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Ces enfants nés de mères porteuses

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  • Ces enfants nés de mères porteuses

    Pour eux, leurs parents ont bravé l'interdit. Violé la loi. Brisé le tabou. Parce que leur mère ne pouvait pas les porter, Isa, Léa, Lou, Antoine et Ophélie sont nés du ventre d'une autre femme. Nés de mère porteuse.

    La gestation pour autrui, interdite en France depuis 1991, légale ou simplement tolérée ailleurs, est au coeur des débats qui entourent la révision de la loi de bioéthique, programmée pour 2010.

    Elle figurera en bonne place dans le rapport que les états généraux de la bioéthique remettront dans quelques jours au président de la République. Déjà, elle déchaîne les passions, entre éthique et désir d'enfant, droit et émotion. Généticiens, gynécologues, juristes, philosophes, pédiatres et psychanalystes s'écharpent sur la question. Pétition contre pétition. Rapport contre rapport. Comment ces enfants vivent-ils leur histoire peu banale? Comment démêlent-ils l'écheveau de leur filiation? L'Express a enquêté auprès de trois familles.

    "Quand j'étais dans ton ventre..." La première fois que Lou a prononcé ces mots, sa mère, Laure Camborieux, est allée chercher un album photo. Sur la première page figurent quelques lignes manuscrites en anglais: "J'ai commencé avec les images de ma famille, vous continuerez avec celles de la vôtre." Une jolie blonde en tenue de l'armée américaine sourit sur la photo.

    "Elle s'appelle Jackie. Elle vous a portés, ton frère jumeau, Antoine, et toi, parce que le ventre de maman était cassé", a expliqué Laure à sa fille.

    Les clichés suivants racontent l'histoire tranquille d'une famille américaine du Texas. Le mariage de Jackie avec Kasey, militaire lui aussi. L'arrivée des enfants, Kyle et Lyndsey. La nouvelle maison. Les vacances. Laure, son mari, Michel, et leur fils aîné, Lucas, en visite à Wichita Falls. La première échographie des embryons, conçus avec les gamètes de Laure et de Michel, sur laquelle Jackie a ajouté quatre mots: "Hi, Mom and Dad! " -"Salut, maman et papa!" Les photos de Jackie enceinte, puis avec les deux nouveau-nés dans les bras. Laure et ses bébés, à la maternité. "C'est moi que les médecins félicitaient, se souvient-elle. Tout s'est passé comme si j'avais accouché."

    Des cartes d'anniversaire se sont glissées entre les pages de l'album. "Lou et Antoine, nous sommes impatients de mieux vous connaître et de vous accueillir dans notre famille ", espère l'une d'elles. Lou, le sourire espiègle sous la frange blonde, s'impatiente: "Dis, maman, quand est-ce qu'on ira les voir?" Le voyage se fait attendre. "Entre les travaux dans la maison et notre chaudière qui a explosé, ce ne sera encore pas pour cet été, soupire Laure. Peut-être pour Noël."

    Seul Lucas, 9 ans, figure sur le livret de famille de ses parents. Pas les jumeaux, dotés d'actes de naissance et de passeports américains. "Cela ne nous a pas empêchés de les inscrire à l'école et à la Sécurité sociale, souligne leur mère. Comme beaucoup de familles, on se débrouille avec ces papiers étrangers, sans nous risquer à demander la transcription à l'état civil français. Et on refuse de se prendre la tête au quotidien pour éviter que notre stress ne rejaillisse sur nos enfants..."

    Des garçons et des filles nés, comme eux, de mère porteuse, Lou et Antoine en côtoient à travers l'association Maia, fondée par Laure pour soutenir les couples en mal de fertilité. Le 9 mai, une vingtaine de familles se sont retrouvées pour un pique-nique champêtre près de Montpellier. "Ce n'est pas si facile d'expliquer à ces petits qu'ils sont nos enfants, même si nous ne les avons pas portés", reconnaît Laure. Pour faciliter la tâche des parents, Maia vient de publier un livre pour enfants consacré à la gestation pour autrui. Son titre? Dans notre histoire, il y a... Nounou et nous

    Merci, MSN et Internet! Par messagerie et webcam interposées, Ophélie passe des heures à bavarder et à blaguer avec son cousin Martin, 14 ans. Elle, à Bordeaux. Lui, à Lille. Ces deux-là s'adorent, malgré les cinq années et les 800 kilomètres qui les séparent. "Martin, c'est mon cousin-frère!" claironne la blondinette aux yeux verts. Elle explique: "J'étais dans le ventre de sa maman, ma tata Marylène, quand j'étais un oeuf. Je le sais, maman m'a tout raconté."

