Annonce

Réduire
Aucune annonce.

Ahmed Ouaguenoune, organisateur de la manifestation du 1er Mai 1945

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • Ahmed Ouaguenoune, organisateur de la manifestation du 1er Mai 1945

    Du village Adrar, près de Tamgout, commune d’Aghribs, à La Casbah en passant par la France où il a émigré et milité, c’est tout l’itinéraire d’un militant de la première heure et une tranche de vie du mouvement national qui ont été évoqués à travers Ahmed Ouaguenoune au cours de la première des trois parties du colloque sur le mouvement national qu’organise, à Tizi, Alger, Aghribs et au village Adrar, l’association culturelle Ath Koudhia les 29 et 30 à la maison de la culture Mouloud-Mammeri de Tizi-Ouzou, les 3 et 4 juillet à l’hôtel Safir (Alger), le 5 du même mois à Aghribs et le lendemain à Adrar, village natal de ce grand patriote oublié par les siens.

    Né en 1904 au village Adrar, Ahmed Ouaguenoune adhère à l’Etoile nordafricaine en 1936 selon certains, d’autres le donne parmi les fondateurs de cette très célèbre organisation nationaliste créée à Paris en 1926 autour de Hadj Ali Abdelkader sous les auspices du parti communiste français avant de s’en éloigner quelques années plus tard avec, à sa tête, Messali fortement influencé par Chakib Arslane. Ahmed Ouaguenoune aurait été envoyé de la France vers Alger par le PPA clandestin, successeur de l’ENA dissoute par les autorités coloniales, spécialement pour renforcer les rangs du mouvement et préparer les manifestations du 1er Mai 45 à Alger. Il aurait été à la tête du cortège de manifestants partis de La Casbah pour faire jonction avec l’autre, conduit par Ahmed Zabana, venant de Belcourt que les forces de répression avaient tenté de bloquer au niveau de l’actuelle place Emir, d’un côté, et du commissariat central de l’autre. On eut à déplorer respectivement 3 et 5 morts, des dizaines de blessés et des centaines d’arrestations, indique, dans son intervention, Salem Ramdani qui était parmi les manifestants, et citant entre autres militants arrêtés et sauvagement torturés Ahmed Ouaguenoune décédé quelques semaines après sa libération.

    Ce conférencier de 83 ans rappelle que la boutique ouverte à la rue Boutin, dans La Casbah, par Ahmed Ouaguenoune et sa femme française avait servi de boîte aux lettres au PPA clandestin et de lieu de transit à certains militants du parti. Ce martyr était, selon le conférencier, parmi les partisans de l’Algérie algérienne opposé, comme beaucoup d’autres dont il citera les noms, à la notion de l’Algérie arabe adoptée par la majorité de la direction du parti lorsqu’il était question de définir l’identité du pays.

    A ce propos, les opposants, indique-t-il, faisaient une nette distinction entre l’arabité et l’islamité de l’Algérie, refusant l’une au profit de l’autre, soulignant que l’islam n’a jamais changé le nom, la couleur ou la langue de ceux qui l’adoptent, contrairement à ce que soutiennent les partisans de l’arabité de l’Algérie. La crise de 1949 serait due à cette conception différente de l’identité nationale, elle est, surtout, la conséquence de l’intolérance et de la violence exercées par la direction du parti contre les opposants d’après ce conférencier qui n’a pas raté l’occasion d’énumérer la liste des militants victimes de leurs compatriotes avant et pendant la guerre de Libération, appelant les jeunes générations à les réhabiliter.

    Le rôle joué par Ali Ouguenoune est évoqué par Hocine Aït Ahmed dans Mémoires d’un combattant, Benjamin Stora dans un de ses ouvrages et par Krim Belkacem et Ouamrane qui transitaient par sa boutique de la rue Boutin. Si Ouali Aït Ahmed, le 2e conférencier, évoque en guise d’introduction, son passage du lycée au maquis en 1958, traversant les PC de l’ALN pour, enfin, faire partie de la commission mixte de cessez le feu. Lui, il ne connaît pas Ahmed Ouaguenoune, il en parle d’après Ali Ouguemoun, un moudjahid comme lui, qui l’a connu de très près parmi les fondateurs de l’ENA créée, dit-il, par les émigrés en France et les Algériens incorporés dans l’armée française qui, au contact de la société française, des partis politiques et syndicats français ont assimilé rapidement les méthodes d’organisation et de revendication et tireront les enseignements des 105, 160 ou 250, selon divers historiens, insurrections jalonnant l’occupation coloniale française de notre pays. Il signale au passage l’élaboration, dans le sillage du nationalisme naissant, du chant patriotique «Chaque peuple a besoin de liberté, chaque peuple à besoin d‘unité…» de Mohamed Benhannafi pour marquer l’éclosion de la ferveur patriotique parmi les émigrés.

    Evoquant l’amazighité de l’Afrique du Nord, de l’Egypte jusqu’au Maroc et la Mauritanie et les parties nord des pays voisins de l’Afrique Noire, trouvant tout à fait absurde qu’on veuille nous changer d’identité. Il rappelle les efforts déployés par l’occupant français, après l’insurrection de Cheikh El- Mokrani, pour arabiser les régions berberophones. Abondant dans le même sens que Salem Ramdani sur l’identité nationale, il cite les propos écrits par Ferhat Ali, un autre nationaliste de la première heure, sur son lit d’hôpital, disant que «le parti du peuple kabyle n’a jamais existé, l’Algérie ne sera ni kabyle ni arabe, elle sera tout simplement algérienne», jetant déjà les bases identitaires de la future Algérie indépendante. Soulignant, par ailleurs, la participations des Européens chrétiens et juifs, membres du Parti communiste algériens, à la lutte de libération nationale, dont il cite quelques noms parmi ceux tombés au champ d’honneur, il s’étonne que l’on cherche à leur dénier le droit d’être algériens à part entière sous prétexte qu’ils ne sont pas musulmans. L’Algérie était à l’époque, rappelle-t-il, celle de tous les Algériens. A travers ce colloque sur l’un des nombreux précurseurs du mouvement national enfanté par la Kabylie, l’association Adrar Ath Koudia apporte sa contribution à l’écriture de l’histoire par ceux, encore en vie, qui l’ont vécue en tant qu’acteurs. Une écriture hors des canaux idéologiques officiels qui rend compte de la situation réelle du mouvement national ainsi que du rôle joué par chaque militant et chaque région du pays dans la résurgence de la nation algérienne libre et indépendante.

    L’association montre la voie à suivre par le mouvement associatif dans ce domaine mais pas uniquement, car elle a à son actif d’autres succès tels que la procession de chorales féminines de 1994 à ce jour dont l’une a décroché le 2e prix lors du festival national des chorales. Elle a également un magnifique petit orchestre, par le nombre, mais performant au vu de la prestation donnée le lundi 29 juin à la maison de la culture en prélude au colloque sur le mouvement national. Rabah Ibouchouken, animateur de l’orchestre et de la chorale, a laissé une très bonne impression chez l’assistance. Maçon de son état, ce dernier n’a, à notre humble avis, rien à envier aux artistes professionnels.

    Par Le Soir
Chargement...
X