L’Emir Abdelkader en Kabylie (1838-1839)
Préparé dès 1803 par Napoléon 1er pour contrôler la Méditerranée et damer ainsi le pion à l’Angleterre qui avait aussi des visées d’occupation des « pays barbaresques », le plan de débarquement des troupes françaises à Sidi Fredj, le 14 juin 1830, ne fut mis en œuvre par Charles X que près de trente ans plus tard.
Cette invasion n’avait certainement pas son origine dans un soi-disant « coup d’éventail » qu’aurait donné le dey Hussein au consul français Deval lors d’une entrevue au sujet d’un contentieux portant sur du blé vendu à la France par la Régence à l’époque de la Révolution. Les motifs étaient bel et bien de coloniser une riche contrée « non loin des côtes de France » et de dominer la Méditerranée face à l’hégémonie ambitieuse de l’Angleterre (1). Cependant, bien que la Régence ait été sérieusement affaiblie par le déclin de l’Empire ottoman, le débarquement d’une armée forte de plus de 35 000 hommes près d’Alger se heurta à la réaction vigoureuse des populations qui se mobilisèrent spontanément pour résister à l’invasion. Les tribus de la Mitidja et de la Kabylie se portèrent sur le champ de bataille pour renforcer les troupes du dey, notamment lors de la bataille de Staouéli.
Les populations paysannes venues renforcer le corps des Janissaires. Mal entraînés aux batailles frontales, armés de quelques vieux fusils, de yatagans et de flissas, sans entraînement militaire aucun, ils ne pouvaient faire face, malgré leur bravoure et leurs sacrifices, à une armée expérimentée, technologiquement plus avancée et maîtrisant parfaitement l’art de la guerre. L’armée du dey, ou son semblant, mal préparée pour résister à une des meilleures armées d’Europe, de surcroît mal commandée par un parent du dey décrit comme incompétent et timoré, dut céder en quelques jours, après un baroud d’honneur, ouvrant ainsi la voie à la reddition de la ville, de son dey ... et du trésor de la Régence, au général de Bourmont le 5 juillet 1830. La résistance populaire ne cessa point cependant. Ainsi, lors de l’expédition menée par l’armée d’occupation pour la prise d’Oran, les chefs de tribus mobilisèrent les populations pour résister à l’envahisseur. Le jeune et futur Emir Abdelkader, accompagnant au combat son père El Hadj Mahieddine, se serait distingué par son sang-froid et son audace lors de la défense de la ville (2) .
Devant l’ampleur de l’épreuve à laquelle il fallait faire face, El Hadj Mahieddine mesura le désarroi des populations et leur peine. Ainsi, quand les chefs des Hachem, des Béni Amer, des Garaba et des autres tribus offrirent à Hadj Mahieddine la lourde charge d’Emir pour mener la lutte contre les troupes d’occupation, il déclina cet honneur en raison de son âge et proposa son jeune fils pour diriger la résistance. Le 22 Novembre 1832, dans la plaine d’Eghris, Abdelkader fut élevé au rang de chef par toutes les tribus de la région. Le jeune Emir savait qu’il venait d’être investi d’une charge lourde de responsabilités. Sa première mission, la plus urgente et non des moindres, consistait à réaliser l’unité nationale afin de faire face à un adversaire puissant et bien armé. Il n’était point facile, en effet, de taire les dissensions entre tribus, les égoïsmes et les querelles qui déchiraient les populations, longtemps sous-administrées et livrées à elles-mêmes. Il devait vaincre les résistances de certains chefs de tribu dont les comportements féodaux et les compromissions leur faisaient rejeter toute tentative d’unité nationale et de résistance à l’occupant. L’Emir n’avait alors d’autre voie que le recours à la force - procédé qu’il n’appréciait guère pourtant- pour châtier les collaborateurs, fussent-ils puissants, comme ce fut le cas du caïd de Bethioua qui commerçait avec l’occupant en lui vendant des chevaux (3).
