Annonce

Réduire
Aucune annonce.

Aquila, bons baisers de l'épicentre...

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • Aquila, bons baisers de l'épicentre...

    Par Dominique Conil .

    Ce sera un G8 très simple. A la rude, dans une caserne. Un G8 de crise qui pour débattre, entre autres, des nouvelles règles de l’économie mondiale, s’ouvre le 8 juillet à L’Aquila, 72.000 habitants, 58.000 sinistrés depuis le tremblement de terre du 6 avril. A 300 mètres de la caserne, les premières tentes bleues. Sous lesquelles, entre épidémies de gastro entérites, cas apparus de tuberculose et ennui mortel, on s’interroge aussi sur les règles économiques, et celles qui régissent les vies humaines. « Promesses, mensonges, télévision », proclame une banderole.
    Ouvrant les festivités, Silvio Berlusconi déclare aujourd’hui- annonce presse depuis la fameuse caserne de Coppito - que l’Aquila, « capitale de la douleur, deviendra capitale du monde ».On peut considérer qu’il y a du progrès, en avril n’invitait-il pas les sinistrés ( n’évoquons pas les 299 morts)à faire preuve d’immédiate résilience, et à prendre tout ça comme « un week-end de camping ».
    Encore une gaffe du cavaliere, a commenté, à l’unisson, la presse internationale. (Il serait temps, bien au contraire, de constater que le cynisme affiché,l’indifférence revendiquée, qui font appel au plus petit dénominateur commun sont un socle, et non des bavures, mais autre débat).

