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Autisme: le packing, un traitement qui choque

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  • Autisme: le packing, un traitement qui choque

    Le calme règne derrière les portes du service de psychiatrie pour enfants du CHRU de Lille (Nord). C'est un habitué que l'équipe reçoit en ce 4 juin dans la chambre du fond, exclusivement dédiée au packing, un traitement très controversé de l'autisme.

    Alexis, 7 ans, saisit la main qui se tend et grimpe d'un bond sur le lit. Comme chaque jeudi, depuis huit mois. Debout dans son short de bain, potelé comme un nourrisson, il se campe sur ses jambes sans regarder personne. Prêt pour la manoeuvre. Avec ce garçon fonceur, tout, dans la vie, doit s'enchaîner très vite, sous peine de colères inextinguibles. Les quatre soignantes déplient de grandes serviettes mouillées à l'eau froide qu'elles étendent sur le matelas avec des gestes précis de femmes de chambre. Puis l'une d'elles se place à la tête du lit et donne le signal : "On y va, Alexis?" En deux temps trois mouvements, voilà l'enfant emmailloté jusqu'au cou dans un cocon glacial, doublé d'une alèse imperméable et d'une couverture. Immobile sur sa couche, les yeux grands ouverts, il ressemble à une momie tirée de son sommeil éternel.

    Une pratique qui fait la polémique

    La pratique paraît étrange. Importé il y a plus de vingt ans des Etats-Unis, où il n'est plus guère utilisé, le packing s'est enraciné en France, sans bénéficier pour autant d'une grande renommée. Les pédopsychiatres le réservent généralement aux enfants les plus perturbés. Son principe repose sur le saisissement produit par le contact avec les linges froids puis l'apaisement procuré par le réchauffement progressif du corps. Les médecins constatent que l'agressivité de leurs patients diminue au fil des séances. Ils cesseraient de se frapper ou de se mordre. Depuis toujours, la technique suscite la méfiance des parents, auxquels elle évoque la camisole de force. Mais ces dernières semaines, le ton s'est brusquement durci du côté de leurs associations.

    La dernière-née et la plus virulente, Léa pour Samy, réclame en effet un moratoire sur cette méthode "barbare et archaïque", affirmant qu'elle "relève de la torture". Les pédopsychiatres ont répliqué par une tribune dans le quotidien Le Monde, signée de Caroline Eliacheff, une figure de la profession, accusant le camp d'en face "d'user et [d']abuser de la désinformation et de la calomnie". Un air de déjà-vu... Depuis trois générations, les enfants autistes font l'objet de batailles entre psychanalystes et neurobiologistes, sans que leur tendance au repli sur soi ait jamais trouvé une explication convaincante. La hache de guerre est, encore une fois, déterrée.

    Au ministère de la Santé, le malaise est palpable. Selon nos informations, Roselyne Bachelot a choisi de botter en touche, chargeant le Haut Conseil de la santé publique de vérifier si le packing peut présenter un danger pour les enfants. Et la secrétaire d'Etat chargée de la Solidarité, Valérie Létard, a annoncé, le 28 mai, son intention de le bannir des établissements non-hospitaliers. Les échos de ce vacarme ne parviennent qu'étouffés jusqu'au CHRU de Lille, le berceau français du packing, où le programme des enveloppements - pour reprendre le terme francisé - se poursuit.

    Contesté par les uns, approuvé par les autres

    Que se passe-t-il pour Alexis, l'habitué des lieux, maintenant qu'il est "enveloppé" ? En quelques minutes, sa température cutanée chute de 36 à 33 degrés. Impassible, il fixe le plafond, puis le mur. Tout à coup, il éclate de l'un de ses rires forcés qui lui tiennent lieu de langage. De longues minutes s'écoulent avant qu'il tourne la tête vers Johanne Delorme, la psychomotricienne assise à son chevet, et plante ses yeux dans les siens, pour la première fois depuis le début des opérations. L'adulte et l'enfant entament alors une curieuse forme de dialogue, qui se poursuivra pendant trois quarts d'heure. Alexis pousse un long soupir, Johanne aussi. Il lâche un hennissement, son cri d'animal préféré, elle y répond. En temps normal, de tels échanges se révèlent impossibles, tant l'agitation d'Alexis est grande. D'ailleurs, à peine rhabillé, il fonce aussitôt vers la sortie, remorquant sa mère, qui esquisse un geste d'au revoir de sa main libre.
    Selon ses parents, Alexis, 7 ans, a beaucoup progressé au fur et à mesure des séances d'"enveloppement"

