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Tarik Mira Pour la mémoire du Colonel Mira, Tigre de la Soummam

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  • Tarik Mira Pour la mémoire du Colonel Mira, Tigre de la Soummam

    Je cesserai mes recherches quand je saurai que l’Etat algérien a fait une demande officielle à l’Etat français

    «Il fallait restituer la place des acteurs avec leurs forces et leurs faiblesses, dans leurs connivences ou dans leur pureté.» Benjamin Stora à L’Expression le 2 février 2008. Le colonel Abderrahmane Mira est tombé à la suite d’un guet-apens tendu le 6 novembre 1959, vers 16 heures de l’après-midi, au sud des villages Aït Henni et Aït M’quedem, à l’intersection de deux oueds.
    Les deux premiers villages ne sont pas loin d’un autre, Aït Anane, d’où est originaire son jeune escorte, Yatta Mouloud. Cet ensemble de villages se trouve à la périphérie du col de Chellata et du village du même nom et surtout du PC Artois, d’où est dirigée l’opération «Jumelles», commandée par le général Maurice Challe.

    En faisant des recherches pour les besoins de l’édition d’un livre sur la vie et l’engagement de son père, Tarik Mira tombe sur la photo du lieu précis où est tombé le tigre de la Soummam. Ce souvenir iconographique a été enregistré par les soldats de la 1re compagnie du 2e Rima (Régiment d’infanterie marine aéroportée), commandé par le capitaine Alphonse Treguere, en guise d’immortalisation de leur «succès». En quête d’informations sur le lieu de la sépulture de son père, Tarik Mira livre les secrets ayant devancé et suivi la mort du héros de la Soummam.

    L’Expression: Peut-on connaître les circonstances dans lesquelles est tombé au champ d’honneur le colonel Mira?

    Tarik Mira: Mon père est arrivé en début d’après-midi au village d’Aït M’quedem après avoir fait une halte à Aït Anane en provenance probablement de Bouchibane, localité de Ouzellaguène, plus à l’Est. Il était accompagné d’un petit groupe composé de pas plus de sept éléments. Je suis en train de reconstituer cette équipe dont un seul membre a survécu à cet événement.
    Vers 15h30, il a laissé une partie de son escorte à Aït M’quedem, dont le garde du corps, le lieutenant Ziri Mohand Saïd, pour se rendre à Meliha, un village en septentrion par rapport aux premiers cités. Il était accompagné de Yatta Bachir, dit Mouloud Chef Nidham, d’Aït Anane tué plus tard au village de Tizi N Slib sur les hauteurs d’Akbou. Bien que l’opération «Jumelles» tirait à sa fin, les embuscades de l’armée française demeuraient nombreuses.
    L’une d’elles, probablement sur renseignement, a eu raison de mon père et de son jeune compagnon ce jour-là. Je dis un renseignement car ainsi a été présentée cette «prise» par Claude Paillat dans Les dossiers secrets de la guerre d’Algérie.

    En 1986, Hocine Aït Ahmed m’avait fait part d’un déjeuner avec un général français à la retraite, qui lui avait dit que «Mira a été abattu sur renseignement». Enfin, un colonel français à la retraite, Léon Georgescu, avec lequel je corresponds, soutient que le déplacement du capitaine Treguere sur le terrain pour cette opération indique que «l’exploitation du renseignement» doit être maîtrisée. Quant au témoignage du soldat Pierre Dufeu: Henri Le Mire: Histoire militaire de la guerre d’Algérie, il ne confirme pas cette version.

    Ce soldat, qui a participé à l’opération, soutient le fait du hasard. La réalité est qu’un soldat ne peut avoir à son niveau un tel renseignement. Le déplacement de mon père vers cet endroit avait pour objectif de réorganiser le secteur et d’encourager la population à résister. Vingt jours auparavant, L’Echo d’Alger, dans son édition du 15 octobre 1959, a signalé qu’Abderrahmane Mira, accompagné de 150 djounouds, est en tournée de propagande au village de Taourirt Ali ou Nasser, dans le versant nord du Djurdjura.

    Selon certains dires, le colonel Mira aurait été enterré à la caserne de Bougaâ à Sétif?