    Nathalie n'a rien caché à sa fille. Ni Jeanne, la soeur aînée, décédée à 4 mois d'une méningite foudroyante. Ni le bébé mort-né et l'accouchement dramatique qui lui a coûté son utérus. Ni ses tribulations sur les chemins de la gestation pour autrui, entre France et Belgique. Ni le rôle joué par Marylène, qui a porté l'embryon de Nathalie et de son mari, Vincent. "C'est pas ma tata-maman, précise Ophélie. C'est ma tata normale." La petite fille sait aussi que sa tante a accouché sous X et que sa mère a dû l'adopter.

    Elle adore écouter, encore et encore, l'histoire de cette grossesse pas comme les autres. La cassette que Nathalie avait enregistrée et que Marylène posait, tous les soirs, contre son gros ventre, pour que le bébé entende la voix de ses parents, les chansons de sa maman et les bruits de la maisonnée. Le bouton que sa mère a pris le temps de recoudre sur son manteau, dans la salle de travail de la maternité, tout en rigolant avec Marylène. L'arrivée précipitée d'Ophélie à 16 heures - "l'heure du goûter." Son premier "areuh" dans les bras de sa mère, sous le regard complice de l'équipe médicale.

    Du haut de ses 9 ans, Ophélie lâche que "la loi n'est pas juste". Qu'une maman devrait pouvoir en aider une autre, comme dans d'autres pays. "J'ai l'impression d'être la seule, en France, à être née comme ça..." souffle-t-elle. L'autre jour, à l'école, une de ses copines a fait un exposé sur la naissance des bébés. Elle a dit que les mères porteuses, c'est pas bien, c'est interdit. Ophélie n'a pas bronché. "C'était dur", confie-t-elle. Même à Juliette, sa meilleure copine, elle n'a jamais confié son secret. Elle le lui dira peut-être "Mais seulement quand la loi aura changé."

    Léa et Isa, 8 ans et demi, Maisons-Alfort (Val-de-Marne)


    Léa empoigne ses stylos feutre pour mimer l'histoire de sa naissance: "Celui-ci, c'est maman, celui-là, papa, et, là, c'est le docteur." Sur la nappe bleue et jaune de la salle à manger, les crayons prennent vie entre ses mains. "Vous ne pourrez pas avoir d'enfant ici, a dit le docteur, vous devez aller aux Etats-Unis." Un quatrième feutre entre dans la danse. "En Californie, papa et maman ont rencontré Mary. C'est elle qui nous a portées, ma soeur Isa et moi, dans son ventre. Et puis, Mary a accouché, on est nées, et tout le monde était content!" Satisfaite de son petit numéro, Léa retourne aux aventures de Super Patate, le petit personnage qu'elle a inventé et dont elle déroule les tribulations sur son blog. Isa, plongée dans un dessin, relève la tête pour apporter sa contribution médicale au récit: "Maman n'avait pas la poche avec laquelle on fait les bébés. Mary lui a prêté la sienne." N'ont-elles pas oublié un personnage clef de ce roman familial? "Ah, oui, Anna, celle qui a donné la graine." Anna, une Française installée à Washington, dont les ovocytes ont permis leur conception.

    Isa et Léa connaissent bien Mary et Anna, les deux femmes sans lesquelles elles n'auraient jamais vu le jour. Anna, une amie de Sylvie, habituée des allers-retours Paris-Washington, arrive dans quelques jours. Le 11 juillet, Isa, Léa et leurs parents, Sylvie et Dominique Mennesson (1), s'envoleront pour les Etats-Unis. Direction Orlando (Floride), où Mary, ex-infirmière et mère de quatre enfants de 16 à 24 ans, tient désormais un restaurant avec son nouveau mari. Il y a deux ans, sa fille Megan est venue jouer les baby-sitters auprès d'Isa et de Léa pendant trois mois. Inutile, pourtant, de demander aux jumelles quelle place occupent Anna et Mary dans leur arbre généalogique. "Ce sont des amies, pas des tatas", lâchent-elles sur le ton de l'évidence.