La réputation de sagesse et de justice du jeune Abdelkader, ses qualités de chef, dépasseront bientôt l’ouest du pays pour gagner toute l’Algérie. Ainsi, comme l’écrivit plus tard un officier français au sujet de l’Emir : « Si l’on avait contesté l’empire universel à l’élu de quelques tribus, on sentait peu à peu l’importance d’y laisser parvenir celui qui se montrait, à l’œuvre, digne en effet de commander sur tous. » (4). De fait, l’influence d’Abdelkader s’étendit très rapidement à tout le pays, et notamment en Kabylie, on l’on s’inquiétait vivement de la présence à Alger des troupes françaises. Les tribus de la région envoyèrent à l’Emir un messager en la personne d’El Hadj Ali Ould Sidi Saïd des Aït Khalfoun, pour solliciter son appui et lui faire part de leur désir de combattre sous son autorité. Abdelkader conféra le titre de khalifa à El Hadj Ali et le chargea de porter des messages aux chefs des tribus, notamment à celui des Flissa, El Hadj Ben Zamoum et à Belkacem Ou Kaci de la tribu des Amraoua, pour leur annoncer sa prochaine visite et leur demander d’apporter, en attendant, un appui effectif à son khalifa désigné. El Hadj Ali revint donc en Kabylie en 1837, escorté par une colonne de l’Emir composée d’une vingtaine de cavaliers (5).
Un an plus tard, El Hadj Ali retourna vers Abdelkader pour lui faire part des résultats de sa mission et lui signaler, notamment, le traitement qu’il a dû subir auprès de quelques tribus arrogantes des Koulouglis (métis issus de mariages mixtes entre autochtones et Turcs), établis à l’est de la Mitidja, qui refusèrent de reconnaître son autorité. Ce qui rendait ces tribus coupables aux yeux de l’Emir, c’était la collaboration ouverte qu’elles entretenaient avec l’occupant, bravant les ordres qu’il avait donnés de ne point commercer avec l’ennemi. L’attitude de défiance de leur caïd El Bayram, irrita Abdelkader au plus haut point. L’Emir se présenta donc en Kabylie avec une armée régulière de cavalerie et d’infanterie et installa son camp pour un temps à Bordj Bouira. Quand les tribus apprirent que l’Emir conduisait ses troupes en personne, toutes se présentèrent à lui pour accueillir l’homme dont l’aura avait gagné tout le pays. Dans sa magnanimité, il accorda le pardon aux tribus Koulouglis dissidentes afin de renforcer les rangs de la résistance et chargea ses lieutenants de ramener les fuyards en les assurant de son pardon (6). Les tribus kabyles allèrent à la rencontre de l’Emir, chargées de présents ; ainsi, les Amraoua lui offrirent 150 mulets chargés de figues, de raisin sec, d’huile et de cire pour les besoins de son armée. L’Emir proposa le commandement du Sebaou à Belkacem Oukaci chef des Amraoua. Ce dernier déclina avec respect cet honneur en indiquant à l’Emir que dans l’état de guerre qui sévissait, le premier rôle devait revenir, comme de tradition, aux chérifs ; il suggéra à l’Emir de conférer le titre de Khalifa à Si Ahmed Ben Salem qui appartenait à la noblesse et déclara qu’il se contenterait, pour sa part, du second rang. L’Emir, favorablement impressionné par l’humilité de Belkacem Oukaci, fit alors appeler Si Ahmed Ben Salem qu’il investit devant le public du titre de Khalifa en le revêtant d’un burnous et en faisant jouer la musique en son honneur (7).
Ahmed Ben Salem appartenait à la tribu des Béni Djaâd ; cette dernière était étroitement liée à la tribu des Béni Yala. Les Béni Djaâd étaient assez puissants en nombre et pouvaient réunir une armée forte de 2 600 fusils. Ahmed Ben Salem était alors âgé d’une quarantaine d’années. Sa force morale et sa piété étaient reconnues de tous selon les témoignages de l’époque ; les tolbas le citent comme un homme instruit, laborieux et plein de dignité dans ses manières ; les guerriers vantent sa prudence au conseil, sa bravoure dans le combat et son habilité à manier un cheval (8). Au nord des territoires des Béni Djaâd, se trouvait le vaste territoire montagneux des Flissa Oum El Lil sur lequel commandait la famille Ben Zamoum. D’après la légende, le qualificatif d’ « Oum El Lil » attaché aux Flissa, qui signifierait « enfants de la nuit », viendrait de combats nocturnes très audacieux qu’ils livraient aux Turcs, combats autour desquels ils leurs détruisirent plusieurs camps (9). Des l’annonce de l’arrivée de l’Emir en Kabylie, El Hadj Ben Zamoum se rendit à sa rencontre ; Abdelkader l’investit aussitôt du titre d’Agha des Flissa, des Maâtka, des Beni Khalfoun, des Nezlyoua, des Guechtoula, des Oulad Aziz et des autres tribus situées sur son territoire. Quant au commandement de Ben Salem, il fut complété par un remaniement opéré par l’Emir ; il détacha l’Aghalik des Béni Slimane du Beylik de Médéa et l’adjoignit au Sebaou puis ces dispositions prises, et après avoir prescrit l’établissement d’un poste a Bordj Sebaou, Abdelkader recommanda encore une fois aux différents aghas d’accorder aide et obéissance à son Khalifa Ben Salem, puis il retourna dans l’Ouest (10).
