Rina Sherman se confie au «Jour d’Algérie»
Les nuisances du lobby anti-algérien
Rina Sherman, sud africaine, est cinéaste, docteur d’Etat, depuis 1990, chercheur et écrivain. Rina Sherman a été la compagne de Didier Contant, grand reporter français et ancien rédacteur en chef de l’agence Gamma, auteur d’une enquête menée en Algérie sur l’assassinat des 7 moines de Tibhérine, en 1996. Elle est le plus proche des témoins de cette victime du «qui tue qui ?»
Entretien réalisé par Mounir Abi
Le Jour d’Algérie : Comment qualifiez-vous le fait que le général Buchwalter a fait sa déposition en ne se basant sur aucune preuve matérielle dans l’affaire de l’assassinat des sept moines ?
Rina Sherman : En effet, l’ancien attaché militaire de l’Ambassade de France à Alger s’inspire de propos anonymes du frère d’un officier algérien. Il n’explique pas pourquoi il n’y avait pas de trous de balle dans la tête des moines, étant donné que les tirs auraient eu lieu d’un hélicoptère en vol. Le diplomate français ne précise pas non plus comment l’engin a-t-il pu atterrir dans de telles conditions pour « voir » sur qui ils avaient tiré ? Il paraît que le général demande à parler depuis quelque temps déjà. Et d’ailleurs, il existe deux autres versions différentes de cette histoire; il y a celle qui a été relatée dans le livre de Kiser et celle qui a été donnée par un diplomate anonyme en Finlande. Ce qui est préoccupant, c‘est la façon dont la presse française, à chaque fois, se précipite en masse pour confirmer ces informations, sans enquête ni preuve concrète de leurs affirmations. C’est une piètre façon de faire du journalisme et l’on est en droit de s’interroger sur ce qui motive ces journalistes.
Justement, comment expliquez-vous qu’une partie de la presse française se fasse le relais d’une telle accusation non argumentée ?
Je qualifie cette manière sensationnaliste de faire du journalisme comme typique des méthodes utilisées par le groupe de pression le «Qui tue qui ?». On en a vu d’autres et l’on en verra encore d’autres.
Croyez-vous que ce soit une affaire algéro-algérienne du fait que ces 7 moines ont été assassinés en Algérie et avaient la nationalité algérienne?
Il s’agit d’une question d’êtres humains, qui s’inscrit dans un contexte de massacres organisés à grande échelle par des terroristes, les GIA, qui, au nom de la religion, ont tué 150 000 personnes, voire plus, dont les moines du Monastère de Tibhirine. Les familles des victimes du terrorisme sont en droit de savoir ce qui est arrivé à leurs proches.
Comment interprétez-vous le fait que cette affaire a été déterrée 13 ans après ?
La mort de moines de Tibhirine, disposant d’une capitale émotion très fort auprès du public français, resurgit à intervalle régulier, relayé par la presse française qui se précipite pour affirmer à grande pompe les informations. En 2008, nous avions justement le diplomate en Finlande. Cette année, nous avons le général en personne.
Un mot sur les pressions subies par Didier Contant, qui a été votre compagnon, par les partisans du «Qui tue qui?» en France
Didier Contant n’a pas pu publier les résultats de sa dernière enquête à Médéa et à Blida sur la mort des moines, parce que ses confrères l’ont accusé auprès des rédactions parisiennes de travailler pour les services algériens dans le cadre de son investigation. Les journalistes des rédactions concernées n’ont pas vérifié ces mensonges, mais ont préféré mettre Didier Contant à la porte, l’empêchant de travailler. Les journalistes concernés sont porteurs de la carte de journaliste. Mais Didier Contant, qui avait passé un mois en Algérie, dans des circonstances parfois difficiles, risquait de perdre la sienne s’il ne publiait pas ses articles.
Un mot sur les derniers moments de ce grand reporter et ancien directeur de l’agence Gamma.
Didier Contant était l’ancien rédacteur en chef de l’agence Gamma. C’était un grand reporter, un journaliste chevronné et quelqu’un de solide. Il continuait de vérifier les résultats de son enquête jusqu’à quelques heures avant sa mort. De même qu’il préparait minutieusement ses enquêtes. Il est allé voir Me Baudoin et avait contacté le Père Armand Veilleux, mais aussi Mgr Teissier juste avant son départ en Algérie. Il consultait tout le monde et de tous les courants.
Me Baudoin venait tout juste de déposer une plainte au nom du Père Armand Veilleux et d’un seul membre d’une seule famille des moines. Didier lui avait dit qu’il trouvait peu crédible la version de Tigha, le témoin de 2003, selon laquelle Zitouni serait arrivé à la caserne de Blida avec deux 4x4 banalisés plein de moines ! L’avocat avait fini par concéder que cette version manquait de crédibilité. Beaucoup de monde savait donc que Didier Contant partait en Algérie pour continuer son investigation sur la mort des moines. Dès son retour, Jean-Baptiste Rivoire de Canal+ lui a signalé qu’il était informé de ses activités en Algérie. Dans les carnets que les policiers ont trouvé sur lui au moment de sa mort, Didier avait soigneusement noté les conversations des derniers jours de sa vie; avec Jean-Baptiste Rivoire et Paul Moreira de Canal+, mais aussi avec Jean-Marie Montali du Figaro Magazine et bien d’au-tres. Il y avait une très grande pression sur lui. Aucun de ses confrères ne lui est venu en aide.
