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La méconnaissance de la théorie de l’évolution des étudiants en biologie

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  • La méconnaissance de la théorie de l’évolution des étudiants en biologie

    Mais qu’apprennent-ils donc avant le bac? Un questionnaire anonyme diffusé trois années durant (de 2005 à 2008) auprès de 1134 étudiants en première année de licence de biologie de l’université d’Orsay (Essonne) révèle l’ampleur de leur méconnaissance de la théorie de l’évolution.

    Interrogés de trois à six mois après leur entrée à l’université, ils sont encore 12% à refuser de placer l’homme dans le règne animal. Plus de 9% récusent que toutes les espèces vivantes connues aient un ancêtre commun. Et près de 12% ne conçoivent pas que plusieurs espèces d’hommes aient pu coexister. Admettons qu’ils n’aient jamais entendu parler de l’homme de Florès, Homo floresiensis, un hominidé vieux de 18. 000 ans qui n’a été découvert en Indonésie qu’en 2003 . Mais quid de l’homme de Neandertal, Homo neanderthalensis, connu depuis le 19ème siècle?

    Le questionnaire a été imaginé par Dominique de Vienne et Pierre Capy, professeurs à l’université Paris-Sud 11, qui souhaitaient évaluer les connaissances de leurs étudiants avant leur cours intitulé "Diversité du monde vivant et évolution". Les résultats, inquiétants, donnent une idée de l’ampleur de la tâche des enseignants universitaires.

    Hypothèse ou fait établi?

    Pour 32% des biologistes en herbe, pourtant majoritairement dotés d’un bac scientifique, «l’évolution n’est qu’une hypothèse» et non pas un fait établi, 5% étant sans opinion. 20% affirment que l’évolution se déroule «selon un plan préétabli» et plus de 36% ne pensent pas que «l’apparition de la vie sur terre résulte uniquement de processus physico-chimiques». Des points de vue proches de l’Intelligent design, une idéologie religieuse se présentant comme une théorie scientifique et selon laquelle la vie est trop complexe pour ne pas être guidée par une force supérieure.

    150 ans après L’origine des espèces, de Charles Darwin, ils sont 6% des étudiants de médecine d’Orsay à réfuter la théorie. Le pourcentage tombe à 2% chez les biologistes qui sont encore 4% à considérer que «les espèces vivantes sont apparues une fois pour toutes». Un point de vue fixiste, qui n’est plus guère défendu que par les créationnistes, minoritaires certes, mais très offensifs en France en ce moment (1).

    «Sommes-nous si sûrs que des groupes activistes prônant, comme aux Etats-Unis, l’enseignement du créationnisme, ne rencontreraient aucun écho dans notre pays?» s’inquiètent Dominique de Vienne et Pierre Capy, dans un article paru dans Plein Sud, magazine de l’information de l’université Paris-Sud. Ils aimeraient qu’un questionnaire de ce type soit généralisé dans les facultés de biologie françaises et dépouillé avec méthode. Il y aurait urgence à prendre la mesure du phénomène.

    Dépasser les réticences

    «J’ai moi-même utilisé ce questionnaire avec 54 élèves de L2 (deuxième année, premier semestre) à Montpellier, qui n’ont pas forcément encore eu de cours d’évolution mais ‘baignent’ dans des enseignements mobilisant la notion d’évolution» témoigne Marc-André Selosse, professeur à Montpellier-2, chercheur au centre d’écologie fonctionnelle et évolutive. «Notre échantillonnage est plus réduit (en raison des grèves notamment) mais la tendance reste la même qu’à Paris-11: une assez bonne adhésion globale (sauf quelques réticents) mais parmi ceux qui acceptent l’évolution, beaucoup de mauvaises conceptions persistent!(…) A mon avis, c’est la façon d’enseigner l’évolution qui est incriminée».

    A Vaulx-en-Velin (Rhône), deux professeurs, l’un de SVT, l’autre de philosophie soumettent également, depuis 4 ans, leurs élèves de terminales à des questionnaires, avant et après le cours sur les mécanismes de l’évolution. «Nous avons tous les ans entre 30% et 50% d’élèves qui affirment ne pas croire à cette théorie du fait qu’elle contredit leur religion» expliquent Françoise Estèves et Jean-Pierre Dramisino. Les professeurs ont donc choisi de prendre en compte ces résistances, de tenter de les dépasser. «Nous ne pouvons nous contenter d’élèves qui répètent un cours auxquels ils ne croient pas ; nous pensons qu’il y va de la laïcité et de la mission éducatrice de l’école». (lire La riposte s'organise)

    Une enquête, publiée en février 2009 dans Sciences et Avenir, montrait déjà que Darwin et l’évolution étaient de plus en plus contestés dans les écoles de la République. Et que les enseignants étaient démunis face à la montée des questionnements et aux revendications parfois identitaires des élèves. En cause, la faiblesse de l’enseignement de la théorie de l’évolution dans le second cycle, mais aussi la formation déficiente des maîtres (cf Les enseignants aussi!). Il y a une lacune en épistémologie, la partie de la philosophie qui étudie l’histoire, les méthodes et les principes des sciences. Elle permet pourtant d’expliquer clairement en quoi les sciences diffèrent radicalement des croyances. Le b-a-BA pour un enseignement du vivant que Marylin Coquidé, de l’Institut national de la recherche pédagogique (INRP) estime «semé d’embûches».

    Les enseignants aussi!

    «Ces résultats sont aussi intéressants qu'inquiétants et concordent pour l'essentiel avec les nôtres sur des enseignants français» commente le biologiste lyonnais Pierre Clément, auteur d’une enquête auprès de professeurs de 19 pays (Europe, Moyen-Orient, Afrique) (2).
    «Les 2% d’étudiants qui pensent que la théorie de l'évolution a été réfutée correspondent tout à fait aux 2% à 4% d'enseignants français (y compris de biologie) qui ont donné des réponses créationnistes radicales à notre questionnaire: ce qui est effectivement bien moins que dans les 18 autres pays concernés par notre recherche. En revanche, quand on a exploré plus précisément les conceptions des enseignants sur les processus de l'évolution, on a eu des résultats beaucoup plus inquiétants: plusieurs de ceux qui adhèrent à l'évolution conservent des positions finalistes, adhèrent à des thèses proches de l'Intelligent Design, et expriment des réticences importantes quand au rôle du hasard.»

    (1) Lire à ce sujet l’enquête de Cyrille Baudouin et Olivier Brosseau, «Les créationnismes. Une menace pour la société française ? » Editions Syllepse.
    (2) Les convictions créationnistes et/ou évolutionnistes d’enseignants de biologie: une étude comparative dans dix-neuf pays. (www.nss-journal.org)

    Par Rachel Mulot Sciences-et-Avenir.
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