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Un enfant sur deux a une carie dentaire en Algérie

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  • Un enfant sur deux a une carie dentaire en Algérie

    LA TRIBUNE : En Algérie, les enfants en milieu scolaire sont de plus en plus nombreux à souffrir de problèmes bucco-dentaires. Pourtant, il y a trois ans, le ministère de la Santé avait mis en place des mesures qui semblaient intéressantes. Pourquoi cet échec ?

    Dr FARIDA BOUCHOUCHI, cadre au ministère de la Santé en Algérie : En effet, les chiffres recueillis par nos supports d’information indiquent que la carie dentaire est la pathologie la plus fréquente dans le milieu scolaire. Pour l’année 2007/2008, par exemple, la prévalence carieuse était de 50% pour les classes de 1re et de 2e année primaire, 59% pour celles de quatrième année, 38% pour les élèves de 2e année moyenne et 45% pour les lycéens de première année. C’est pratiquement un enfant sur deux qui a, au moins, une carie dentaire. Et encore, ces chiffres sont sous-évalués parce que le dépistage ne se fait pas toujours dans des conditions optimales.

    La situation est inquiétante !


    Le constat est alarmant, surtout au vu des conséquences que cela peut avoir sur l’organisme (sur le cœur et les reins par exemple). D’ailleurs, une enquête faite par le service d’odontologie préventive du CHU Mustapha avait révélé que 90% des enfants examinés présentent au moins une carie dentaire. Ils viennent des quartiers défavorisés comme de ceux dits favorisés. Ce résultat est plus proche de la réalité du terrain.

    Pourquoi tant de caries ?


    Il y a probablement le changement des habitudes alimentaires. On voit nos enfants manger des sucreries, grignoter entre les repas… Il y a aussi le fait que le brossage dentaire n’est pas encore bien ancré dans notre culture sanitaire.

    Que font alors les UDS ?

    Les unités de dépistage et de suivi existent, depuis 1994, dans le cadre du programme de santé scolaire mais celui de la santé bucco-dentaire en milieu scolaire n’a démarré qu’en 2001/2002. Nous avons chargé nos chirurgiens-dentistes de sensibiliser les enfants sur l’importance du brossage dentaire et comment bien le faire. Car il ne s’agit pas seulement de se brosser ou de faire des bains de bouche. Il faut faire cela correctement.

    Nous avons des modèles géants de maxillaires et de brosses à dent sur lesquels on apprend aux enfants les techniques de brossage, mais comme cela fait appel à un changement de comportements, aussi bien chez les enfants que chez les chirurgiens-dentistes, voire les parents, il est tout à fait normal que cela prenne du temps pour donner de bons résultats. En général, toutes les mesures de prévention primaire (c’est aussi le cas pour le fluor) ne donnent des résultats qu’au moins 10 ans, 15 ans après.

    En parallèle du brossage dentaire, nous avons lancé un «programme fluor» en 2006/2007. C’est une mesure complémentaire au brossage dentaire. Notre objectif étant de réduire de 25% le risque carieux (avec l’utilisation du brossage dentaire), voire de 35 à 40% en associant les deux mesures (brossage et fluor).

    Apparemment, les enfants ne sont pas réceptifs…

    Nous avons constaté que les enfants comprennent notre message. Quand on leur pose des questions, ils répondent bien. Ils savent ce qu’est la carie, le microbe qui en est à l’origine, les maladies qui peuvent en résulter… mais ce n’est pas pour autant qu’ils ont ce réflexe de se brosser les dents après chaque repas. Par ailleurs, nous avions une difficulté -et nous l’avons encore- de pourvoir tous les enfants en brosses à dent et en dentifrices. Certains parents trouvent qu’ils ne sont pas à leur portée. Nous avons alors conclu des accords avec deux partenaires pour nous en procurer et les distribuer à ceux qui en ont besoin. Il y a aussi cette difficulté de changer la brosse à dent tous les trois mois (la brosse à dent devient alors inefficace).
    En somme, il y a eu une petite amélioration mais nous n’avons pas pu atteindre l’objectif escompté (25%). Loin de là. A partir de 2006/2007, il y a eu une deuxième mesure de prévention primaire : l’administration de comprimés de fluorure de sodium.

    Le fluor est un oligo-élément qu’on trouve à l’état naturel dans certains aliments. Il s’incorpore à l’émail pendant la formation des dents. Son rôle de protéger les dents des caries est prouvé scientifiquement.

    Comment agit-il sur les dents ?

    L’émail des dents est formé de cristaux d’hydroxypatites (composés, entre autres, de l’ion CA++ et de l’ion OH-). Lorsqu’il est présent dans l’organisme, l’ion fluor (F-) va se substituer à l’ion OH- pour former le fluoroapatite. Les cristaux d’émail sont alors beaucoup plus résistants à l’attaque acide qui est à l’origine de la brèche carieuse. La dose quotidienne recommandée pour obtenir l’effet protecteur est calculée par rapport au poids de l’enfant ; elle est de 0,05mg/kg/j. Le fluor a, également, une action locale bénéfique. Lorsqu’il est au contact des dents, il réminéralise l’émail quand la carie est à ses débuts, inhibe la dégradation des hydrates de carbone (les sucres) en acide lactique qui dissout l’émail et il ralentit la croissance des bactéries de la plaque dentaire.

