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Les femmes dans l’émigration : des pionnières qui ont marqué leur temps

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  • Les femmes dans l’émigration : des pionnières qui ont marqué leur temps

    Dans l’historiographie des émigrants, on oublie parfois qu’à côté des hommes, bon nombre de femmes ont fait partie de la grande saga (Syro)-libanaise du « mahjar » (émigration).
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    ]Au Liban, dans les années 1940, pendant la lutte pour l’indépendance, il y eut aussi des militantes qui ont participé au combat, telles que Ibtihaj Kaddoura (1893-1967), Laure Tabet (1896-1981), Julia Tohmé Dimachkié (1880-1954), Évelyne Bustros (1870-1964), Najla Saab (1908-1971)…

    Les mouvements féministes ont été lancés au Liban en 1915. La Ligue des droits de la femme libanaise est née en 1947 et la femme a obtenu la reconnaissance du droit de vote en 1952. Mirna Boustany fut la première Libanaise à accéder au Parlement en 1963 et plusieurs femmes ont été élues à la Chambre depuis les élections législatives de 1996.



    Au XIXe siècle, plusieurs mères ont quitté le Liban avec leurs enfants mineurs pour ne pas qu’ils servent dans l’armée ottomane. D’autres ont fui les massacres et les difficultés économiques. Cette décision était difficile à prendre vu qu’elles laissaient derrière leur époux et ceux parmi les enfants qui étaient obligés de rester dans la région. Les femmes ont aussi travaillé comme colporteuses dans le pays d’émigration ou exercé d’autres métiers (cuisinière, sage-femme, couturière, ouvrière, médecin, politicienne, artiste…), parfois dans l’anonymat, restant toujours présentes dans la construction de la société libanaise.

    La liste des femmes pionnières de l’émigration libanaise est grande et plusieurs histoires relatent leurs voyages. Ainsi, fuyant les difficultés socio-économiques, Marie Yamuni part en 1887 de son village de Sereel, avec son fils aîné Bejos (Bakhos) Miguel Yamuni, âgé de 6 ans, laissant derrière elle trois autres enfants avec leur père. Elle débarque à Costa Rica, en Amérique centrale, et instaure un commerce dont les nouvelles générations continuent de profiter jusqu’à aujourd’hui. Une autre femme énergique a elle aussi quitté le Liban-Nord en 1895, laissant son époux et s’établissant à Boston avec ses quatre enfants mineurs : il s’agit de Kamilat Gibran, la mère du grand écrivain, poète, peintre et philosophe libanais Gibran Khalil Gibran, le plus lu dans le monde et l’un des piliers de la renaissance arabe, la nahda, du XIXe et XXe siècle.

    Les femmes libanaises sont aussi présentes dans la nahda et dans le mouvement appelé « la littérature d’émigration ». Citons notamment May Ziadé (1886-1941), journaliste et femme de lettres, née à Nazareth de parents libanais (originaires de Chahtoul, près de Ghazir). Elle fit ses études au Liban puis se réfugia au Caire, fuyant l’oppression ottomane. Elle fonda alors un cercle littéraire où se rencontrèrent Loutfi Sayyed, Antoun Gemayel, Taha Hussein, Khalil Moutran, Yacoub Sarrouf, et correspondit avec Gibran. Parmi ses écrits figure une grande oeuvre sur l’égalité Zouloumat wa Achaha (« Les ténèbres et la lumière »). Elle fut l’une des premières femmes libanaises à éveiller la conscience de la femme arabe, particulièrement au Liban, et se fit remarquer par son activité pour l’émancipation de la femme, d’abord de l’ignorance, puis du joug des traditions anachroniques, l’empêchant de se comparer à l’homme et d’obtenir le droit à l’égalité. Elle s’exprimait en arabe, en français, en anglais, en allemand, en italien et en espagnol, et fut une pionnière du féminisme oriental.



    Mariana Dabul de Fajuri (1889-1997), journaliste originaire de Kubba, au Liban-Nord, et veuve à l’âge de 26 ans, décida d’émigrer aux États Unis avec ses trois enfants, Noha, Wadih et Adonis. Elle travailla comme colporteuse avec ses frères déjà établis là-bas, puis quitta pour l’Argentine où elle continua à travailler dans le commerce et se maria de nouveau avec Elias Mussa Fajuri, dont elle eut un enfant, Raul. En 1940, toujours active, elle partit au Brésil où elle fonda en 1955, à São Paulo, la revue As Etapas (Les Étapes), une idée qu’elle avait depuis longtemps, et qui avait pour objectif de diffuser la littérature et la culture arabe dans l’émigration.

