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CHU d'Oran: Chronique d'une mort annoncée

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  • CHU d'Oran: Chronique d'une mort annoncée

    Il est triste et affligeant de constater le mauvais état de santé d'un CHU comme c'est le cas du CHU d'Oran.
    Il y a bien sur plusieurs facteurs qui en sont la causes, de graves dysfonctionnement internes, un laisser aller perpétuel, manque de moyen, manque de gouvernance. Une fatigue chronique du personnel face à tous les problèmes auquels ils doivent faire face. N'y a t'il pas aussi une volonté de saborder l'etablissement public pour le diriger vers le privé et les malades dans tous ça, ne sont ils pas les premiers à souffrir de tout celà?

    ===

    S’il est un fait sur lequel tout le personnel hospitalier du CHU d’Oran est d’accord, c’est l’état de déliquescence avancé auquel l’hôpital est parvenu en un peu plus d’une décennie. Du simple ouvrier polyvalent au directeur général lui-même, en passant par l’interne, le chef de service, l’infirmier, la femme de ménage…, tous les travailleurs reconnaissent que l’hôpital d’Oran souffre de sérieuses anomalies qui compromettent jusqu’à sa capacité à prendre en charge ses malades. «De graves dysfonctionnements, une gestion catastrophique, 110 milliards de dettes, un personnel qui n’hésite pas à ‘‘piquer’’ dans les cuisines, des salariés qui touchent leur rémunération sans contrepartie aucune, d’importants prêts [de 100 000 à 600 000 DA] accordés à des travailleurs et non remboursés, des détournements de malades et de médecins vers le secteur privé […]», tel est l’effrayant état des lieux dressé par le professeur Abderrahmane Attar, DG du CHU, lors d’une conférence de presse. Il n’est pas jusqu’à Amar Tou, ministre de la Santé et de la Population, qui, au cours d’une visite effectuée en juin dernier, a eu une série de commentaires fort peu amènes à l’endroit de l’établissement et de ses gestionnaires : «Le CHU d’Oran donne le mauvais exemple sur tout […] Un tel laisser-aller est scandaleux […] Des structures délabrées, une hygiène lamentable et des conditions de fonctionnement dérisoires. C’est un bidonville !» Quant à l’opinion des premiers concernés, c’est-à-dire les malades, elle est d’une simplicité lapidaire : «Il vaut mieux ne pas avoir affaire à l’hôpital, c’est un mouroir.» Et ce n’est pas la jeune femme brûlée, transférée en urgence de Mostaganem vers le CHU d’Oran l’été dernier, qui pourra dire le contraire. Elle est décédée dans l’ambulance même, à cause d’un malheureux télex…

    Anomalies au long cours


    Depuis le milieu des années 1990, aucun directeur général du CHU d’Oran n’a agréé les syndicats, pourtant élus et composés de travailleurs, ni réussi à freiner la descente aux enfers de cet établissement (supposé à rayonnement régional). On se souvient du bras de fer qui avait opposé la directrice Remaoune (unique femme nommée à ce poste) au personnel hospitalier et au Conseil scientifique qui réclamait son départ malgré l’appui inexplicable du ministre de la Santé de l’époque, Yahia Guidoum.
    Le bras de fer a duré plusieurs mois, au grand dam des malades et des simples travailleurs qui assistaient à la déliquescence de l’hôpital sans avoir leur mot à dire.

    La directrice a fini par être remplacée mais les problèmes n’ont pas pour autant été réglés…

    Tous les directeurs qui ont suivi (une vingtaine environ) ont eu maille à partir avec les syndicats, les professeurs, les maîtres-assistants ou les chefs de service. Aucun d’entre eux n’est parvenu à s’imposer dans un milieu où chacun tente de préserver sa part du gâteau. Ce dernier représente 350 milliards de centimes alloués annuellement (le plus important budget accordé à un établissement hospitalier sur le territoire national) : «Ici, chacun des pontes défend ses plates-bandes et n’accepte pas que quelqu’un d’autre vienne y mettre de l’ordre», explique un infirmier qui donne une pléthore d’exemples, difficilement vérifiables, sur ces pratiques scandaleuses, à la limite criminelles, qui se seraient installées et fortifiées depuis de longues années. Dans cette situation, clientélisme, piston et corruption sont, évidemment, les maîtres mots dans toute discussion portant sur le CHU d’Oran.