    Le fluor est utilisé dans des pays comme les Etats-Unis, le Canada, la Suisse, la Grande-Bretagne… avant nous. En Suède, par exemple, il y eu toute une génération d’enfants de 15 ans indemnes de carie (1995). Mais au fil des ans, il y a eu apparition de légères fluoroses.

    Y avait-il un excès de fluor ?

    C’est pratiquement cela puisque l’eau fluorée n’était pas seulement utilisée comme boisson ordinaire, mais également dans l’industrie agroalimentaire, les sodas, etc. Il y a donc eu multiplication des sources de fluor.
    Autre chose à signaler : chaque individu répond plus ou moins à fixer le fluor, comme il est susceptible de développer ou non la carie dentaire. Ceux qui ont des prédispositions génétiques à la carie dentaire ont besoin d’un supplément fluoré.

    Ce n’est donc pas le fluor qui constitue un danger mais la quantité consommée…

    C’est cela. C’est l’excès de fluor qui est à éviter. Concernant l’Algérie, nous avons des zones endémiques de fluorose qui sont dans le sud du pays (bien que nous ayons découvert à l’occasion de ce programme que même dans le Nord il y a des poches de fluorose). Elles le sont parce que leur eau contient naturellement une quantité de fluor qui dépasse celle dont a besoin l’individu. Par exemple, à Oued Souf, il y a des localités qui contiennent jusqu’à 5 mg de fluor/l d’eau. Les populations locales prennent ce fluor depuis des années mais elles ne sont pas pour autant plus sujettes au cancer que d’autres individus comme le laissent entendre certains. En revanche, ils ont la fluorose dentaire qui se manifeste par des colorations dentaires allant du blanc crayeux au marron foncé en passant par le jaune.
    Cela provoque un préjudice esthétique qui peut être très invalidant, notamment chez les adolescents. Lorsqu’on ne prend que la dose de fluor recommandée, il n y a pas d’incidence sur les autres parties du corps. La raison en est que 80% du fluor consommé se fixe sur l’émail, le reste se fixe essentiellement sur les os. Le premier capteur étant les dents, le premier signe de toxicité est donc visible (la tache blanchâtre sur les dents).

    Ces populations ont bien le droit d’avoir une bonne dentition…

    C’est, malheureusement, irréversible. Le problème pour elles est dans l’eau qu’elles boivent quotidiennement. Je pense, toutefois, qu’il y a un projet au ministère des Ressources en eau qui envisage à l’avenir de puiser l’eau dans la nappe albienne (qui n’est pas fluorée) et d’installer progressivement des unités de déminéralisation.

    Concernant l’administration des comprimés de fluor à l’école, est-ce une obligation pour tous les enfants ?

    Absolument pas. Comme je l’ai dit tout à l’heure, certains individus ont des capacités de résistance à la carie dentaire, d’autres, au contraire, ont des prédispositions à la carie dentaire. Les comprimés ne doivent être donnés qu’après examen et prescription du chirurgien-dentiste et accord tacite des parents (puisque c’est à eux que sont remis les comprimés de fluor). Cette prescription des comprimés du fluor par le chirurgien-dentiste ou le médecin doit se faire sur la base d’une fiche technique pour l’évaluation du risque carieux et la modulation de l’apport en fluor, en fonction de l’intensité du risque cariogène de l’enfant, et, bien sûr, de la teneur en fluor de l’eau de sa commune. Ce sont donc seuls les enfants qui en ont besoin qui doivent en prendre.

    D’ailleurs, d’après les résultats de prescription que nous avons depuis la mise en place du «programme fluor», c’était seulement aux 69% des enfants
    examinés que nous avons prescrit du fluor durant la première année, 42% l’année suivante et 41% l’an dernier.

    Par ailleurs, je tiens à préciser que ces comprimés sont prescrits aux enfants scolarisés à partir de 5 ou 6 ans, jusqu’à 12 ans. Dans les pays développés, cela commence à 6 mois, parfois avant. Autrement dit, l’administration du fluor doit avoir lieu depuis la formation de la première dent jusqu’à l’apparition de la dernière dent définitive sur l’arcade (12 ans). Au-delà, le fluor ingéré ne servira à rien. En revanche, à partir de 12 ans, l’utilisation du fluor par contact est fortement recommandée (dentifrice, solutions fluorées…). L’administration du fluor est une mesure complémentaire. Elle sera plus probante chez l’enfant qui se brosse les dents régulièrement et correctement car, il bénéficiera en plus de l’effet topique qui sera meilleur si la plaque dentaire a été éliminée par le brossage.

    Par la Tribune
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