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Licencié pour avoir créé un syndicat à Eurest Algérie

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  • Licencié pour avoir créé un syndicat à Eurest Algérie

    Employé dans une société étrangère installée à Hassi Messaoud, Eurest Support Services (ESS) Algérie, Yassine Zaïd a été licencié pour avoir créé une section syndicale. Lâché par l’Union générale des travailleurs algériens et poursuivi en justice par ses ex-employeurs, Yassine Zaïd est décidé à aller jusqu’au bout de son combat pour recouvrer sa dignité.

    «Ils ont voulu m’écraser. J’ai tout perdu. J’ai divorcé et j’ai du vendre ma maison. Mais je suis décidé à aller jusqu’au bout», clamé, hier, Yassine Zaïd au cours d’une conférence de presse animée à la Maison des syndicats, une structure dépendant du Syndicat national autonome des personnels des administrations publiques. La vie de ce jeune syndicaliste a basculé subitement en 2006, lorsqu’il a affiché son intention de créer une section syndicale pour défendre les intérêts des employés d’Eurest Support Services (ESS), une société étrangère spécialisée en catering, installée à Hassi Messaoud, filiale du leader mondial de la restauration collective.

    D’employé modèle…

    «J’ai été recruté en 2004 par cette entreprise en qualité d’agent de sécurité. A force d’abnégation et de sérieux, j’ai réussi à gravir les échelons pour finir au poste de superviseur de la sécurité. J’étais devenu un cadre respecté et écouté», souligne-t-il. Le jeune homme accède à un statut de privilégié. Ce qui n’est pas le cas des autres travailleurs algériens de l’entreprise. «Avec le temps, j’ai constaté que la situation des employés nationaux était exécrable. Leur quotidien était fait de brimades et d’insultes. Il supportaient les pires humiliations pour un salaire de misère », explique Yassine. En 2006, germe en lui l’idée de créer un syndicat d’entreprise. Un évènement tragique accélérera cette initiative. Au mois de novembre, Joel Bill, le manager d’Eurest, provoque un groupe d’employés en leur lançant : «Vous, les Algériens, vous ne méritez pas l’indépendance !» Trois travailleurs décident de déposer une plainte. Ils sont licenciés sur le champ. Bill Joel est condamné en première instance à 3 mois de prison ferme. Mais à la surprise générale, le patron d’Eurest Algérie se voit, par la suite, infliger une simple amende de 50 000 DA. «La création d’une section syndicale relevait de la folie. A Hassi Messaoud, à part Schlumberger qui est présente en Algérie depuis des décennies, il n’existait pas de sections syndicales dans les compagnies étrangères. Nous avons donc dû nous organiser dans la plus grande discrétion. Les conditions étaient très difficiles du fait que les travailleurs d’Eurest sont constamment en déplacement», relate-t-il. La section syndicale d’entreprise est finalement créée le 21 décembre 2006, dans les locaux de l’Union locale de l’UGTA à Hassi Messaoud.

    …à syndicaliste gênant

    Yassine Zaïd est élu en qualité de secrétaire général par les 1 400 travailleurs présents à l’Assemblée générale constitutive. Mais voilà, l’Eurest refuse de reconnaître le partenaire social. Yassine Zaïd, qui avait reçu une prime et une lettre de félicitations quelques semaines plus tôt, devient la bête noire de ses employeurs. En mars 2007, le syndicat décide de faire appel auprès de l’inspection du travail dans le but de décrocher une reconnaissance officielle de la part d’Eurest. L’initiative tourne court. «Les deux inspecteurs qui se sont présentés au siège de l’entreprise ont été insultés et mis à la porte par le manager. Les fonctionnaires ont porté plainte. Mais la procédure est restée sans suite. L’un d’eux m’a même avoué qu’il avait subi des pressions insoutenables après avoir saisi la justice. Cette situation démontre clairement le pouvoir de ces personnes», insiste Zaïd.

