Presque toutes les femmes d’immigrés de la première génération se ressemblent. Parties jeunes durant les années soixante, elles sont comme leur maris qu’elles ne connaissaient pas avant : analphabètes, peu scolarisées et souvent de milieux ruraux. En règle générale, c’était la première fois qu’elles voyaient leur futur mari, c’était la première fois qu’elles prenaient la mer ou l’avion, c’était la première fois qu’elles sortaient du douar vers Paris ou Toulouse et c’était la première fois qu’elles pouvaient voir des femmes dehors sans maris, des cuisinières et des mixeurs ou des douches à la maison. Comme leurs maris, leur vie fut dure. Elles connaîtront le sens des droits mais aussi le racisme doublé du mépris, la violence des maris eux-mêmes victimes des violences xénophobes, la coupure brutale avec l’univers d’origine et la terrible nostalgie. Par la suite, si l’argent commençait à venir, les enfants des cités HLM commençaient à partir. Et c’est là le second drame des femmes immigrées : après le départ, le retour impossible. Et c’est ainsi qu’elles ont continué leur vie : entre proches parents qui décèdent, d’autres qui leur reprochent la richesse et le faux confort de l’Europe, et les derniers qui ne savent même plus comment elles s’appellent. Pour finir, sans mari devenu un fantôme, sans enfants emportés par le déracinement dans les HLM, il ne leur restait alors que les bijoux. Les femmes d’immigrés en ont d’énormes quantités qu’elles exhibent chaque été dans les mariages et lors des visites familiales. C’est leur thérapie douce, leur salaire et leur complexe. Les bijoux pour cacher la tristesse et l’or pour compenser la vie. Chaque saison d’été.
M.M
M.M
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