En 1839, Abdelkader visita une seconde fois la Kabylie accompagné de cent cavaliers. Ben Salem le rejoignit à Bordj Hamza où il campait, le conduisit dans sa famille à Bel Karoube et lui offrit l’hospitalité (11). C’est à l’occasion de cette deuxième visite que I’Emir, accompagné par son Khalifa, parcouru de long en large toute la Kabylie, se rendant à l’Est jusqu’à Béjaïa, et à l’Ouest, à Thenia, non loin d’Alger déjà occupée depuis le 5 juillet 1830. De Bel Karoube, Ben Salem accompagna Abdelkader à Bordj Boghni et à Sidi Ali Moussa. « Tous les habitants surent bientôt que l’Emir Abdelkader, le ‘’jeune sultan’’ qui avait fait aux chrétiens une guerre acharnée », était chez eux. La présence d’un tel homme dans leurs montagnes fit une vive sensation, et les Maâtka, les Guechtoula, les Béni Zemenzar, les Beni Abd El Moumen, les Beni Aïssi, et les Flissa vinrent le visiter .... La tente de l’Emir était pressée par les Zouaoua qui le regardaient avec des yeux éton-nés ; aucun d’eux toutefois n’osait y pénétrer ; les moins indiscrets, accroupis à l’entour, en relevaient les bords pour voir sans être vus ....(12). De Sidi Ali Moussa, l’Emir se rendit à Bordj Tizi Ouzou chez les Amraoua où il passa la nuit. Il partit ensuite pour Dellys, accompagné par Sid Abd er Rahman, lieutenant et parent de Ben Salem(13).
Préparé dès 1803 par Napoléon 1er pour contrôler la Méditerranée et damer ainsi le pion à l’Angleterre qui avait aussi des visées d’occupation des « pays barbaresques », le plan de débarquement des troupes françaises à Sidi Fredj, le 14 juin 1830, ne fut mis en œuvre par Charles X que près de trente ans plus tard.
Cette invasion n’avait certainement pas son origine dans un soi-disant « coup d’éventail » qu’aurait donné le dey Hussein au consul français Deval lors d’une entrevue au sujet d’un contentieux portant sur du blé vendu à la France par la Régence à l’époque de la Révolution. Les motifs étaient bel et bien de coloniser une riche contrée « non loin des côtes de France » et de dominer la Méditerranée face à l’hégémonie ambitieuse de l’Angleterre (1). Cependant, bien que la Régence ait été sérieusement affaiblie par le déclin de l’Empire ottoman, le débarquement d’une armée forte de plus de 35 000 hommes près d’Alger se heurta à la réaction vigoureuse des populations qui se mobilisèrent spontanément pour résister à l’invasion. Les tribus de la Mitidja et de la Kabylie se portèrent sur le champ de bataille pour renforcer les troupes du dey, notamment lors de la bataille de Staouéli.
Les populations paysannes venues renforcer le corps des Janissaires. Mal entraînés aux batailles frontales, armés de quelques vieux fusils, de yatagans et de flissas, sans entraînement militaire aucun, ils ne pouvaient faire face, malgré leur bravoure et leurs sacrifices, à une armée expérimentée, technologiquement plus avancée et maîtrisant parfaitement l’art de la guerre. L’armée du dey, ou son semblant, mal préparée pour résister à une des meilleures armées d’Europe, de surcroît mal commandée par un parent du dey décrit comme incompétent et timoré, dut céder en quelques jours, après un baroud d’honneur, ouvrant ainsi la voie à la reddition de la ville, de son dey ... et du trésor de la Régence, au général de Bourmont le 5 juillet 1830. La résistance populaire ne cessa point cependant. Ainsi, lors de l’expédition menée par l’armée d’occupation pour la prise d’Oran, les chefs de tribus mobilisèrent les populations pour résister à l’envahisseur. Le jeune et futur Emir Abdelkader, accompagnant au combat son père El Hadj Mahieddine, se serait distingué par son sang-froid et son audace lors de la défense de la ville (2) .
