canne à sucre ou du café. En réalité, ils n’ont pas trop travaillé dans ces produits, profitant plutôt de la concentration de la population pour proposer des marchandises de première nécessité et pratiquer l’échange de produits.

    Le travail était d’autant plus dur, qu’au début ils ne connaissaient pas la langue portugaise et les traditions du pays. Mais peu à peu, ils ont réussi à amasser des capitaux et à monter des affaires, contribuant ainsi à l’éclosion de grandes artères commerciales comme la rue 25 de Março à Rio de Janeiro, la rue da Alfandega et bien d’autres.

    Décidés à fixer leur résidence, les Libanais ont fini par s’intégrer à la société brésilienne, formant une colonie que je préférerais appeler « collectivité », du fait qu’ils ne sont pas concentrés dans une seule ville ou une seule région, mais se sont étendus à travers tout le territoire brésilien, de São Paulo à l’Amazonie du Nord, jusqu’au Rio Grande do Sul au Sud.

    Une deuxième vague de 1900 à 1950.

    Dans cette seconde phase, l’émigration libanaise est devenue mieux structurée. Au cours des deux grandes guerres mondiales, le Liban traversa l’une des plus sombres pages de son histoire et connut la famine, les maladies contagieuses, les disputes politico-religieuses et le blocus maritime. Afin de faire face à cette situation, les émigrés envoyèrent des aides à leurs familles restées au pays. À partir de 1914, le nombre des émigrants libanais augmenta et les statistiques brésiliennes enregistrèrent 45 775 nouveaux arrivants.

    Les Libanais du Brésil ne voulaient pas se constituer en groupe d’expatriés, c’est-à-dire des personnes pensant au retour, mais en collectivité d’émigrés ayant décidé de fixer leur résidence. Grâce à leur obstination, leur désir de vaincre et leur tradition ancestrale du commerce, ils ont progressé et sont devenus d’importants hommes d’affaires, s’adjugeant un rôle remarquable dans la production industrielle et sa commercialisation dans les régions les plus éloignées du Brésil. En 1913, ils ont fondé la première Chambre de commerce syro-libanaise à São Paulo.

    Dans les années 30, les Libanais et leurs descendants commencent à jouer un rôle important dans le secteur industriel, spécialement dans la fabrication de tissus (ils détiennent 50 % de cette industrie), mais aussi dans la production du plastique, du fer, du papier et dans la construction. À titre indicatif, le Groupe Yafet était devenu le deuxième groupe industriel brésilien, après le groupe italien Mattarazzo. Entre 1900 et 1935, les Libanais représentaient 70 % du commerce, 10 % de l’industrie et 5 % de l’agriculture, de la construction ou des services.

    Durant cette période de fixation et de stabilité, les émigrés libanais ont fondé des lieux de culte, des clubs (on en compte plus de 300 aujourd’hui) et des centres littéraires.

    Une troisième vague commencée en 1975.

    Après 1975, on estime à près d’un million les Libanais qui ont dû quitter le pays, s’installant à travers tous les continents, dont l’Amérique latine. À partir de 1991, environ 820 000 Libanais ont également quitté le Liban. Après 1995, avec le ralentissement économique et le chômage, a débuté une nouvelle émigration comprenant en grande partie des personnes qualifiées.

    L’émigration a donc laissé des marques négatives profondes au Liban, lui faisant perdre des potentialités, des talents et des ressources humaines capables de produire une richesse permanente dans le pays. En contrepartie, il y a eu des points positifs, notamment les fonds envoyés par les émigrés à leurs familles restées au Liban. Cet afflux de capitaux continue encore de jouer un grand rôle dans l’économie libanaise.

    Les émigrants libanais ont parallèlement participé et participent encore activement au développement des pays d’accueil. Ils ont certes connu des difficultés, mais les ont surmontées. Aujourd’hui, ils font partie intégrante des sociétés d’accueil et leurs enfants, qui ont fréquenté les écoles et les universités, sont devenus influents sur tous les plans : social, culturel, économique et politique.

    Au Brésil, en un peu plus de cent ans, ils sont passés du statut de Libanais à celui de Brésiliens d’origine libanaise. Mais ils ont gardé leurs racines nationales, que l’on retrouve dans la littérature du « mahjar », à travers des auteurs tels que Radwan Nassar ou Milton Hatoum. Au niveau politique, certains sont devenus sénateurs, députés, gouverneurs et représentent aujourd’hui 10 % du Congrès national.