    Le week-end dure maintenant depuis trois mois. On a annoncé que les sinistrés ne passeraient pas l’été sous la tente, oh non. On indique maintenant qu’ils n’y passeront pas l’hiver, sûr de sûr ( l’Aquila, Hemingway la trouvait cool en pleine canicule, c’est la ville la plus froide d’Italie). Présentement, elle est à plus trente en journée – sortie rapide des tentes où l’on s’entasse, au matin – et très, très fraîche, la nuit.
    Depuis mai, les habitants manifestent, parviennent à se réunir, alors que le quadrillage de sécurité, assuré par l’armée et la police, ne les y encourage pas. On s’embête dans les camps et les hôtels-ghettos réquisitionnés, ça donne des banderoles créatives, des propos acerbes. « Ce tremblement de terre est de droite », dit Roberto, physicien au labo de SanGrasso. « Forts et gentils, oui ( référence à une déclaration de Berlusconi), naïfs ? Non », proclame un calicot. A Rome, les réfugiés en colère : « Yes, we camp ! »
    Et donc : « Promesses, mensonges, télévision… »
    Car c’est bien de cela qu’il s’agit.
    Il se pourrait bien que l’Aquila, comme auparavant New Orleans ou le tsunami, illustre ce que Naomi Klein décrit parfaitement dans La stratégie du choc. Le capitalisme du désastre, le cataclysme comme leurre, et bonne occase.
    Vérifiez sur Google. Les articles, les vidéos prolifèrent, puis soudain s’interrompent ( hormis, ces jours derniers, un léger regain d’intérêt G8), à la date du 23 avril.
    Ce jour-là, Silvio Berlusconi annonce que le G8 qui devait se tenir sur l’île de la Maddalena, eden proche de la Sardaigne où il aime à recevoir ses copines et Poutine, ira à l’Aquila.
    L’idée, merveilleusement médiatique, frisant le surréalisme ( la terre s’entête à trembler, on va débattre de la nouvelle économie mondiale sur une ligne de fracture.. des hélicos se tiennent prêts à emporter loin de la secousse les grands de ce monde), est venue d’un conseiller inspiré.
    « Tu pousses un peu », aurait en substance répondu Silvio Berlusconi, avant de réaliser qu’avec tous les ennuis qu’il a en ce moment ), l’Aquila, pourquoi pas ?
    C’est une véritable économie, proclame-t’on, autant de gagné pour les sinistrés. On peut en douter. Un récent article du Monde le rappelle, 350 millions d’euros avaient déjà été engagés à la Maddalena, fin prête en avril.
    Il aura fallu un million d’euros pour retoquer l’aéroclub d’Aquila. Rome pourtant n’est qu’à une centaine de kilomètres.
    Certes, sur place, on fait sobre : un terrain de basket pour Obama, un parcours jogging pour Nicolas, quelques kilomètres de gazon en rouleau pour la déco, un peu de plâtre tout de même, la caserne est secouée, du mobilier mais modeste car on va le redistribuer aux sans-logis ensuite..
    Le 23 avril, l’Aquila disparaît des medias ( étrangers, en Italie, on suit, en tout cas la Reppublica, Il Manifesto, sans compter les associations, les blogs qui se multiplient).
    Et voici un, de blog ( lien ci-dessous) court extrait de epicentrosolidale.org, intitulé depuis l’enfer du camp.
    .« Il fait chaud, trop chaud dans les tentes. Les enfants, les vieux, les malades contraints à l’isolement ne réussiront pas à passer l’été et l’hôpital du camp n’est pas en état de faire face aux urgences. Malgré les climatiseurs, dans les tentes de l’hôpital la température dépasse les 30° et les patients, dont une trentaine de personnes âgées alitées dans les tentes de médecine interne, attendent encore les fournitures d’intégrateurs salins contre la chaleur. Pour aller aux toilettes, ceux qui peuvent se lever doivent sortir de la tente pour atteindre les chiottes chimiques et, sur le parcours, ils risquent de trébucher sur une autre menace : les vipères. Mais ce n’est pas tout : depuis le 20 mai et pour une semaine entière, les examens de tous les patients sont suspendus afin de libérer les aires où devrait être monté l’hôpital de camp du G8. »
    Entre armée et pompiers, les habitants des Abruzzes plébiscitent les pompiers, qui espéraient moyens accrus et matériel neuf, vu l’ampleur du sinistre, n’ont rien vu venir, et continuent de brinquebaler, pour aller chercher, ici ou là , des effets, des biens restés en ville. Car le centre est interdit d’accès. « Etayez ! Etayez ! » , criaient les manifestants de mai. Sous les impeccables tentes bleues – pas un camp de roms, pas Calais – les ouvriers désoeuvrés de l’Aquila ne comprennent pas pourquoi les travaux sont confiés à des entreprises de Milan, Turin, pas à eux. D’autres s’interrogent sur ces « new village », qu’on s’apprête à construire, loin du centre historique, en périphérie, un provisoire qui durera au moins quatre ans, selonGuido Bertolaso, chef de la sécurité civile italienne. Les exemples ne manquant pas, de provisoires à un quart de siècle, ni d’expropriations du pauvre logé en centre historique, de "réhabilitations" devenant fructueuses affaires immobilières, on s’inquiète…
    On a tort, on a tort : allons, Angela Merkel s’en ira rendre hommage au village martyr d’Onna, et Barack Obama ira se recueillir à l’église de Paganica, durement touchée…mais en réconstruction.
    Depuis Gênes , en 2001, ratonnades policières , un manifestant tué d’un tir policier, les G8 affectionnent nid d’aigle et lieu retiré. Silvio Berlusconi l’a déclaré, les altermondialistes n’oseraient quand même pas se pointer à l’Aquila, avec tout ça. Ils semblent tout prêts à oser.
    Même si depuis un mois ils sont décrits, à usage Aquiléen, comme les brigades rouges, le retour.
    Même si l’Italie vient – hop, suffisait d’y penser – de suspendre les accords de Schengen jusqu’au terme du G8. Pas de libre circulation des citoyens européens.
    Après, c’est tourisme, et bonnes vacances.
    Néanmoins, voici ce que rapporte Il Manifesto, propos recueillis lors d’une assemblée d’habitants de l’Aquila : « Qu’ils se mettent bien dans la tête que si nos demandes ne sont pas prises en compte, le mouvement s’en prendra inévitablement au G8. Et ce ne sera pas le fait de quelques extrémistes, mais de tous ceux qui ont subi le tremblement de terre ».
    Qu’ajouter ?Il y a des lieux, il y a des moments, où tout semble culminer : le drame, la représentation qu’on en donne,les affaires potentielles, le discours lénifiant.
    On regarde ça comme un film, quand on ne prend pas le plafond sur la tête.
    Alors, un grand merci aux abonnés qui ont attiré mon attention sur l’Aquila, envoyé informations et liens, assuré la traduction…
    « N’attribuez jamais à la malveillance ce qui s’explique très bien par l’incompétence. » - Napoléon Bonaparte
Chargement...
X