    "Elles parlent moins d'Anna que de Mary, observe Sylvie en couvant du regard ses deux feux follets aux longs cheveux bruns. Sûrement parce que le don de gamète est légal, alors que la gestation pour autrui est interdite en France, ce qu'elles savent parfaitement." Isa et Léa sont très fières de leur passeport américain. Fières d'être citoyennes des Etats-Unis, même si elles ont aussi une carte d'identité française.

    "A leurs yeux, la France est le pays où l'on cause des ennuis à leurs parents", explique Dominique, leur père, épuisé par une guérilla judiciaire de huit années autour de la transcription, à l'état civil, des actes de naissance américains de ses jumelles. En jeu: l'établissement de leur filiation au regard du droit français. Et le droit, tout simplement, de figurer sur le livret de famille de leurs parents.

    Le marathon n'est pas fini. Le 17 décembre dernier, la Cour de cassation a invalidé la transcription. "Ce soir-là, Isa voulait jouer aux devinettes, raconte Dominique. Je lui ai dit que ce n'était pas le bon moment, que j'étais triste. Elle m'a répondu que le jugement lui avait fait de la peine à elle aussi, mais que, justement, les devinettes nous changeraient les idées..."

    (1) Les prénoms des enfants ont été changés.

  • #2
    Enquête au long cours

    Depuis huit ans, la psychologue britannique Susan Golombok planche sur le délicat sujet des enfants nés de mère porteuse ou conçus grâce à un donneur de gamètes (spermatozoïdes ou ovocytes). A la tête du Centre de recherche sur la famille de l'université de Cambridge, elle mène une patiente enquête auprès de 190 foyers afin d'évaluer, année après année, le développement psychologique des petits et la qualité de leurs relations avec leurs pères et mères. Conclusion des quatre premiers bilans, effectués pour les 1er, 2e, 3e et 7e anniversaires des enfants: RAS, tout va bien. "Quand les protocoles de gestation pour autrui sont correctement pensés, que la famille de la gestatrice comme les parents intentionnels sont solidement accompagnés, les choses se passent bien pour tout le monde", estime la psychanalyste Geneviève Delaisi de Parseval, auteur de Famille à tout prix (Seuil). Reste à espérer que l'adolescence ne vienne pas troubler cette belle harmonie familiale...


    "Des enfants marchandises"

    Les enfants nés de mère porteuse que L'Express a rencontrés vont bien, semble-t-il. Comme ceux que suit actuellement une équipe de chercheurs britanniques. La GPA ne serait donc pas la "barbarie" que vous dénoncez?

    Sylviane Agacinski : Comme s'il fallait attendre que des troubles psychiques se déclarent pour parler d'éthique et de droit! L'importance du corps de la mère dans le développement de l'embryon n'est plus à démontrer. De même que certaines espèces d'oiseaux apprennent à chanter dans l'oeuf, les enfants enregistrent quantité de choses dès la période prénatale. Comment, dès lors, pourrait-il être sans conséquences qu'un bébé soit porté par une femme qui ne l'attend pas? De plus, le risque est grand que ces enfants se pensent comme des marchandises fabriquées pour être vendues. Enfin, ne nous leurrons pas: les femmes qui acceptent de prêter leur utérus le font pour des raisons économiques.

    Pourquoi ne pas autoriser une femme à porter l'enfant d'une autre si tel est son choix?

    Notre droit et notre civilisation reposent sur la distinction entre les personnes et les biens, qui fonde notamment l'interdiction de l'esclavage. C'est parce que le corps de la femme n'est pas un instrument de travail ni une marchandise que la maternité pour autrui est interdite en France, comme dans la plupart des pays d'Europe. Une femme qui accepte une GPA consent à sa propre instrumentalisation. Or la loi a, aussi, pour fonction de protéger les individus contre des marchés dégradants et contre leur autoaliénation.

    Ne pourrait-on pas tolérer la GPA dans des cas exceptionnels, comme on le fait déjà avec le don d'organes entre êtres vivants?

    La demande d'enfant, en passe de devenir un véritable "droit" à l'enfant, n'est pas une urgence thérapeutique qui autoriserait à utiliser pendant neuf mois les organes d'une femme -une aliénation biologique sans précédent! Il y a là une question d'éthique. L'enjeu, dans ce débat, est le statut même de l'être humain. Il nous appartient de tracer la frontière entre ce qui est humain et ce qui ne l'est pas.

    Par l'Express

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    • #3
      Si cette aberration se dévelope ? l'inceste a un boulevard devant lui.:22:

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