    Forts de quelque 6 millions de personnes (sur les 180 millions que compte le pays), les Libanais constituent la communauté la plus importante au Brésil.

    Roberto KHATLAB
    L'Orient le Jour
    Si vous ne trouvez pas une prière qui vous convienne, inventez-la.” Saint Augustin

  • #2
    Au Liban, 10.000 "Brasilibaneses"

    Au Liban, 10.000 "Brasilibaneses" parlent portugais et perpétuent les coutumes brésiliennes

    Ils ont émigré, fait souvent fortune et regagné leur pays natal

    Famille Libano-brésilienne de retour au Liban en 1964




    Brésil-Liban : deux nations avec de grands contrastes géographiques, économiques et sociaux. La surface du Brésil est de 8,5 millions de km2, soit 830 fois celle du Liban qui fait 10 452 km2 ; la population du Brésil est de 180 millions d’habitants, soit 45 fois celle de la population libanaise estimée à 4 millions. Le Brésil est un pays riche en ressources naturelles et grand exportateur. Le Liban est un pays importateur et exportateur restreint. En dépit de toutes ces différences, où ces deux pays se rencontrent-ils ? Leur base commune est la coopération, conséquence d’une émigration libanaise féconde et évolutive permettant le développement continu des rapports entre les deux peuples.


    La grande émigration libanaise vers le Brésil date des années 1880, ce qui fait que le Brésil a ouvert son premier consulat honoraire à Beyrouth en 1911, sous l’Empire ottoman. Pendant les années 20, sous le mandat français, 3% des émigrants libanais au Brésil rentrèrent au pays, pris de nostalgie après avoir amassé un peu d’argent qu’ils investirent dans différents secteurs de l’économie libanaise. Ainsi en 1930, le Brésil envoya son premier consul général qui s’installa à Beyrouth. En 1948, les deux pays signèrent une première convention culturelle, puis, en 1951, une convention de transport aérien qui donna lieu à l’ouverture de la ligne aérienne, São Paulo-Beyrouth : Panair do Brasil (1961-66), Varig (1967) et MEA (1995-98). Ces deux conventions ont été modifiées en 1997, la première devenant un accord de coopération culturel et éducationnel.


    En 1954, le président Camille Chamoun visita son homologue brésilien, le président Getúlio Vargas. À cette occasion, un traité d’amitié, de commerce et de navigation a été signé entre les deux pays, suivi de l’ouverture des ambassades du Brésil à Beyrouth et du Liban à Rio de Janeiro. En 1961, un consulat honoraire brésilien a été également ouvert à Tripoli. Vu le renforcement des relations entre les deux pays, l’ambassade du Brésil au Liban s’est développée avec l’établissement en 2005 d’un consulat général autonome. Au Brésil, l’ambassade du Liban a été transférée en 1960 à Brasilia, devenue entre-temps la capitale. Le Liban dispose aussi de deux consulats généraux à São Paulo et à Rio de Janeiro, ainsi que de consulats honoraires à Porto Alegre, Curitiba, Belo Horizonte et Fortaleza.


    La colonie des «Brasilibaneses», néologisme que je donne aux citoyens binationaux libanais brésiliens au Liban, compte environ 10 000 individus (sans compter ceux qui sont rentrés du Brésil sans avoir obtenu la nationalité). En 1954, le banquier Jean Abou-Jaoudé fonde à Beyrouth l’Association d’amitié Brésil-Liban, encore en activité jusqu’à aujourd’hui. Les « Brasilibaneses » sont présents sur tout le territoire libanais, au Nord (Dar Beechtar…) et au Sud (Kabrikha…), mais principalement dans la Békaa, où se trouvent des villages entiers comme Sultan Yaacoub, Kamed el-Lawz et Ghazzé, avec 90% de « Brasilibaneses » qui parlent couramment la langue portugaise et perpétuent les coutumes brésiliennes (gastronomie, musique, architecture, agriculture…).


