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Les Hourrites

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  • Les Hourrites

    L'histoire de ce peuple qui, à l'instar des Égyptiens ou des Assyriens, a créé un grand empire, le Mitani, dont le territoire s'étalait sur le sud-est de la Turquie ainsi qu'une partie de la Syrie et de l'Irak. Cet empire qui finira sous les coups de ses puissants voisins verra son peuple perdurer après lui et même exercer une influence religieuse incontournable sur son vainqueur hittite.

    Introduction

    Les Hourrites font partie des peuples mal connus du Proche-Orient ancien, en dépit de l'ancienneté et de l'importance de leur civilisation. Ils sont en effet attestés depuis 2200 avant notre ère environ jusqu'à la fin de l'Empire hittite, quelque mille ans plus tard, sur un territoire couvrant la Turquie du Sud-Est ainsi qu'une bonne partie de la Syrie et de l'Irak. Les connaissances à leur sujet sont loin d'être équivalentes à celles des Sumériens, des Babyloniens ou des Assyriens.

    Une langue en cours de déchiffrement

    Plusieurs raisons expliquent cette situation. D'abord, les textes disponibles sont encore très restreints ; ils sont, en outre, très limités, puisqu'il s'agit essentiellement de textes religieux. Ensuite, la langue même des Hourrites est restée pendant très longtemps fort mal connue ; son déchiffrement est d'ailleurs encore en cours. Il s'est opéré en plusieurs phases.
    Le document essentiel fut pendant très longtemps la fameuse Lettre mitannienne.

    Cette missive, écrite par le roi du Mitanni, Tushratta au pharaon égyptien Amenophis III, au début du XIVe siècle, a été retrouvée en Égypte à Tell El-Amarna ; elle est aujourd'hui conservée au musée de Berlin. L'adresse de sept lignes est rédigée en akkadien, mais la suite, quatre cent quatre-vingt-sept lignes, est rédigée en hourrite ; elle concerne, notamment, la dot de la princesse mitanienne donnée en mariage au pharaon.

    Il existe aussi d'autres lettres entre les mêmes correspondants sur le même sujet, mais cette fois rédigées en akkadien. On avait réussi à comprendre contextuellement une bonne partie de la lettre en hourrite : ainsi furent jetées les bases de la connaissance du lexique et de la grammaire de cette langue.

    Les découvertes d'Ougarit–Ras-Shamra près de Lattaquié en Syrie -– après la Seconde Guerre mondiale permirent d'élargir les connaissances, en particulier grâce à plusieurs vocabulaires plurilingues datant des XIVe-XIIIe siècles. Les plus complets étaient quadrilingues, donnant les équivalents entre mots akkadiens, sumériens, hourrites et ougaritiques.

    La capitale hittite de Hattusha – Bogazköy au cœur de la Turquie actuelle – a livré de nombreux textes en langue hourrite. L'essentiel de la bibliothèque où ils ont été découverts date de la période impériale (XIVe-XIIIe siècles). Il s'agit de mythes et légendes, de textes divinatoires, ainsi que de rituels et d'incantations. On a parfois des textes bilingues mais d'un genre très particulier : certains rituels comportent un mélange d'indications rédigées en langue hittite et de formules magiques en langue hourrite, sans que celles-ci soient traduites.

    C'est seulement en 1983-1985 que de véritables textes bilingues hittites-hourrites ont été découverts. Il s'agit de l'Epopée de la libération, qui raconte un épisode légendaire de l'histoire d'Ebla, en Syrie du nord, et contient toute une série de comparaisons sur le thème de l'ingratitude. La première édition de ces textes, en 1996, a fait repartir le déchiffrement du hourrite sur une base beaucoup plus large et les publications se succèdent à un rythme accéléré depuis lors. Des textes en langue hourrite ont également été découverts ces dernières années à Emar, près d'Alep, et à Ortaköy, en Turquie centrale ; leur publication devrait contribuer à l'élargissement du corpus disponible. La langue hourrite apparaît comme étant de type «ergatif» ; elle semble isolée, n'ayant comme seul parent sûr l'ourartéen, attesté au premier millénaire avant notre ère.