    Pressions

    Au mois de juin, le petit groupe de syndicalistes subit un autre revers : l’Union UGTA de la wilaya de Ouargla décide, sans prévenir, de geler la section syndicale. Yassine Zaïd se déplace à Alger pour interpeller personnellement Abdelmadjid Sidi-Saïd. Ce dernier intervient et lève cette décision de gel. Mais le mal est fait puisque la direction d’Eurest profite de la situation pour le licencier officiellement. «Ils ont d’abord tenté d’acheter mon silence avant de me mettre à la porte. Certains cadres m’ont approché pour me faire des propositions salariales très alléchantes. J’ai refusé. Ils ont alors tenté de jouer avec ma conscience. Un jour, le chargé des affaires juridiques m’a expliqué qu’Eurest activait en toute illégalité en Algérie. Selon lui, les autorités algériennes pourraient découvrir le pot aux roses avec la création du syndicat d’entreprise, et si Eurest venait à fermer boutique, j’aurai sur la conscience la mise au chômage de plusieurs centaines de pères de famille», assure-t-il. Mais avant de se voir signifier son licenciement, le syndicaliste est poursuivi en justice par un des cadres de l’entreprise qui l’accuse d’insultes. Yassine Zaïd doit également faire face à une série de plaintes en diffamations, déposées par son ex-patron, d’Eurest, ainsi que par le groupe français Compass, propriétaire de l’entreprise- suite à la création d’un site web. Au mois de novembre 2008, il comparait cinq fois devant un juge pour la même affaire, mais face à différents accusateurs ! De son côté, Bill Joel multiplie les provocations. Le patron d’Eurest déchire le procès-verbal d’installation de la section syndicale devant plusieurs travailleurs. Un geste rapporté à l’époque par la presse mais qui ne fera aucunement réagir l’Union générale des travailleurs algériens de Abdelmadjid Sidi-Saïd.

    Solidarité internationale


    Yassine Zaïd obtient toutefois le soutien du Syndicat national autonome des personnels des administrations publiques (SNAPAP). Un vaste mouvement de solidarité international prend forme au fil des mois. En décembre 2008, le cas de Yassine est cité dans le rapport annuel des violations des droits syndicaux 2008 de la Confédération syndicale internationale ITUC-CSI. Il obtient le soutien de plusieurs syndicats étrangers, notamment celui de la Confédération française démocratique du travail (CFDT). L’Union internationale des travailleurs de l’alimentation, de l’agriculture, de l’hôtellerie- restauration, du tabac et des branches connexes (UITA) prend la relève et lance la campagne Labourstart qui permet aux internautes d’envoyer des messages de dénonciations sur les boites électroniques des dirigeants d’Eurest et de Compass. Aujourd’hui, Yassine Zaïd a sur le dos une quinzaine de procès. Sur son blog, il fait la confession suivante : «Je ne peux donc vivre tranquille que le week-end quand je suis certain que les huissiers ne viendront pas frapper à ma porte car c’est un jour férié et donc ils ne travaillent pas». Mais il tient plus que jamais à poursuivre son combat. «La liberté syndicale est un droit inscrit dans la Constitution algérienne. Je ne demande rien d’autre que de pouvoir exercer ce droit. Un jour, trois cadres de Compass, deux Britanniques et un Marocain, ont demandé à me voir lors d’une tentative de conciliation. Lors de cette rencontre, qui s’est déroulée à l’hôtel Pétrolier de Hassi Messaoud, l’un d’eux m’a clairement expliqué que personne ne pouvait rien pour moi. Pas même les autorités de mon pays. Je crois que c’est une des pires humiliations que j’ai eu à subir», lâche Yassine, dépité.

    Par le soir

  • #2
    Des sociétés étrangères exploitent les algériens

    Provocations, humiliations, insultes, licenciements abusifs, répressions antisyndicales, harcèlement moral, conditions d’hébergement, de nourriture et d’hygiène déplorables…, ce sont là les quelques injustices que subissent les employés algériens dans les compagnies étrangères.


