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Da Ahcène, la côte kabyle est son fief bleu depuis 30 ans

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  • Da Ahcène, la côte kabyle est son fief bleu depuis 30 ans

    Avec Ahcène Yessad on ne quitte pas la mer sinon on n’est jamais loin de la pêche. A plusieurs dizaines de kilomètres de la Méditerranée, dans sa maison bien en béton à Tizi Ouzou, on se croirait au bord de ses plages amours à Sidi Khelifa, entre Tizi Ouzou et Bgayet.

    Même les bibelots sont inspirés de la mer sans parler de quelques poissons momifiés et accrochés à la soupente de l’une des pièces de la maison et des différents articles de la pêche professionnelle qu’il chérit toujours malgré une semi-retraite forcée.

    C’est peut-être à partir des dons artistiques du personnage Dda Ahcène (pour les proches) que d’autres tendances non moins artistiques ont vu le jour au sein de membres de sa famille.

    Sous le même toit, sa femme tient avec succès un atelier de confection de robes traditionnelles, avec des préférences pour celle de Kabylie et sa fille Nadia concrétise un studio audiovisuel moderne «Yes Productions» avec le concours pratique de papa.

    «Sans initiation théorique il s’en sort avec brio dans beaucoup de domaines qui nécessitent un savoir-faire et des précisions, des amis communs qui ont des diplômes supérieurs au sien lui demandent conseil dans la réalisation de leurs projets, ses mains sont une véritable mine d’or», dira de lui Mohand Akli, l’un des éléments de l’ancienne équipe de copains de jeunesse et de villégiature de M. Yessad.

    Ses récents démêlés avec le maire de Béni Ksila ont été l’occasion pour beaucoup de ses amis et habitants de la commune et d’ailleurs d’énumérer, en guise de soutien et de solidarité, le nombre des personnes et d’animaux qu’il a sauvés d’une mort certaine, de revenir sur ses multiples contributions à l’essor de la famille, des ouvrages navals et de travaux publics et de la mécanique navale dans plusieurs localités côtières de Kabylie.

    Des témoignages d’exploits maritimes et de génie mécanique et génie civil qui s’égrènent sur une trentaine d’années d’histoire d’amour avec la grande bleue. «Le maire de Béni Ksila a détruit mon chalet et le petit jardin et cassé mon Zodiac sous prétexte que j’occupe illégalement depuis une trentaine d’années les 36 m2 mis en cause alors que d’autres sont dans la même situation que moi et que je ne suis pas de la région (!?)», nous dit dépité et stressé M. Yessad, dont l’objet de son dégoût revient telle une ritournelle dans toute discussion.

    A 62 ans, il continue de côtoyer, alerte, la mer comme si pour lui le temps s’est arrêté dès son coup de foudre avec le sable, les vagues, la houle et les poissons il y a plus de trente ans. «J’ai été formé en mécanique navale à Paris au début des années 1970 et vécu près de dix années là-bas ; je venais et repartais, cela dépendait de mes occupations mais, pendant tout ce temps, je n’ai pas rompu avec la mer que j’aime et avec laquelle mille et une chose me lient ; j’ai surtout adoré et adore toujours les plages de Beni Ksila où j’ai passé des moments inoubliables avec ma famille et mes copains, c’est la pêche qui nous unissait !», confie le pêcheur, dont la fréquentation des plages de la côte kabyle est tellement ancienne qu’il a été témoin des circonstances des appellations les plus connues des plages des communes d’Aït Chafaa (Tizi Ouzou) et Beni-Ksila (Bgayet).

    «C’est Jean-Claude Servier, océanographe et universitaire français, qui avait donné les noms de Petit Paradis pour souligner la profondeur idéale pour la nage et les paysages magnifiques environnants ; la Baie des Langoustes (forte présence de cette espèce de poisson) ; la Plage des Monstres, parce que tout ce qu’on mettait à la mer pour pêcher, palangriers et filets, disparaissaient au lever du jour sans explication et la Plage de Chaudira, en référence à un ancien bateau de guerre qui a coulé au large de cet endroit au début du siècle dernier lors d’une bataille entre Anglais et Allemands», témoignent Monsieur et Madame Yessad.