    La première installation des Hourrites en Haute Mésopotamie

    Les témoignages les plus anciens relatifs aux Hourrites que nous possédions sont des noms propres, qu'une analyse linguistique révèle comme étant d'étymologie hourrite. Ils figurent dans des textes datant de l'époque du roi d'Akkad Narâm-Sîn (vers 2254-2218 avant J.-C.). Ces Hourrites sont localisables dans une bonne partie du Kurdistan actuel, du bassin supérieur du Habur à la région située à l'est du Tigre. Une campagne militaire de Narâm-Sîn a pu être récemment reconstituée. Elle commença sur le Moyen-Euphrate à Tuttul – Tell Bi'a près de l'actuelle Raqqa. Les armées akkadiennes se dirigèrent ensuite vers le nord-est jusqu'à Urkesh. Finalement, Narâm-Sîn remporta une victoire sur la ville d'Azuhinum et captura un certain Tahish-atal. Ce personnage au nom hourrite devait être le chef de la principauté vaincue, dans la région située entre le djebel Sindjar et l'actuelle Mossoul. Le nombre de toponymes d'étymologie hourrite situés en Haute Mésopotamie que fournissent les textes de l'époque de Narâm-Sîn montre que l'implantation hourrite dans la région était déjà ancienne, mais la centaine de textes présargoniques découverts récemment à Tell Beydar, près de Qameshliye, ne contient pas un seul nom propre hourrite. L'origine de ces populations hourrites reste, donc, encore mystérieuse.

    Le premier document historique à notre disposition a longtemps été une inscription de fondation sur tablette de bronze, en langue akkadienne, d'un souverain au nom hourrite, Atal-shen, qui porte le titre de «Roi d'Urkesh et de Nawar». La localisation d'Urkesh a longtemps donné lieu à des controverses. Les récentes fouilles américaines de Tell Mozan, tout près d'Amuda, à une quarantaine de kilomètres de l'actuelle Qameshliye en Syrie orientale, ont révélé que ce site devait être identifié à l'antique Urkesh. On y a, notamment, retrouvé dans un entrepôt de nombreux scellements, dont une série portant l'empreinte du sceau du souverain local, nommé Tupkish.
    A l'époque de la troisième dynastie d'Ur (2114-2004 avant J.-C.), divers conflits entre les rois d'Ur et les principautés du nord-est et du nord de la Mésopotamie sont cités dans des documents, confirmant la présence d'un important peuplement hourrite dans un arc de cercle allant de l'Anatolie orientale à l'Iran du nord-ouest.

    Le fameux «lion d'Urkesh» en fournit sans doute un témoignage, bien que sa datation précise ne soit toujours pas établie. Il s'agit d'une tablette en pierre inscrite, enchâssée dans un cadre en bronze surmonté par un protome de lion. Cet objet fut acquis par le musée du Louvre en 1948 ; il constitue la dédicace d'un temple au dieu des enfers, Nergal, par le roi d'Urkesh, Tish-atal.

  • #2
    Le début du deuxième millénaire avant l’ère chrétienne avait vu un certain recul du peuplement hourrite dans la partie méridionale de leur zone d'établissement, en Mésopotamie, en raison des migrations amorrites. Le bassin supérieur du Habur et la région assyrienne devinrent avant tout le siège de principautés amorrites, quelques villes seulement ayant gardé des souverains hourrites.

    Hourrites et Amorrites

    La campagne que mena le roi Zimrî-Lîm de Mari dans la région au pied de l'Anti-Taurus, près de l'actuelle Mardin, vers 1763 avant Jésus-Christ avait montré à quel point le peuplement humain y était alors mêlé. Les listes de déportés qui avaient été conservées révèlent à l'intérieur d'une même famille une onomastique tantôt amorrite et tantôt hourrite.

    Plus à l'ouest encore, la situation n'était guère différente de cela. Dans le royaume d'Alep, des documents qui avaient été retrouvés dans le niveau VII d'Alalah (l'actuel Açana, situé en Turquie) et datant du XVIIe siècle, montrent également que la population locale portait des noms tantôt amorrites et tantôt hourrites.

    La vallée du grand fleuve le Tigre, en aval de Diyarbakir, est depuis quelques années le siège de fouilles de sauvetage, en raison de la construction d'un barrage qui pourrait noyer plusieurs sites historiques et archéologiques importants. Un lot de tablettes issues de fouilles clandestines opérées dans cette région a été récemment publié ; il a révélé l'existence d'un royaume hourrite ayant pour capitale Tigunânum, au XVIIe siècle avant J.-C. On a, notamment, retrouvé une lettre du roi hittite Hattusili Ier au souverain local, nommé Tuni-Teshub, lui demandant son aide alors qu'il organisait une campagne contre la ville ennemie de Hahhum.

    L'empire du Mitanni

    On ignore jusqu’à maintenant comment s'opéra l'unification politique des différentes principautés et royaumes hourrites de Haute-Mésopotamie, mais on constate qu'un État nommé Mitanni occupa, ensuite, toute cette zone. Son apogée se situe à la fin du XVIe siècle, sous le roi Parattarna. Quoique peuplé essentiellement de Hourrites, le Mitanni avait été fondé par une dynastie locale dont les souverains portaient des noms indo-européens. Quelques mots ou noms divins, également d'origine indo-européenne dans des textes de cette époque, avaient été à l'origine de nombreuses polémiques entre les historiens et les chercheurs qui s’intéressent au passé des Hourrites. Il faut reconnaître qu'à côté de l'Égypte, de l'empire hittite et de la Babylonie kassite, le Mitanni demeure, encore, le plus mal connu des quatre principaux États de l'époque dite «d'El Amarna», au XIVe siècle avant J.-C. On n'a toujours pas retrouvé de liste royale. L'ordre de succession des différents souverains est, donc, encore incertain dans quelques cas et la durée de leurs règnes inconnue également. On possède seulement quelques synchronismes avec les royaumes voisins, dont l'histoire est mieux documentée.