    L’une des rues principales de Zahlé est appelée « rue Brasil », comme aussi à Beyrouth près du port. À Byblos se trouve la petite chapelle de Nossa Senhora da Penha do Rio de Janeiro. À Tripoli, le grand architecte brésilien Oscar Niemeyer a conçu le bâtiment abritant la Foire internationale. Et dans tout le Liban, on trouve des noms en portugais de magasins, industries, produits et autres, le Brésil entrant dans les mœurs libanaises avec le café et les drapeaux brésiliens qui font partie du paysage local lors des Coupes du monde de football.


    Avec l’afflux et le reflux des Libanais, les relations diplomatiques, visites de personnalités et accords entre les deux pays sont en augmentation considérable. En 2002 une convention universitaire a été signée entre, d’une part, l’Université fédérale de Santa Maria (UFSM), Rio Grande do Sul, et, d’autre part, l’Université libanaise (UL) ainsi que l’Université Saint-Esprit de Kaslik (USEK).


    En 2003, le président de la République du Brésil, Luis Iñácio Lula da Silva, a visité le Liban. Cette visite fut la première d’un chef d’État brésilien au Proche-Orient depuis celle de l’empereur Dom Pedro II en 1871 et 1876, et se traduisit par une volonté commune de consolider les relations bilatérales.


    En 2006, un mémorandum a été signé entre le Centre d’études libanais – Núcleo de Estudos Libanés (NEL-UFSM) et le Lebanese Emigration Research Center (LERC) de la Notre Dame University (NDU) pour les échanges académiques en matière d’études sur l’émigration. La même année, le ministre brésilien de l’Éducation, Fernando Haddad, d’origine libanaise, a visité le Liban et a signé avec son homologue libanais, le ministre Khaled Kabbani, une convention d’échange académique entre les deux pays. C’est dans ce cadre que le premier séminaire d’échange académique Brésil-Liban s’est tenu à Brasília en août 2007, en vue du développement des relations au niveau universitaire.


    Deux professeurs brésiliens d’origine libanaise sont venus au Liban pour y effectuer des études postdoctorales. Il s’agit de Dr Jalusa Abaide, UFSM, qui a travaillé sur le droit et l’environnement à l’USEK, et du Dr Jamil Zogheib, de l’Université de Paraná, qui effectue actuellement une recherche sur le thème psychologie et violence. Un troisième professeur brésilien vient d’arriver pour donner des cours de langue et de littérature brésiliennes à l’Université libanaise. Il convient de signaler aussi que plusieurs Libanais sont partis se spécialiser au Brésil, particulièrement dans le domaine médical de la chirurgie plastique.


    Sur un autre plan, le Liban est devenu l’un des principaux pays importateurs de bétail vivant du Brésil, pour un montant équivalant à 70 millions de USD de janvier à novembre 2007. Durant cette même période, le Brésil a exporté vers le Liban des produits pour un montant de 186 045 422 USD et importé du Liban des produits pour un montant de 13 666 045 USD. Un important commerce triangulaire, dépassant ces chiffres, a aussi été établi au Liban, avec l’achat de produits brésiliens qui sont exportés vers le Moyen-Orient et l’Europe de l’Est.


    Les « Brasilibaneses » présents au Liban jouent un rôle important dans plusieurs entreprises locales industrielles, commerciales ou de services, et se distinguent souvent dans la société et dans la politique. Citons les familles Makari, Abou-Jaoudé, Chartouni, Mourad, Sayegh, Eddé, Zoghby, Obeid, Chaoul, Labaki, Takla, Farhat, Fenianos… Des noms libanais, mais qui ont parfois des deuxièmes noms maternels, comme Silva, Oliveira, Santos…


    Il y a donc une volonté certaine de développer davantage les rapports économiques, touristiques, culturels et académiques entre les deux pays, et d’établir enfin de véritables contacts avec les émigrés en créant des opportunités de travail au Liban. Les milliers de « Brasilibaneses » et autres Libanais en profiteront certainement, et cela permettra ainsi de freiner la fuite des jeunes qui reprennent aujourd’hui le chemin de l’émigration. « Sans émigration, nous ne pourrions pas vivre, disait Michel Chiha, mais si l’émigration devenait trop importante, nous pourrions en mourir. »

    Roberto KHATLAB
    L'Orient le Jour
    Si vous ne trouvez pas une prière qui vous convienne, inventez-la.” Saint Augustin

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