    Mon fils est content de venir ici"


    Difficile de se faire une opinion à partir d'une seule séance, réalisée dans un contexte idéal avec une équipe expérimentée et un enfant coopératif. Pour la mère d'Alexis, en tout cas, les soupçons de maltraitance ne sont pas fondés. "Mon fils est content de venir ici, au point qu'il met lui-même son maillot dans son sac", note-t-elle. A ses yeux, seuls les résultats comptent. Elle juge Alexis plus calme, en dépit de l'arrêt des médicaments psychotropes - sa priorité. Il articule ses premiers mots. Mais peut-on attribuer ces progrès au packing, alors que des éducateurs lui enseignent en même temps le Pecs (Picture Exchange Communication System), un système de communication simplifiée fondé sur des pictogrammes ?

    Pour les autorités sanitaires, l'efficacité du packing n'est pas la question prioritaire. Elles veulent d'abord s'assurer que les enveloppements se déroulent dans les conditions de sécurité requises. Car, çà et là, des pratiques aberrantes sont signalées: les serviettes mouillées placées au congélateur, alors qu'elles doivent rester à température ambiante, des séances prolongées au-delà du raisonnable, des parents avertis seulement après coup, au motif qu'il fallait faire face à un soudain accès de violence. " Nous avons recueilli suffisamment de témoignages concordants pour penser que ces abus ne relèvent pas de simples rumeurs", assure-t-on au secrétariat d'Etat chargé de la Solidarité.

  • #2
    Le statut de l'autisme remis en cause

    Les militants anti-packing, eux, jugent le mal bien plus profond. Même appliquée dans les règles, la méthode est entachée du péché originel : ses fondements psychanalytiques. Son théoricien, le Pr Pierre Delion, chef du service de psychiatrie de l'enfant au CHRU de Lille, n'en fait pas mystère. "L'enveloppement vise à rassembler le corps du jeune autiste, qui manque de contenance, explique-t-il. Il s'agit de lui procurer un sentiment sécurisant d'unité, au lieu de la sensation angoissante d'être en plusieurs morceaux." Ce langage hermétique symbolise, dans l'esprit de nombreuses familles, le combat d'arrière-garde mené par certaines équipes médicales considérant encore l'autisme comme une maladie de l'âme. L'Organisation mondiale de la santé l'a pourtant classé parmi les troubles d'origine neurobiologique. " Jusqu'à quand va-t-on traiter les autistes comme des fous en France, alors que le reste du monde les reconnaît comme des personnes handicapées ayant besoin d'une éducation adaptée?" s'indigne M'Hammed Sajidi, le président de Léa pour Samy.

    Faut-il jeter le packing avec l'eau du bain psychanalytique ? Se garder la possibilité de l'utiliser en dernier recours, pour éviter l'usage de psychotropes ? Encore faudrait-il, pour cela, que ses bénéfices soient démontrés. Il faudra attendre encore... trois années au moins. Le CHRU de Lille vient tout juste de lancer un essai clinique dans ce but. 162 enfants devraient y participer. A condition que les pédopsychiatres parviennent à restaurer la confiance avec les parents.

    Une maladie mal connue


    1 enfant touché sur 150, soit 108 000 en France.Parmi les signes révélateurs : l'indifférence à autrui, l'évitement du regard, les gestes répétitifs et stéréotypés, les anomalies de langage, l'aversion marquée au changement. En l'absence de traitement, beaucoup d'attentes vis-à-vis des nouvelles méthodes proposant un programme éducatif spécialisé, comme Teacch ou l'ABA.

    Par l'Express

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