Devant l’ampleur de l’épreuve à laquelle il fallait faire face, El Hadj Mahieddine mesura le désarroi des populations et leur peine. Ainsi, quand les chefs des Hachem, des Béni Amer, des Garaba et des autres tribus offrirent à Hadj Mahieddine la lourde charge d’Emir pour mener la lutte contre les troupes d’occupation, il déclina cet honneur en raison de son âge et proposa son jeune fils pour diriger la résistance. Le 22 Novembre 1832, dans la plaine d’Eghris, Abdelkader fut élevé au rang de chef par toutes les tribus de la région. Le jeune Emir savait qu’il venait d’être investi d’une charge lourde de responsabilités. Sa première mission, la plus urgente et non des moindres, consistait à réaliser l’unité nationale afin de faire face à un adversaire puissant et bien armé. Il n’était point facile, en effet, de taire les dissensions entre tribus, les égoïsmes et les querelles qui déchiraient les populations, longtemps sous-administrées et livrées à elles-mêmes. Il devait vaincre les résistances de certains chefs de tribu dont les comportements féodaux et les compromissions leur faisaient rejeter toute tentative d’unité nationale et de résistance à l’occupant. L’Emir n’avait alors d’autre voie que le recours à la force - procédé qu’il n’appréciait guère pourtant- pour châtier les collaborateurs, fussent-ils puissants, comme ce fut le cas du caïd de Bethioua qui commerçait avec l’occupant en lui vendant des chevaux (3).
La réputation de sagesse et de justice du jeune Abdelkader, ses qualités de chef, dépasseront bientôt l’ouest du pays pour gagner toute l’Algérie. Ainsi, comme l’écrivit plus tard un officier français au sujet de l’Emir : « Si l’on avait contesté l’empire universel à l’élu de quelques tribus, on sentait peu à peu l’importance d’y laisser parvenir celui qui se montrait, à l’œuvre, digne en effet de commander sur tous. » (4). De fait, l’influence d’Abdelkader s’étendit très rapidement à tout le pays, et notamment en Kabylie, on l’on s’inquiétait vivement de la présence à Alger des troupes françaises. Les tribus de la région envoyèrent à l’Emir un messager en la personne d’El Hadj Ali Ould Sidi Saïd des Aït Khalfoun, pour solliciter son appui et lui faire part de leur désir de combattre sous son autorité. Abdelkader conféra le titre de khalifa à El Hadj Ali et le chargea de porter des messages aux chefs des tribus, notamment à celui des Flissa, El Hadj Ben Zamoum et à Belkacem Ou Kaci de la tribu des Amraoua, pour leur annoncer sa prochaine visite et leur demander d’apporter, en attendant, un appui effectif à son khalifa désigné. El Hadj Ali revint donc en Kabylie en 1837, escorté par une colonne de l’Emir composée d’une vingtaine de cavaliers (5).
Un an plus tard, El Hadj Ali retourna vers Abdelkader pour lui faire part des résultats de sa mission et lui signaler, notamment, le traitement qu’il a dû subir auprès de quelques tribus arrogantes des Koulouglis (métis issus de mariages mixtes entre autochtones et Turcs), établis à l’est de la Mitidja, qui refusèrent de reconnaître son autorité. Ce qui rendait ces tribus coupables aux yeux de l’Emir, c’était la collaboration ouverte qu’elles entretenaient avec l’occupant, bravant les ordres qu’il avait donnés de ne point commercer avec l’ennemi. L’attitude de défiance de leur caïd El Bayram, irrita Abdelkader au plus haut point. L’Emir se présenta donc en Kabylie avec une armée régulière de cavalerie et d’infanterie et installa son camp pour un temps à Bordj Bouira. Quand les tribus apprirent que l’Emir conduisait ses troupes en personne, toutes se présentèrent à lui pour accueillir l’homme dont l’aura avait gagné tout le pays. Dans sa magnanimité, il accorda le pardon aux tribus Koulouglis dissidentes afin de renforcer les rangs de la résistance et chargea ses lieutenants de ramener les fuyards en les assurant de son pardon (6). Les tribus kabyles allèrent à la rencontre de l’Emir, chargées de présents ; ainsi, les Amraoua lui offrirent 150 mulets chargés de figues, de raisin sec, d’huile et de cire pour les besoins de son armée. L’Emir proposa le commandement du Sebaou à Belkacem Oukaci chef des Amraoua. Ce dernier déclina avec respect cet honneur en indiquant à l’Emir que dans l’état de guerre qui sévissait, le premier rôle devait revenir, comme de tradition, aux chérifs ; il suggéra à l’Emir de conférer le titre de Khalifa à Si Ahmed Ben Salem qui appartenait à la noblesse et déclara qu’il se contenterait, pour sa part, du second rang. L’Emir, favorablement impressionné par l’humilité de Belkacem Oukaci, fit alors appeler Si Ahmed Ben Salem qu’il investit devant le public du titre de Khalifa en le revêtant d’un burnous et en faisant jouer la musique en son honneur (7).
