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L'anarchie des parkings sauvages en Algérie

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  • L'anarchie des parkings sauvages en Algérie

    Une longue file de voitures s’étire sur plusieurs centaines de mètres devant le parking de Tafourah, à Alger. Les automobilistes sont obligés d’attendre qu’une place se libère pour pouvoir garer leurs voitures et aller ensuite vaquer à leurs occupations.Tous les jours que Dieu fait, je suis contraint de faire la queue tous les matins et il n’est pas rare que l’attente dure jusqu’à 2 heures. Les conducteurs que nous avons approchés se plaignent justement du manque de places de stationnement à Alger. “ Tous les matins, je dois faire le tour de la capitale pour trouver une place de stationnement. J’ai fini par ne plus compter sur les rares parkings existants et qui sont pleins très tôt”, dit un automobiliste résidant à Douéra.

    Il se déclare outré par le comportement de certains jeunes qui ont accaparé les parcelles de rue sur lesquelles ils imposent leur loi.

    Sans aucun document officiel, ils s’autoproclament gardiens de voitures et gare aux automobilistes qui refusent de payer la “dîme”.

    Munis de bâtons, ces pseudo-gardiens de voitures s’imposent par la force pour être payés. Les tarifs appliqués par ces “nouveaux maîtres” des rues d’Alger varient selon la tête du client et ce sont les femmes qui se montrent les plus “généreuses”. “Je préfère payer car si je ne le faisais pas, je suis sûre qu’en revenant du bureau, je trouverais ma voiture en piteux état. Cela est déjà arrivé à un collègue qui a dû débourser une grosse somme pour réparer sa voiture endommagée par des inconnus, car il avait refusé de payer la somme demandée par un jeune. Il n’a même pas pu retrouver l’auteur du délit car aucun des jeunes du quartier n’a voulu le désigner. Depuis, mon collègue a compris la leçon, il préfère payer 30 dinars et ainsi il peut être sûr que son véhicule ne sera pas vandalisé”, affirme une femme fonctionnaire à Alger.

    Elle reconnaît elle aussi donner de l’argent à un jeune homme qui lui réserve toujours une place dans une ruelle à proximité de son lieu de travail. Ils sont nombreux les gens qui travaillent à Alger et qui sont contraints de négocier avec les gardiens de parkings. Ils affirment que cela est bénéfique pour les deux parties : les automobilistes sont assurés de trouver une place de stationnement et les jeunes chômeurs un revenu qui peut s’avérer conséquent.

    Mais cette activité souvent lucrative aiguise les appétits, et ce sont les plus forts et parfois de manière musclée qui accaparent des ruelles entières qu’ils cèdent ensuite à des jeunes devant s’acquitter d’un loyer mensuel, sans quoi ils sont passés à tabac.

    “Dans mon quartier, il y a une terreur que tout le monde redoute. Il a fait main basse sur plusieurs ruelles et chaque mois, ceux qui les exploitent doivent lui verser une redevance. Il a été emprisonné durant deux ans et à sa sortie, ceux qui n’avaient pas d’argent pour lui payer les arriérés de loyer ont été carrément malmenés ; ils ont fini par s’acquitter de ce qu’il a considéré comme une dette”, témoigne un habitant de Bab El-Oued.

    D’autres terreurs louent leurs muscles, et ils sont sollicités par les gardiens quand des automobilistes récalcitrants refusent de payer. Leur intervention, souvent violente, est facturée elle-aussi, car considérée dans ce milieu comme une prestation de services. Il existe aussi quelques gardiens qui travaillent pour leur propre compte et qui, pour ne pas être inquiétés, se regroupent en association constituée de plusieurs personnes pour impressionner par le nombre ceux qui seraient tentés d’accaparer leur aire de gardiennage.

    Tout cela se passe loin des feux de la rampe et les autorités semblent laisser faire du moment qu’il n’y a pas de plaintes de citoyens ou de faits graves. Les jeunes gardiens s’étonnent même de la réaction de certains automobilistes, traités de radins quand ils refusent de payer une somme jugée modique. “J’ai été exclu du lycée. Je n’ai pu trouver ni un emploi ni une place dans un centre de formation professionnelle.

    En surveillant les voitures, je rends service aux automobilistes et je m’assure un revenu qui me permet à peine de vivre. Je refuse de voler ou de vendre de la drogue comme le font de nombreux jeunes. Je suis sûr que mon activité est bénéfique pour la société. J’espère que les autorités interviendront pour mieux contrôler ce secteur”, affirme un jeune gardien de parking à Belouizdad. Justement, quelles sont les autorités qui doivent le faire car toutes les administrations se rejettent la balle ?

    Les responsables des APC que nous avons contactés nous ont renvoyés vers les services. Les agents de police auquel nous avons posé la question estiment qu’ils ne peuvent intervenir s’il n’y a pas de plainte de citoyens. Cette absence de cadre juridique en matière d’appropriation du domaine public de manière non apparente permet aux gardiens de continuer à exercer leur métier en toute tranquillité.

    Le phénomène prend de l’ampleur et avec l’arrivée de l’été, ce sont les aires de stationnement des plages qui deviennent l’enjeu des gardiens autoproclamés et cette fois aussi, ils obligent les automobilistes à payer s’ils veulent retrouver leurs véhicules en bon état. Les estivants n’ont d’autre choix que de s’incliner devant le diktat imposé par des hordes de jeunes agressifs.

    “Partout où nous allons, nous devons payer. Dans certaines ruelles, les gardiens nous obligent de revenir au bout d’une heure ou deux car ils refusent le stationnement trop long pour mieux rentabiliser les espaces qu’ils accaparent. Nous autres honnêtes citoyens, payons des impôts et cela doit nous permettre d’avoir droit à la sécurité. Ce n’est pas à nous d’assurer des postes de travail aux jeunes. Les autorités doivent intervenir pour mettre un terme à cette anarchie”, se plaint un médecin exerçant à l’hôpital Mustapha et obligé de se garer dans les ruelles proches du CHU, car des étrangers prennent les places des médecins.

    La vente de voitures à crédit permet à de nombreux Algériens d’acheter des véhicules. L’ouverture du marché automobile a été suivie de mesures d’accompagnement comme la réalisation de nouveaux parkings dans les grandes villes où le foncier fait déjà défaut. Quelle solution pour ce problème qui met en jeu l’autorité de l’État défiée par de jeunes chômeurs ?

    Par Liberté
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