    Et l’absence d’une réaction ferme du ministère de tutelle, pour sauvegarder les intérêts du malade et mettre fin aux prestations tardives et médiocres pour cause de moyens, aux conditions d’hébergement catastrophiques, aux successions de scandales qui vont des vols de denrées alimentaires, de matériel, de médicaments jusqu’aux enlèvements de bébés dont le dernier a été médiatisé, mais sans grande conséquence sur le fonctionnement de l’hôpital.

    Aujourd’hui, on peut mourir dans une ambulance -et dans l’anonymat– par le fait d’une bureaucratie qui refuse votre prise en charge dans un pavillon ou se jeter du deuxième étage parce que personne ne se soucie d’alléger votre souffrance.

    Les pavillons peuvent aussi brûler et les archives partir en fumée, sans que cela suscite autre chose qu’un dépôt de plainte contre X.

    Soubresaut syndical et rumeurs


    De fait, depuis quelque temps, les syndicalistes de l’UGTA pointent un doigt accusateur vers le directeur général qui «gère l’hôpital comme une propriété privée, prenant des décisions unilatérales et arbitraires, ne se souciant aucunement d’associer les partenaires sociaux».

    A ceux, et ils sont nombreux, qui attribuent cette soudaine grogne à l’amertume provoquée par le gel des œuvres sociales en mars dernier, un responsable de l’UGTA réplique «que la justice sera saisie et toutes les responsabilités seront déterminées […] Ce qui compte pour nous c’est de mettre un terme à cette situation catastrophique». Peu après sa prise de fonction, il y a près d’une année, le professeur Attar avait, en effet, bloqué le compte des œuvres sociales dont le budget annuel avoisine le milliard et demi de centimes. De quoi attiser, convenons-en, bien des convoitises…

    «Contrairement à ce qu’on peut penser, continue le responsable de l’UGTA et membre du conseil d’administration de l’hôpital, notre objectif n’est pas de voir partir le DG mais d’engager des discussions pour trouver des solutions concrètes». Lors du sit-in organisé cette semaine par la section syndicale devant la direction du CHUO, les manifestants ont exigé que «cesse la hogra» et que la gestion de l’hôpital soit confiée à un "véritable professionnel". Depuis cette manifestation, le CHU d’Oran vit au rythme des rumeurs les plus folles : départ prochain du DG, préparation de grèves des travailleurs, arrivée prochaine d’une commission d’enquête ministérielle ou de la P.J. suite à la plainte déposée par le DG…, bref, on ne sait plus sur quel pied danser. Et en l’absence d’un signal fort de l’Etat, les choses n’iront qu’en se détériorant chaque jour davantage.

    Engagement ministériel non respecté

    Comment, dans l’état de pourrissement actuel, ne pas s’interroger sur l’étrange silence du ministère et les promesses non tenues de son premier responsable, Amar Tou ? «Nous allons tout faire pour améliorer et changer les choses et l’état du CHU», avait promis le ministre de la Santé lors de sa visite en juin. Six mois plus tard -et des années après d’autres engagements solennels pris par ses prédécesseurs-, aucune amélioration n’a été enregistrée.

    La crainte de voir le CHU d’Oran inscrit prochainement parmi les établissements publics à fermer au profit des centres privés se précise dangereusement pour certains. Les plus pessimistes sont convaincus que la fermeture du CHU est inéluctable et fait partie d’un vaste programme de privatisation des entreprises publiques et, tôt ou tard, l’hôpital d’Oran ne tardera pas à être porté sur le registre de décès des établissements publics. «C’est la seule raison qui pourrait, éventuellement, expliquer le silence du ministère. Le CHU agonise, et les cliniques privées naissent un peu partout.» Selon une source crédible, pas moins d’une trentaine de cliniques privées auraient, en effet, ouvert leurs portes ces dernières années à Oran ; certaines se partageant presque le même espace géographique, à l’image des trois établissements situés dans le rond-point Nekkache (justement du nom de l’une de ces cliniques).

    Et le DG du CHU l’a confirmé lui-même : «Des malades et des compétences sont détournés vers le privé.» Au rythme où évoluent les choses, l’année 2006 risque d’être funeste pour le CHU d’Oran qui est né, rappelons-le, en 1877. A moins d’un retournement de situation et d’une sérieuse reprise en main d’une tutelle, jusque-là un peu trop silencieuse…

    Source: La Tribune
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