    M. Servier a formé dès 1962 dans la spécialité de la plongée sous-marine beaucoup d’enfants et de jeunes gens de Tizi Ouzou, selon le marin. L’universitaire français connaissait le moindre centimètre de la côte méditerranéenne qui va de Dellys jusqu’à Beni Ksila.
    «Il pouvait vous dire avec précision quel poisson il y avait à tel ou tel endroit de la mer ; il vous demandait quel poisson veux-tu manger, du mérou ? Alors on va à telle place !»

    L’océanologue quitte pour longtemps la Kabylie vers 1990 avant de revenir en 2003 à Beni Ksila. Treize ans après, la plage de Beni Ksila n’est plus la même, des déchets divers emplissent plusieurs endroits, la pollution a touché l’eau et les arbustes alentour. «Servier a pleuré en voyant le désastre causé à la nature et pris des images de la situation». Pas possible de rester insensible, le site est le théâtre des plus beaux moments de la bande de copains de Beni Ksila.

    M. Yessad dit avoir commencé la pêche, «mon plaisir et ma distraction», à la canne au moulinet ; il a fait toutes les plages qui vont de Dellys à Beni Ksila pendant trente ans avec le même groupe, dont deux sont décédés de vieillesse en cours de route, regrette-t-il.

    Tous les week-ends de l’année ils avaient rendez-vous avec la pêche et vers la fin du mois de mai ils s’installaient sous des tentes en famille jusqu’à la rentrée scolaire. A l’époque, le courant électrique ne faisait pas partie du décor, des bougies et par la suite un groupe électrogène donnaient de la lumière la nuit ; «l’endroit était désert, c’était une zone interdite durant la guerre d’Algérie, l’armée française interdisait de franchir la région ; il n y avait pas de route et le pont de Sidi Khelifa n’existait pas encore, c’était seulement à bord de véhicules 4x4 ou de tracteurs que l’on pouvait se risquer à traverser la rivière ; parfois pour notre plaisir, on immobilisait la voiture au milieu de la rivière pour manger quelque chose. Toute la voie entre Azzefoun et Cap Sigli était très difficile d’accès, presque impraticable», racontent M. Yessad et son épouse, qui participait aux parties de pêche. Pourquoi Beni Ksila ?

    Le choix de cette plage repose sur l’expérience de ces marins qui avaient remarqué que cette plage était une zone vierge et poissonneuse. «On a découvert que la région de Beni Ksila était pleine de poissons, à trois mètres de profondeur on pouvait facilement attraper un mérou de 15 kilogrammes ; et chaque week-end [à l’époque c’était le samedi dimanche] on partait dans 3 à 4 véhicules tout-terrain, on était en tout une quinzaine de pêcheurs et chasseurs, cadres ou simples fonctionnaires pour la plupart, on partait le samedi matin et on revenait dimanche après-midi pour reprendre le boulot le lundi après une nuit entière de pêche et de chasse. Nous pêchions du coucher du soleil jusqu’au lendemain matin ; les prises étaient toujours belles : mérou, chien de mer, pagre, dorade, pageot, denté, raie, ange de mer…», se souvient Dda Ahcène, qui rappelle qu’il avait commencé la pêche avec des cannes de bambou et petit à petit le groupe s’est mis au filet et au palangre qui pouvait contenir jusqu’à environ 70 hameçons qu’on mettait à l’eau avec une chambre à air gonflée qui faisait office de barque.

    Avec le temps, la bande de pêcheurs a remarqué que certaines sortes de poissons se raréfiaient parce que, affirme M. Yessad, l’eau était polluée par endroits, il y avait plein de sachets poubelles dans la zone et sur la plage, des bateaux sont nettoyés pas loin de la rive avec des produits polluants… après quelques années de pêche «traditionnelle» on a commencé à moderniser les moyens avec l’introduction du Zodiac, du sondeur et du GPS.

    C’était la quiétude totale : «On laissait nos tentes pendant des jours, des semaines fermées avec la fermeture éclair, jamais il y a eu un vol ou une quelconque violence ou effraction, la sécurité y était totale».

    Rassemblés en familles, la nuit, autour d’un feu de camp, nous dégustions du poisson frais cuit à la braise le tout agrémenté de musique ; l’un des meilleurs moments des sorties de pêche que les Yessad ne sont pas près d’oublier.

    Par la Tribune
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