Les nuisances du lobby anti-algérien
Rina Sherman, sud africaine, est cinéaste, docteur d’Etat, depuis 1990, chercheur et écrivain. Rina Sherman a été la compagne de Didier Contant, grand reporter français et ancien rédacteur en chef de l’agence Gamma, auteur d’une enquête menée en Algérie sur l’assassinat des 7 moines de Tibhérine, en 1996. Elle est le plus proche des témoins de cette victime du «qui tue qui ?»
Entretien réalisé par Mounir Abi
Le Jour d’Algérie : Comment qualifiez-vous le fait que le général Buchwalter a fait sa déposition en ne se basant sur aucune preuve matérielle dans l’affaire de l’assassinat des sept moines ?
Rina Sherman : En effet, l’ancien attaché militaire de l’Ambassade de France à Alger s’inspire de propos anonymes du frère d’un officier algérien. Il n’explique pas pourquoi il n’y avait pas de trous de balle dans la tête des moines, étant donné que les tirs auraient eu lieu d’un hélicoptère en vol. Le diplomate français ne précise pas non plus comment l’engin a-t-il pu atterrir dans de telles conditions pour « voir » sur qui ils avaient tiré ? Il paraît que le général demande à parler depuis quelque temps déjà. Et d’ailleurs, il existe deux autres versions différentes de cette histoire; il y a celle qui a été relatée dans le livre de Kiser et celle qui a été donnée par un diplomate anonyme en Finlande. Ce qui est préoccupant, c‘est la façon dont la presse française, à chaque fois, se précipite en masse pour confirmer ces informations, sans enquête ni preuve concrète de leurs affirmations. C’est une piètre façon de faire du journalisme et l’on est en droit de s’interroger sur ce qui motive ces journalistes.
Justement, comment expliquez-vous qu’une partie de la presse française se fasse le relais d’une telle accusation non argumentée ?
Je qualifie cette manière sensationnaliste de faire du journalisme comme typique des méthodes utilisées par le groupe de pression le «Qui tue qui ?». On en a vu d’autres et l’on en verra encore d’autres.
Croyez-vous que ce soit une affaire algéro-algérienne du fait que ces 7 moines ont été assassinés en Algérie et avaient la nationalité algérienne?
Il s’agit d’une question d’êtres humains, qui s’inscrit dans un contexte de massacres organisés à grande échelle par des terroristes, les GIA, qui, au nom de la religion, ont tué 150 000 personnes, voire plus, dont les moines du Monastère de Tibhirine. Les familles des victimes du terrorisme sont en droit de savoir ce qui est arrivé à leurs proches.
Comment interprétez-vous le fait que cette affaire a été déterrée 13 ans après ?
La mort de moines de Tibhirine, disposant d’une capitale émotion très fort auprès du public français, resurgit à intervalle régulier, relayé par la presse française qui se précipite pour affirmer à grande pompe les informations. En 2008, nous avions justement le diplomate en Finlande. Cette année, nous avons le général en personne.
Un mot sur les pressions subies par Didier Contant, qui a été votre compagnon, par les partisans du «Qui tue qui?» en France
Didier Contant n’a pas pu publier les résultats de sa dernière enquête à Médéa et à Blida sur la mort des moines, parce que ses confrères l’ont accusé auprès des rédactions parisiennes de travailler pour les services algériens dans le cadre de son investigation. Les journalistes des rédactions concernées n’ont pas vérifié ces mensonges, mais ont préféré mettre Didier Contant à la porte, l’empêchant de travailler. Les journalistes concernés sont porteurs de la carte de journaliste. Mais Didier Contant, qui avait passé un mois en Algérie, dans des circonstances parfois difficiles, risquait de perdre la sienne s’il ne publiait pas ses articles.
Un mot sur les derniers moments de ce grand reporter et ancien directeur de l’agence Gamma.
Didier Contant était l’ancien rédacteur en chef de l’agence Gamma. C’était un grand reporter, un journaliste chevronné et quelqu’un de solide. Il continuait de vérifier les résultats de son enquête jusqu’à quelques heures avant sa mort. De même qu’il préparait minutieusement ses enquêtes. Il est allé voir Me Baudoin et avait contacté le Père Armand Veilleux, mais aussi Mgr Teissier juste avant son départ en Algérie. Il consultait tout le monde et de tous les courants.
Me Baudoin venait tout juste de déposer une plainte au nom du Père Armand Veilleux et d’un seul membre d’une seule famille des moines. Didier lui avait dit qu’il trouvait peu crédible la version de Tigha, le témoin de 2003, selon laquelle Zitouni serait arrivé à la caserne de Blida avec deux 4x4 banalisés plein de moines ! L’avocat avait fini par concéder que cette version manquait de crédibilité. Beaucoup de monde savait donc que Didier Contant partait en Algérie pour continuer son investigation sur la mort des moines. Dès son retour, Jean-Baptiste Rivoire de Canal+ lui a signalé qu’il était informé de ses activités en Algérie. Dans les carnets que les policiers ont trouvé sur lui au moment de sa mort, Didier avait soigneusement noté les conversations des derniers jours de sa vie; avec Jean-Baptiste Rivoire et Paul Moreira de Canal+, mais aussi avec Jean-Marie Montali du Figaro Magazine et bien d’au-tres. Il y avait une très grande pression sur lui. Aucun de ses confrères ne lui est venu en aide.
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