    Le cas de Zaïd Yacine, ex-SG de la section syndicale UGTA à Eurest Support Services Algérie (ESS) – filiale de Compass Group, sous- traitant de la restauration et de l’hébergement des salariés des multinationales au sud de l’Algérie – est édifiant. Le tort pour ce superviseur de sécurité d’ESS, pourtant primé à cette époque pour ses efforts et son sérieux, est d’avoir été élu en décembre 2006 à la tête d’une section syndicale, sous l’égide de l’Union générale des travailleurs algériens (UGTA).
    « Il nous était insupportable de laisser les Algériens exploités comme des animaux, d’où notre initiative de créer cette structure syndicale », dit-il. Dans cette compagnie, qui sous-traite pour une vingtaine de multinationales dont Schlumberger, Halliburton, Repsol, BP, Ciepsa, Burlington, les employés algériens d’Eurest, payés à raison de 18 000 DA le mois, selon lui, vivent sous une tente, subissent les conditions météorologiques implacables du climat saharien, vivent dans des circonstances et d’hygiène difficiles. « Je suis devenu un mauvais employé après avoir été élu à la tête du syndicat », regrette-t-il. Leur syndicat, malgré un soutien de 1300 travailleurs sur les 1800, n’a pas été reconnu par la compagnie. Zaïd Yacine a qualifié, hier lors d’une conférence de presse à la maison des syndicats, de « répression antisyndicale foudroyante » ce que subissent les employés algériens au sein de cette compagnie. « La direction exerce des pressions assimilables à du harcèlement moral visant à réduire au silence toute expression sur le lieu de travail », témoigne-t-il. Et d’ajouter : « Appelés en vue de faire respecter les lois, deux inspecteurs du Travail sont reçus avec des insultes et l’arrogance du directeur des opérations d’Eurest. » Ainsi commencent les ennuis pour Yacine Zaïd. Selon lui, la direction d’Eurest, à travers son juriste et son DRH, fabrique avec des méthodes douteuses, une affaire de toutes pièces « insultes et injures » du secrétaire général à l’encontre d’un responsable.
    Après quoi, selon lui, les cadres de cette entreprise ont gelé la section syndicale de manière douteuse et non conforme à la loi. De là, « j’ai été suspendu pour un délai indéterminé », affirme-t-il. Notre interlocuteur témoigne qu’« à chaque fois que je suis reçu par Sidi Saïd, il me promet de régler mon problème avec Eurest, mais il n’a pas tenu parole », regrette-t il. « La justice m’accable sous l’œil impassible de l’UGTA », se plaint-il. C’est ainsi qu’il a décidé de recourir au Net pour se faire entendre. Dans son propre site Internet et facebook, il mène une guerre sans merci contre la multinationale qui l’a « licencié abusivement ». Il a également publié des photos témoignant des mauvaises conditions dans lesquelles vivent les employés algériens dans cette multinationale. Suite à quoi, la multinationale l’a attaqué en justice pour diffamation par Internet. « A cette époque, la loi sur la cybercriminalité n’existait pas encore en Algérie. Il m’ont pourtant condamné à trois mois de prison avec sursis et 80 000 DA d’amende », regrette-t-il.
    Aujourd’hui, Zaïd témoigne qu’il ne se rappelle même pas du nombre de plaintes pour lesquelles il a été entendu devant le juge depuis le début de ses déboires. Il n’est pas le seul à subir de telles conditions. Ali Nouar a connu les mêmes péripéties chez Mis Waco, une autre compagnie étrangère. « Notre cas n’est pas unique, pourtant nous n’avons pas intégré ces entreprises pour casser leur outil de travail », atteste-t-il. Ce dernier, après avoir tenté de créer un syndicat au sein de leur entreprise, se trouve lui aussi victime d’un licenciement. « Il y a des clans mafieux, il faut nous aider, on nous a foutu notre vie en l’air », dénonce-t-il. Un autre employé de Western Gico, une filiale de Schlumberger, chef cuisinier de son état, dit de son côté être « étonné par le régime des compagnies qui opèrent à Hassi Messaoud ». « Avant de créer notre section syndicale, nous avons contacté l’UGTA qui était d’accord, mais notre compagnie a refusé », rappelle cet employé qui dit avoir fait l’objet de 14 jugements. Licenciés, 20 autres signataires pour la création d’une section syndicale au sein de leur entreprise en connaissent le même sort. Ce ne sont pas les seules compagnies où il y a eu « des injustices », témoignent nos interlocuteurs qui citent aussi Woder Ford et Beaker Huggs où des travailleurs ont tenté de créer des sections syndicales, en vain.
    Cela étant, le Comité d’entreprise européen, lors d’une réunion le 18 juin dernier à Londres, note avec une grave préoccupation, la situation à Eurest Support Services en Algérie au regard du licenciement de M. Zaïd, alors que son seul « crime » a été d’organiser un syndicat de salariés au sein de cette compagnie. « Nous exhortons Compass à abandonner toute procédure légale à l’encontre de M. Zaïd, de le réintégrer immédiatement, de l’indemniser de toute perte de rémunération et de reconnaître à la fois son syndicat et sa position au sein de celui-ci », a-t-il affirmé. L’attitude de Compass Groupe Algérie est dénoncée, entre autres bien sûr, par Labor Note, média américain dédié au syndicalisme.



    Par Rabah Beldjenna

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