L'affaire du jeune Mohamed Baba Nadjar
Ou quand l'appareil judiciaire devient un danger éminent pour tous les Algériens
Dr Kamaleddine Fekhar, 22 janvier 2009 Traduction de l'arabe faite par le secrétariat du Comité de soutien
La ville de Ghardaïa a connu le 03 janvier 2009 un événement unique en son genre, pas seulement sur le plan local mais sur le plan national. Un événement qui pourrait être une lueur d'espoir et un déclic dans le combat des Algériens contre l'oppression et l'injustice. Ce jour-là a vu une véritable Intifadha de la population de Ghardaïa contre la tyrannie et l'instrumentalisation de la justice. Elle fut marquée par un haut degré de lucidité politique et de développement de la culture de lutte effective pour les droits de l'homme. En effet une grève totale des commerçants a paralysé la ville de Ghardaïa et des milliers de citoyens de différents âges se sont déplacés au tribunal de la ville pour se rassembler pacifiquement à l'occasion du procès en appel de Mohamed Baba Nadjar. Ils exprimaient ainsi leur indéfectible soutien, leur exigence d'un procès juste et équitable et pour que toute la vérité éclate dans l'affaire du jeune Mohamed Baba Nadjar. Cette affaire n'est qu'un petit exemple de ce que subit le citoyen Algérien de la part de l'appareil judiciaire dans son pays.
Le jeune Mohamed natif de Ghardaïa et y demeurant, avait 22 ans, lorsqu'a eu lieu le 20 octobre 2005, correspondant au 17e jour du Ramadhan 1427, l'odieux attentat contre Mr Bazine Brahim, membre connu du Croissant Rouge algérien et ex-membre du FFS. Aux environs de 20h, soit une heure après la rupture du jeun, la victime fut aspergée d'essence et brûlé vive, alors qu'elle se rendait à la mosquée.
Sur son lit d'hôpital, Mr Bazine Brahim déclara à la police « qu'il fut agressé par deux inconnus cagoulés portant des vêtements noirs et qui avaient pris la fuite à bord de deux mobylettes ».
Au lendemain du décès de Bazine, soit le 23 octobre 2005, la police s'est présenté au magasin de Mr Baba Nadjar Bachir, père de Mohamed et ont demandé à voir ce dernier qui était absent. Mohamed était en fait sur son lieu de travail, dans une ferme de la localité de Zelfana, située à 60 km de Ghardaïa. La police remettra au père une convocation pour Mohamed afin de se présenter au commissariat.
Mais le lendemain, soit le 24 octobre, la police se présenta au domicile familial munie d'un mandat de perquisition.
Après son retour du travail et ayant appris les faits, Mohamed se présenta le 27 octobre au commissariat, muni de la convocation. Il sera inculpé pour meurtre avec préméditation et gardé à vue durant quatre jours où il sera l'objet d'un interrogatoire continu. Il ne cessera pas de clamer son innocence et d'insister qu'il était totalement étranger au crime et qu'il ne connaissait pas sa victime.
Il sera présenté au procureur de la République puis écroué à la prison de Ghardaïa où il sera soumis à un isolement total durant six jours, sous pression psychologique intense et privé de tout contact avec sa famille et ses avocats.
Mohamed Baba Nadjar a été jugé mardi 06 juin 2006 à la cour criminelle de Ghardaïa et condamné à mort lors d'un verdict prononcé à 20h, sans aucune charge de culpabilité ni preuve palpable, dans une affaire où l'instrumentalisation de l'appareil judiciaire est criarde.
La police et les brigades anti-émeutes qui étaient mobilisées depuis les premières heures de la journée, sur ordre du wali (préfet), ont eu à affronter et à réprimer sauvagement les manifestations de colère de la population contre ce verdict inique.
Le père et l'oncle de Mohamed Baba Nadjar ont été tabassés avant d'être arrêtés et gardés à vue au commissariat de police jusqu'à 2h du matin !! Les autorités voulaient-elles un pourrissement de la situation ? S'agissait-il d'une tentative de remake du scénario des événements de Ghardaïa de 2004 ??
