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Al Capone inspire la lutte anti-mafia en Suède

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  • Al Capone inspire la lutte anti-mafia en Suède

    Le numéro 6 de la rue Porslinsgatan à Malmö abrite le siège de la police régionale de Skane. Le bâtiment est une enfilade de longs couloirs interminables, qui se ressemblent tous. L’unité de lutte contre la criminalité organisée se trouve quelque part, dans les étages. Son directeur, Henrik Malmqvist, refuse de dire où précisément. Il révèle seulement qu’elle travaille «à l’abri des regards, derrière des portes closes». Une question de sécurité, paraît-il. Truands et criminels en tout genre n’apprécieraient guère le regain d’intérêt dont ils font l’objet depuis l’automne 2006.

    Et pour cause. L’an dernier, les enquêtes menées par l’unité, composée de représentants d’une dizaine d’administrations suédoises, ont abouti à 88 arrestations et 62 condamnations, pour un total de 188 000 couronnes d’amende (17 000 euros) et soixante-douze ans de prison. Ces résultats seraient tellement satisfaisants que le gouvernement de centre droit a décidé de créer des groupes similaires dans cinq régions de Suède, en plus de ceux qui existent déjà à Malmö, Göteborg et Stockholm. D’ici à l’été, 200 policiers supplémentaires y seront affectés.

    «Intouchables». La clé du succès ? Une coopération quotidienne entre les services de police, le parquet, la douane, les garde-côtes, l’immigration, le fisc, les services de recouvrement, la sécurité sociale et la lutte contre la criminalité économique. «C’est ce qu’on appelle la méthode Al Capone», explique Mats Kirestam, chargé par le gouvernement d’en gérer l’application. La technique d’enquête a été rodée à Chicago, dans les années 30. On disait alors qu’Al Capone était intouchable. Mais Eliott Ness et ses incorruptibles agents du fisc ont réussi là où la police avait échoué. En fouillant dans ses comptes, ils sont parvenus à le faire condamner à onze ans de prison pour fraude fiscale.

    L’idée, précise Mats Kirestam, est de «compliquer la vie de tous ceux qui vivent du crime organisé». En s’attaquant à leur portefeuille et en mobilisant contre eux les efforts de toutes les grandes administrations. «S’ils ne travaillent pas ou ne déclarent aucun revenu, ils perdront leur assurance-maladie. S’ils ne cherchent pas activement un emploi, ils n’auront plus droit aux allocations chômage.» Le policier parle de «harcèlement», mais «pour le bien de la société».

    A Malmö, la méthode est expérimentée depuis près de trois ans. «Au milieu des années 90, il s’est produit un changement dramatique, avec l’apparition d’une criminalité organisée à laquelle nous n’étions pas habitués», raconte Henrik Malmqvist. Plusieurs gangs de motards, dont les Hells Angels et les Bandidos, s’installent dans la province de Skane (dans le Sud du pays), suivis de groupes d’origine étrangère, souvent moins structurés. Ils prennent le contrôle du marché de la drogue, de la prostitution et du trafic humain. Ils passent maîtres dans l’art du chantage et du cambriolage. «Nous nous sommes vite rendu compte que nos méthodes ne fonctionnaient plus.»

    En 2004, les services de police dressent une liste, où figurent les noms de près de 120 suspects. «La crème de la crème», dit Henrik Malmqvist. Ceux qui dirigent les opérations sur la région, sans jamais se salir les mains. Une vingtaine d’entre eux se retrouveront sur la liste «Alcatraz», qui recense, au niveau national cette fois, les criminels les plus dangereux de Suède. «On savait qu’ils étaient coupables, mais ils étaient intouchables.» D’où l’idée d’appliquer la méthode Al Capone.

    Depuis l’automne 2006, les chefs des différentes administrations de la région se retrouvent toutes les deux semaines. Lors de ces réunions, ils décident des enquêtes à mener, souvent sur la base d’indices fournis par la police. Parfois, la sécurité sociale ou le fisc suggèrent un nom ou une entreprise soupçonné de blanchiment d’argent ou de fraude. Commence alors un long travail d’enquête. Rien n’est laissé au hasard. Comptes, déclarations fiscales, titres de propriété, inscription au registre des entreprises… Tout est passé au crible. L’enquête peur durer des mois.

    «Un puzzle». En décembre, le travail de l’unité a permis d’arrêter celui que les médias ont baptisé le «banquier de la mafia». Un joli coup, selon Henrik Malmqvist. Escroc notoire, plusieurs fois condamné, Torgny Jonsson est soupçonné d’avoir détourné plus de 117 millions de couronnes (10,6 millions d’euros), volées à une douzaine d’investisseurs. Proche de plusieurs leaders des gangs de motards, la police le surveillait depuis des mois. «C’est un peu comme rassembler les pièces d’un puzzle», observe Marie Vangekrantz, directrice du fisc à Malmö, qui assure que la méthode a fait ses preuves. «On commence à avoir une très bonne idée de la structure de la criminalité organisée dans la région, des différentes constellations et de leurs dirigeants, dont les noms réapparaissent d’une enquête à l’autre.»

    Chaque arrestation n’aboutit pas à une condamnation. Mais «si on peut au moins confisquer aux criminels leur argent, leur vie devient très dure. Sans une belle villa, une grosse voiture, ou une chaîne en or, c’est leur identité qui disparaît», assure Henrik Malmqvist.

    source : Libération
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