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L'enfer dans la prison de Bagram en Afghanistan

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  • L'enfer dans la prison de Bagram en Afghanistan

    Accroupis dans la poussière, ils attendent devant un préfabriqué du Comité international de la Croix-Rouge de Kaboul. Une vingtaine d’hommes, dont le père, le frère ou le fils sont détenus à la prison de Bagram, à 40 kilomètres au nord de la capitale afghane. Ils ont reçu un coup de téléphone la veille. «La Croix-Rouge m’a dit que je pourrai parler à mon frère», dit Kala Khan, un habitant de Ghazni. Il attendra une journée, en vain. «Je ne comprends pas. Je n’ai pas pu lui parler au téléphone comme prévu. C’est la deuxième fois que ça m’arrive ce mois-ci», explique-t-il. Comme plusieurs centaines de détenus de Bagram, Gul, le frère de Kala Khan, ne sort plus de sa cellule. Depuis le début juillet, il refuse de se rendre à la douche ou de faire de l’exercice. Il ne veut pas non plus parler à ses proches. Il proteste contre la durée illimitée de sa détention.

    «Innocents». Les 620 détenus de Bagram n’ont aucun droit. Ils ne savent pas s’ils seront jugés un jour. Ils n’ont pas non plus accès à un avocat. Certains ne savent même pas pourquoi ils ont été arrêtés. «C’est pire qu’à Guantánamo. Là-bas, les détenus peuvent au moins contester les motifs de leur détention», dénonce Susan Reid, porte-parole d’Human Rights Watch en Afghanistan.

    Depuis 2002, des milliers d’Afghans - mais aussi des étrangers capturés en Afghanistan ou transférés d’ailleurs à fin d’interrogatoire - ont été incarcérés dans la prison de Bagram. Au fil des années, l’armée américaine en a relâché des centaines, parfois après sept ans de détention, sans explication, jugement ou excuse. «Beaucoup étaient innocents. Mais la plupart n’ont même pas été dédommagés», explique Lal Gul, président de la Commission afghane des droits de l’homme.

    Kala Khan l’assure : son frère est, lui aussi, innocent. «Les Américains l’ont pris pour un taliban, mais il est berger depuis qu’il a 8 ans. Ils n’ont qu’à regarder ses mains, elles sont tout abîmées. Et il ne sait même pas se servir d’une arme», assure-t-il. Selon lui, l’armée américaine a confondu son frère avec un chef taliban de la région de Ghazni. «Ils se sont trompés de nom. J’ai montré ses papiers d’identité au commandant américain de ma province. Il a reconnu qu’il y avait un problème. Mais mon frère est détenu depuis plus de dix mois. Cela n’a aucun sens !»

    L’administration Obama n’aidera pas Kala Khan, ni son frère. Lors de sa campagne électorale, le président américain Barack Obama avait pourtant salué une décision de la Cour suprême autorisant les détenus de Guantánamo à contester leur détention devant la justice. «Nous espérions que les prisonniers de Bagram obtiendraient les mêmes droits. Mais, depuis qu’Obama a été élu, rien n’a changé par rapport à l’administration Bush. Il dit vouloir établir de nouvelles relations avec le monde musulman mais ce ne sont que des paroles», affirme Lal Gul.

    «Hurlements». L’armée américaine semble, en revanche, prendre au sérieux le mouvement de protestation entamé à Bagram. Selon le New York Times, l’amiral Mike Mullen, le chef d’état-major interarmées des Etats-Unis, a adressé la semaine dernière une note confidentielle à ses commandants leur demandant de rappeler aux troupes l’importance de traiter correctement les détenus.

    Jusqu’en 2003 au moins, des dizaines de prisonniers ont été torturés à Bagram. Mohammad Nasim, un travailleur journalier de la province de Nangarhar, y est resté cinq mois, avant d’être envoyé, en juillet 2003, dans la prison de Guantánamo. «C’était l’enfer. J’ai subi des chocs électriques, ils m’ont accroché les mains au plafond de ma cellule pendant cinq jours d’affilée. Ils me tapaient pendant les interrogatoires. De ma cellule, j’entendais les hurlements d’autres détenus», raconte-t-il. En 2002, deux Afghans sont morts des suites de leurs tortures.

    «Il y a eu des cas, largement documentés, dans lesquels les conditions de détention, imposées par le ministère de la Défense, n’ont pas été respectées. Mais les Etats-Unis accordent à tous les détenus un traitement humain, conforme aux conventions de Genève», assure, depuis Washington, un porte-parole du Pentagone.

    Selon plusieurs sources indépendantes ainsi que des familles de détenus interrogées par Libération, les conditions de détention se sont effectivement améliorées. «J’ai parlé à mon fils le mois dernier. Il n’a jamais été battu et il mange bien. Il peut aussi prier quand il le veut», raconte Haji Nazar Gul, un commerçant de Ghazni dont le fils est détenu depuis dix mois.

    Hangar. «La vraie torture, aujourd’hui, consiste à enfermer des gens sans leur dire s’ils pourront un jour être jugés et sortir», explique Tina Foster, une avocate américaine qui s’est saisie des cas de quatre détenus (lire ci-dessous). Malgré les protestations des organisations de défense des droits de l’homme, le «Guantánamo afghan» n’est pas près de fermer. L’armée américaine construit plusieurs nouveaux bâtiments, à côté de l’actuel, un ancien hangar de l’armée russe. Les travaux sont censés se terminer cet automne.

    source : Libération
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