Une série de questions s'impose :
• Sur le plan judiciaire : il n'existe aucune preuve incriminant Mohamed Baba Nadjar dans le meurtre de Mr Bazine Brahim, à travers ce qui est ressorti de l'enquête de police, de l'instruction et du procès.
L'enquête :
• Nous constatons avec étonnement, l'absence de sérieux dans la conduite de l'enquête, comme si l'affaire était bouclée d'avance :
• Malgré l'horreur du crime, la police n'avait pas mené d'enquête sérieuse sur le lieu du crime, la nuit du drame. Elle s'est contentée de signaler « qu'elle n'avait rien décelé d'utile pour l'enquête ».
• C'est le fils de la victime, Daoud qui avait ramassé lui-même la bouteille d'essence utilisée lors de l'agression de son père – selon ses déclarations- et l'avait remise à la police deux jours après le crime !!
• Aucune recherche n'a été entreprise pour retrouver le 2 e agresseur, que la victime avait signalé avant son décès.
• La police judiciaire n'a présenté aux témoins qu'une seule photographie qui est celle de Mohamed Baba Nadjar pour confondre le suspect.
• A charge, lors de l'enquête, les preuves reposent sur deux éléments :
• Les déclarations de l'un des fils de la victime, mineur (14 ans), Bazine Kacem, furent exploitées par les enquêteurs, reprenant les déclarations contradictoires de deux autres mineurs –qui furent convoqués sur la base de renseignements fournis par le fils de la victime, Kacem – et qui sont Zakaria Daddi Ouaïssa et Ibrahim Tebbakh âgés respectivement de 14 et 15 ans. Chacun des deux affirme « que l'autre lui a dit qu'il aurait vu Mohamed Baba Nadjar près de la mosquée, deux jours avant l'agression ». Ces déclarations des deux témoins mineurs ont été exploitées comme indices dans la préparation du crime par les enquêteurs.
• Les objets saisis et mis sous scellés lors de la perquisition du domicile familial. Nous devons distinguer deux types d'objets retenus par la police :
Primo : le bidon d'essence retrouvé sous le lavabo dans la cour du domicile. Les enquêteurs ont utilisé le terme « caché sous le lavabo », comme pour laisser entendre qu'il s'agissait de l'arme du crime. Compte tenu de la nature du liquide, elle a été nécessairement rattachée au mode d'agression (la victime a été brûlée vive). C'est ainsi que l'association de l'arme du crime et du lieu de découverte donnait à leurs yeux le nom du criminel.
Secundo : un brassard au nom de la fédération du FFS de Ghardaïa, exigeant la libération de Khoudir Babaz. Ce dernier est un militant du FFS qui avait été incarcéré au cours des événements de Ghardaïa de 2004 où des citoyens ont été réprimés sauvagement par les services de sécurité, lors de manifestations pacifiques pour dénoncer les pratiques arbitraires de la direction du commerce et du contrôle des prix.
En plus du brassard, une revue éditée par la fédération du FFS de Ghardaïa, « Nir Oughlan » (lumières de Ghardaïa) a été saisie au domicile et mise sous scellés.
C'est ainsi que le brassard et la revue saisis lors de la perquisition, ont été, aux yeux de la police, des preuves de son appartenance au FFS. Et ainsi, leur présentation sous cette forme constituait les preuves de la culpabilité de Mohamed Baba Nadjar !!
Ce montage burlesque des faits culpabilisant Mohamed Baba Nadjar conduit par la même occasion à la tentative de criminalisation d'un parti politique.
• A décharge : Les enquêteurs ont refusé de prendre en considération les déclarations de Mohamed Baba Nadjar ainsi que celles de son père, de son oncle et de certains membres de sa famille qui ont tous affirmé que Mohamed était avec eux au moment du crime, à l'autre bout de la ville, rompant le jeun en famille au domicile de son oncle.
De la même manière n'a pas été pris en considération le fait d'absence de lien entre la victime et Mohamed Baba Nadjar. De tout cela, nous déduisons qu'aux yeux de la police, l'absence manifeste de mobile du crime, n'est pas de nature à figurer dans le dossier.