    Le coeur du Mitanni se situait dans le bassin supérieur du Habour et de ses affluents. Les rois mitanniens résidaient, souvent, à Washugani, site qui n'a toujours pas été identifé. Une autre ville très importante, peut-être même leur capitale selon certains spécialistes, était Ta'idu, située dans la région de Tell Brak au nord de l'actuelle Hassake. A Tell Brak même, les fouilles anglaises ont exhumé dans les années 1980 un palais mitannien ; on y a, notamment, retrouvé une lettre en hourrite. L'autorité des souverains mitanniens s'est peu à peu imposée à de nombreux royaumes limitrophes, s'étendant jusqu'à Arrapha (Kirkouk) à l'est, et à l'ouest en Syrie centrale jusqu'à Qadesh, sur l'Oronte près de l'actuelle Homs. La vie dans ce royaume est essentiellement connue par les archives découvertes dans deux localités situées à ses extrémités : Nuzi à l'est, et Alalah à l'ouest. Les cinq mille tablettes retrouvées par une mission américaine à Yorghan Tepe (Nuzi, près de Kirkouk), dans le Kurdistan irakien, sont toutes rédigées en akkadien ; mais de nombreuses maladresses des scribes montrent qu'il ne s'agissait pas de la langue parlée localement.

    La fin de l’empire du Mitanni

    L'État mitannien, de structure assez lâche, se désagrégea peu à peu sous l'effet de dissensions dynastiques, qui entraînèrent dans un premier temps l'intervention des Hittites venus du nord-ouest. Le roi Suppiluliuma affermit au cours de trois guerres successives son contrôle sur toute la Syrie du nord, en installant l’un de ses fils comme roi à Karkemish. De façon significative, ce fils changea son nom hittite de Piyashili en celui, hourrite, de Sharri-Kushuh. Tous ses descendants portèrent, depuis, également des noms hourrites.Les Assyriens, à leur tour, se livrèrent à des conquêtes aux dépens de l’empire du Mitanni, qui fut peu à peu dépecé entre les Hittites et les Assyriens, la partie orientale survivant sous le nom de Hanigalbat. Sous Salmanazar Ier -- qui a régné de 1274 à 1245 avant l’ère chrétienne), la Haute-Mésopotamie était passée toute entière sous le contrôle des puissants Assyriens. Mais la fin de l’Etat du Mitanni ne signifiait pas du tout la disparition de la population hourrite, qui lui avait préexisté. Lorsque le roi Tukulti-Ninurta Ier (1244-1208 av. j.-C.) envahit le Tur-Abdin – les montagnes au nord de l'actuelle Mardin –, il avait déporté de nombreux habitants de cette région pour construire sa nouvelle capitale : les listes conservées montrent qu'il s'agissait majoritairement de Hourrites.

    La culture hourrite

    La première attestation de la religion hourrite est constituée par l'inscription du «Lion d'Urkesh». Le texte comporte une malédiction contre celui qui détruirait le temple. Les divinités invoquées sont les suivantes : Lubadag, la Dame-de-Nagar, la divinité solaire Shimiga et le dieu de l'orage. L'importance du dieu de l'orage hourrite, nommé Teshub, se constate au XVIIIe siècle av. J.-C. : le roi de Mari Zimrî-Lîm envoya un présent à son sanctuaire de Kumme, dans le Kurdistan irakien. Sa parèdre Hebat, en revanche, n'est pas d'origine hourrite comme on l'a cru longtemps : c'est une déesse syrienne originaire d'Alep.

    L'influence de la religion hourrite sur celle des Hittites fut considérable. Elle transita par la Cilicie, qui fut mitannienne avant d'être annexée par les Hittites. Le sanctuaire rupestre de Yazilikaya près de Hattusha montre un panthéon mixte : à côté de divinités proprement hittites, d'autres sont d'origine hourrite. On a, souvent, tenté de discerner des caractéristiques particulières dans certaines catégories d'objets qui permettraient de repérer un style spécifiquement hourrite dans l'art, mais jusqu'à présent ces tentatives n'ont guère été couronnées de succès. Pour l'histoire de l'art comme pour l'histoire politique, il s’avère important encore et toujours de connaître la capitale de l’Etat du Mitanni…

    Par La Nouvelle République

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