Ahmed Ben Salem appartenait à la tribu des Béni Djaâd ; cette dernière était étroitement liée à la tribu des Béni Yala. Les Béni Djaâd étaient assez puissants en nombre et pouvaient réunir une armée forte de 2 600 fusils. Ahmed Ben Salem était alors âgé d’une quarantaine d’années. Sa force morale et sa piété étaient reconnues de tous selon les témoignages de l’époque ; les tolbas le citent comme un homme instruit, laborieux et plein de dignité dans ses manières ; les guerriers vantent sa prudence au conseil, sa bravoure dans le combat et son habilité à manier un cheval (8). Au nord des territoires des Béni Djaâd, se trouvait le vaste territoire montagneux des Flissa Oum El Lil sur lequel commandait la famille Ben Zamoum. D’après la légende, le qualificatif d’ « Oum El Lil » attaché aux Flissa, qui signifierait « enfants de la nuit », viendrait de combats nocturnes très audacieux qu’ils livraient aux Turcs, combats autour desquels ils leurs détruisirent plusieurs camps (9). Des l’annonce de l’arrivée de l’Emir en Kabylie, El Hadj Ben Zamoum se rendit à sa rencontre ; Abdelkader l’investit aussitôt du titre d’Agha des Flissa, des Maâtka, des Beni Khalfoun, des Nezlyoua, des Guechtoula, des Oulad Aziz et des autres tribus situées sur son territoire. Quant au commandement de Ben Salem, il fut complété par un remaniement opéré par l’Emir ; il détacha l’Aghalik des Béni Slimane du Beylik de Médéa et l’adjoignit au Sebaou puis ces dispositions prises, et après avoir prescrit l’établissement d’un poste a Bordj Sebaou, Abdelkader recommanda encore une fois aux différents aghas d’accorder aide et obéissance à son Khalifa Ben Salem, puis il retourna dans l’Ouest (10).
En 1839, Abdelkader visita une seconde fois la Kabylie accompagné de cent cavaliers. Ben Salem le rejoignit à Bordj Hamza où il campait, le conduisit dans sa famille à Bel Karoube et lui offrit l’hospitalité (11). C’est à l’occasion de cette deuxième visite que I’Emir, accompagné par son Khalifa, parcouru de long en large toute la Kabylie, se rendant à l’Est jusqu’à Béjaïa, et à l’Ouest, à Thenia, non loin d’Alger déjà occupée depuis le 5 juillet 1830. De Bel Karoube, Ben Salem accompagna Abdelkader à Bordj Boghni et à Sidi Ali Moussa. « Tous les habitants surent bientôt que l’Emir Abdelkader, le ‘’jeune sultan’’ qui avait fait aux chrétiens une guerre acharnée », était chez eux. La présence d’un tel homme dans leurs montagnes fit une vive sensation, et les Maâtka, les Guechtoula, les Béni Zemenzar, les Beni Abd El Moumen, les Beni Aïssi, et les Flissa vinrent le visiter .... La tente de l’Emir était pressée par les Zouaoua qui le regardaient avec des yeux éton-nés ; aucun d’eux toutefois n’osait y pénétrer ; les moins indiscrets, accroupis à l’entour, en relevaient les bords pour voir sans être vus ....(12). De Sidi Ali Moussa, l’Emir se rendit à Bordj Tizi Ouzou chez les Amraoua où il passa la nuit. Il partit ensuite pour Dellys, accompagné par Sid Abd er Rahman, lieutenant et parent de Ben Salem(13).
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