    C’est mon frère Smaïl qui avait reçu deux témoignages concordants de personnes différentes qui prétendaient que Mira Abderrahmane a été enterré à la caserne de Bougaâ. L’une d’elles affirmait avoir participé à son ensevelissement effectué de nuit. Les deux témoins ont disparu maintenant.
    Je ne les ai jamais rencontrés. Ils étaient prisonniers dans cette caserne. Naturellement, on ne leur a pas révélé l’identité de la dépouille mortelle. Ces deux civils avaient reconnu le visage de mon père malgré les blessures infligées au niveau de sa bouche par la grenade «lance-patates» tirée sur lui.

    Pourquoi, éventuellement, à la caserne de Bougaâ et non pas celle d’Akbou où sa dépouille avait séjourné et reçu les lavements et les honneurs militaires?
    J’ai une seule piste d’explication: l’éloigner de sa zone d’origine pour que cela ne devienne pas un lieu de culte. Même à Bougaâ, qui fait partie de la Wilaya III (historique), il ne faut pas oublier, selon ces deux témoignages à prendre en considération, qu’il aurait été enseveli clandestinement et en nocturne.

    Que ressentez-vous quant à l’inexistence d’une sépulture pour votre père?

    Je n’ai gardé aucun souvenir du vivant de mon père. J’avais deux ans à sa mort. Je ressens un peu moins douloureusement cette peine que mon frère aîné qui, lui, l’avait bien connu. Aussi, cela a été un immense chagrin pour ma grand-mère et ma tante paternelle, qui ont perdu l’une et l’autre les deux seuls garçons de la fratrie (Abderrah-mane et Amar), et ce sans sépulture pour chacun d’entre eux.

    Sur le plan psychologique, les festivités en l’honneur de mon père estompent quelque peu l’absence de tombe. Les psychologues soutiennent que le deuil n’est définitivement terminé que lorsqu’une tombe est visible.

    A qui imputez-vous le fait de l’inexistence de cette tombe?

    Il semble qu’au moins quatre dépouilles mortelles de grands officiers (chefs de wilaya historiques) ont été séquestrées. Dans l’ordre chronologique: les colonels Amirouche (Wilaya III), Haouès (Wilaya VI), Si M’hamed (Wilaya IV) et Mira (Wilaya III), tombés au champ d’honneur respectivement au mois de mars pour les deux premiers, au mois de mai pour le deuxième et, enfin, au mois de novembre pour le dernier. Tous sont tombés les armes à la main la même année. Y a-t-il un lien avec cette période, l’an 1959 qui est l’année de l’intensification du Plan Challe?

    L’armée française est la première responsable pour n’avoir pas restitué les corps aux familles. Ensuite, la faute incombe à l’Etat algérien de n’avoir pas fait des recherches en direction de la France.

    L’épisode des dépouilles des colonels Amirouche et Haouès, retrouvées au lendemain de l’Indépendance et puis séquestrées par l’Etat algérien durant 20 ans, est significatif d’un état d’esprit que nous espérons avoir disparu. C’est grâce à mes connaissances en France que j’ai entamé des recherches.
    J’ai réussi à remonter jusqu’au capitaine Treguere, aujourd’hui colonel à la retraite en Bretagne qui, malheureusement, ne veut plus entendre parler de cette affaire, selon ses propres dires. Il m’a quand même remis, par l’entremise de René Rouby (instituteur aux Aït Yenni, enlevé par l’ALN en représailles en janvier 1959, libéré cinq mois après par Abderrahmane Mira), les photocopies des documents retrouvés dans la sacoche de mon père le jour de sa mort.

    J’ai d’autres pistes. Je pense arriver bientôt à un résultat. Au-delà de la quête du corps, je privilégie aussi l’enquête. Je voudrais reconstituer avec minutie la dernière journée de vie de feu mon père. J’y arriverai.

    Que préconisez-vous pour retrouver les ossements de votre père?

    Je cesserai mes recherches quand je saurai que l’Etat algérien a fait une demande officielle à l’Etat français et que je sois définitivement édifié sur le résultat.

    Que feriez-vous des ossements du colonel Mira une fois trouvés?

    Je ne serai pas seul à décider car il y a mon frère, ma soeur et deux de mes neveux. Si j’ai à décider seul, je souhaiterais qu’il soit enterré au cimetière des chouhada de Tazmalt ou dans son village natal, Taghalat, qui a donné 119 martyrs à l’Algérie.


    Par l'Expression
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