Ou quand l'appareil judiciaire devient un danger éminent pour tous les Algériens
Dr Kamaleddine Fekhar, 22 janvier 2009 Traduction de l'arabe faite par le secrétariat du Comité de soutien
La ville de Ghardaïa a connu le 03 janvier 2009 un événement unique en son genre, pas seulement sur le plan local mais sur le plan national. Un événement qui pourrait être une lueur d'espoir et un déclic dans le combat des Algériens contre l'oppression et l'injustice. Ce jour-là a vu une véritable Intifadha de la population de Ghardaïa contre la tyrannie et l'instrumentalisation de la justice. Elle fut marquée par un haut degré de lucidité politique et de développement de la culture de lutte effective pour les droits de l'homme. En effet une grève totale des commerçants a paralysé la ville de Ghardaïa et des milliers de citoyens de différents âges se sont déplacés au tribunal de la ville pour se rassembler pacifiquement à l'occasion du procès en appel de Mohamed Baba Nadjar. Ils exprimaient ainsi leur indéfectible soutien, leur exigence d'un procès juste et équitable et pour que toute la vérité éclate dans l'affaire du jeune Mohamed Baba Nadjar. Cette affaire n'est qu'un petit exemple de ce que subit le citoyen Algérien de la part de l'appareil judiciaire dans son pays.
Le jeune Mohamed natif de Ghardaïa et y demeurant, avait 22 ans, lorsqu'a eu lieu le 20 octobre 2005, correspondant au 17e jour du Ramadhan 1427, l'odieux attentat contre Mr Bazine Brahim, membre connu du Croissant Rouge algérien et ex-membre du FFS. Aux environs de 20h, soit une heure après la rupture du jeun, la victime fut aspergée d'essence et brûlé vive, alors qu'elle se rendait à la mosquée.
Sur son lit d'hôpital, Mr Bazine Brahim déclara à la police « qu'il fut agressé par deux inconnus cagoulés portant des vêtements noirs et qui avaient pris la fuite à bord de deux mobylettes ».
Au lendemain du décès de Bazine, soit le 23 octobre 2005, la police s'est présenté au magasin de Mr Baba Nadjar Bachir, père de Mohamed et ont demandé à voir ce dernier qui était absent. Mohamed était en fait sur son lieu de travail, dans une ferme de la localité de Zelfana, située à 60 km de Ghardaïa. La police remettra au père une convocation pour Mohamed afin de se présenter au commissariat.
Mais le lendemain, soit le 24 octobre, la police se présenta au domicile familial munie d'un mandat de perquisition.
Après son retour du travail et ayant appris les faits, Mohamed se présenta le 27 octobre au commissariat, muni de la convocation. Il sera inculpé pour meurtre avec préméditation et gardé à vue durant quatre jours où il sera l'objet d'un interrogatoire continu. Il ne cessera pas de clamer son innocence et d'insister qu'il était totalement étranger au crime et qu'il ne connaissait pas sa victime.
Il sera présenté au procureur de la République puis écroué à la prison de Ghardaïa où il sera soumis à un isolement total durant six jours, sous pression psychologique intense et privé de tout contact avec sa famille et ses avocats.
Mohamed Baba Nadjar a été jugé mardi 06 juin 2006 à la cour criminelle de Ghardaïa et condamné à mort lors d'un verdict prononcé à 20h, sans aucune charge de culpabilité ni preuve palpable, dans une affaire où l'instrumentalisation de l'appareil judiciaire est criarde.
La police et les brigades anti-émeutes qui étaient mobilisées depuis les premières heures de la journée, sur ordre du wali (préfet), ont eu à affronter et à réprimer sauvagement les manifestations de colère de la population contre ce verdict inique.
Le père et l'oncle de Mohamed Baba Nadjar ont été tabassés avant d'être arrêtés et gardés à vue au commissariat de police jusqu'à 2h du matin !! Les autorités voulaient-elles un pourrissement de la situation ? S'agissait-il d'une tentative de remake du scénario des événements de Ghardaïa de 2004 ??