    Mariana était une femme respectée par toute la colonie libanaise et arabe pour ses initiatives humanitaires et littéraires. Sa revue, dirigée jusqu’à ce jour par la famille Fajuri, a pris le nom de Chams, et est un miroir de la colonie arabe au Brésil à travers ses récits et ses photos des grands événements culturels et sociaux arabes dans ce pays.

    Femmes de lettres et autres



    Salma Sayegh (1890-1953), femme des lettres dévouée à la cause du Liban, originaire de Wadi el-Tai (Hasbaya), se maria en 1911 avec Dr Farid Kassab, dont elle eut deux enfants, Aida, mariée au grand poète libanais Salah Labaki, et Georges, décédé en bas âge. Salma s’engagea à 18 ans dans le journalisme sous le nom de Salwa Mouawen, écrivant des articles contre les Ottomans et les agents du Mandat. Pendant la Première Guerre mondiale, quand le Liban passa par des moments pénibles, elle fonda à Ghazir, avec Henri Misk, un hospice pour recevoir les Libanais condamnés à mourir de faim et sauva ainsi de la mort des milliers de jeunes.

    Après l’indépendance du Liban, elle commença à réclamer dans ses écrits la réforme de l’enseignement et l’adoption de la langue arabe aux examens officiels. Salma aborda les problèmes sociaux féminins avec cette réflexion : « La moralité d’une nation tient surtout à la moralité des femmes ; si les femmes ont de bons fils, la patrie aura de bons serviteurs. » Elle plaida aussi pour l’égalité des salaires assurant une vie meilleure à tous les Libanais. Parmi ses écrits, citons al-Nassamat.

    Salma parcourut durant sa vie de nombreux pays, avec comme devise : « L’Univers est grand et le voyageur en est le vrai roi. » Elle visita l’Égypte, la Turquie, la France, l’Angleterre et arriva au Brésil en 1939, où elle séjourna dix ans en raison de la Seconde Guerre mondiale. Elle écrivit alors un livre, Images et Souvenirs, et la société des lettres brésiliennes donna une grande réception en son honneur, conviant cinq mille personnes de toutes les classes brésiliennes et libanaises. Salma prit la parole : « Les Libanais ont essaimé à travers le monde. Nos compatriotes ont donné la preuve, partout et toujours, d’une vitalité prodigieuse.

    Actifs, industrieux, ils ont résisté à toutes les invasions malgré leur petit nombre. Ils ont réussi à imprégner les envahisseurs de leur génie propre. Ils sont à tous les carrefours de la pensée. » Et, se tournant vers ses compatriotes, elle dit : « Pensez à cette terre bénite du Liban, avec amour, comme l’on pense à sa mère. »

    Récemment, le ministre Tarek Mitri, à l’occasion de l’annonce de la conférence sur « La femme arabe et l’avenir », qui aura lieu les 23 et 24 octobre à Beyrouth, s’est exprimé sur ce sujet : « Nous vivons dans une région du monde où nous sommes de plus en plus persuadés qu’il n’y a pas de “nahda” tant que la femme n’est pas en mesure de participer pleinement à la vie culturelle et publique dans son pays. » Pour l’uléma Mohammad Hussein Fadlallah, « il est du droit des femmes de prendre part à la vie politique et à tous les niveaux pour que notre nation se renforce et devienne capable de prendre des décisions indépendantes, politiques, économiques et sécuritaires». Signalons que la femme libanaise est présente dans tous les secteurs de travail, particulièrement dans l’éducation et dans les lettres, et même dans l’armée.

    « Je veux garder les yeux ouverts sur les souffrances, le malheur, la cruauté du monde ; mais aussi sur la lumière, sur la beauté. Sur tout ce qui nous aide à nous dépasser, à mieux vivre, à parier sur l’avenir. » (Andrée Chedid)

    Roberto KHATLAB
    L'Orient le Jour
    Si vous ne trouvez pas une prière qui vous convienne, inventez-la.” Saint Augustin
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