Une série de questions s'impose :
• Sur le plan judiciaire : il n'existe aucune preuve incriminant Mohamed Baba Nadjar dans le meurtre de Mr Bazine Brahim, à travers ce qui est ressorti de l'enquête de police, de l'instruction et du procès.
L'enquête :
• Nous constatons avec étonnement, l'absence de sérieux dans la conduite de l'enquête, comme si l'affaire était bouclée d'avance :
• Malgré l'horreur du crime, la police n'avait pas mené d'enquête sérieuse sur le lieu du crime, la nuit du drame. Elle s'est contentée de signaler « qu'elle n'avait rien décelé d'utile pour l'enquête ».
• C'est le fils de la victime, Daoud qui avait ramassé lui-même la bouteille d'essence utilisée lors de l'agression de son père – selon ses déclarations- et l'avait remise à la police deux jours après le crime !!
• Aucune recherche n'a été entreprise pour retrouver le 2 e agresseur, que la victime avait signalé avant son décès.
• La police judiciaire n'a présenté aux témoins qu'une seule photographie qui est celle de Mohamed Baba Nadjar pour confondre le suspect.
• A charge, lors de l'enquête, les preuves reposent sur deux éléments :
• Les déclarations de l'un des fils de la victime, mineur (14 ans), Bazine Kacem, furent exploitées par les enquêteurs, reprenant les déclarations contradictoires de deux autres mineurs –qui furent convoqués sur la base de renseignements fournis par le fils de la victime, Kacem – et qui sont Zakaria Daddi Ouaïssa et Ibrahim Tebbakh âgés respectivement de 14 et 15 ans. Chacun des deux affirme « que l'autre lui a dit qu'il aurait vu Mohamed Baba Nadjar près de la mosquée, deux jours avant l'agression ». Ces déclarations des deux témoins mineurs ont été exploitées comme indices dans la préparation du crime par les enquêteurs.
• Les objets saisis et mis sous scellés lors de la perquisition du domicile familial. Nous devons distinguer deux types d'objets retenus par la police :
Primo : le bidon d'essence retrouvé sous le lavabo dans la cour du domicile. Les enquêteurs ont utilisé le terme « caché sous le lavabo », comme pour laisser entendre qu'il s'agissait de l'arme du crime. Compte tenu de la nature du liquide, elle a été nécessairement rattachée au mode d'agression (la victime a été brûlée vive). C'est ainsi que l'association de l'arme du crime et du lieu de découverte donnait à leurs yeux le nom du criminel.
Secundo : un brassard au nom de la fédération du FFS de Ghardaïa, exigeant la libération de Khoudir Babaz. Ce dernier est un militant du FFS qui avait été incarcéré au cours des événements de Ghardaïa de 2004 où des citoyens ont été réprimés sauvagement par les services de sécurité, lors de manifestations pacifiques pour dénoncer les pratiques arbitraires de la direction du commerce et du contrôle des prix.
En plus du brassard, une revue éditée par la fédération du FFS de Ghardaïa, « Nir Oughlan » (lumières de Ghardaïa) a été saisie au domicile et mise sous scellés.
C'est ainsi que le brassard et la revue saisis lors de la perquisition, ont été, aux yeux de la police, des preuves de son appartenance au FFS. Et ainsi, leur présentation sous cette forme constituait les preuves de la culpabilité de Mohamed Baba Nadjar !!
Ce montage burlesque des faits culpabilisant Mohamed Baba Nadjar conduit par la même occasion à la tentative de criminalisation d'un parti politique.
• A décharge : Les enquêteurs ont refusé de prendre en considération les déclarations de Mohamed Baba Nadjar ainsi que celles de son père, de son oncle et de certains membres de sa famille qui ont tous affirmé que Mohamed était avec eux au moment du crime, à l'autre bout de la ville, rompant le jeun en famille au domicile de son oncle.
De la même manière n'a pas été pris en considération le fait d'absence de lien entre la victime et Mohamed Baba Nadjar. De tout cela, nous déduisons qu'aux yeux de la police, l'absence manifeste de mobile du crime, n'est pas de nature à figurer dans le dossier.
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