20 mars 2003. En quinze jours à peine, les Américains réduisent à néant l'armée sunnite la plus prestigieuse et la plus redoutée du Moyen-Orient. Huit ans de guerre acharnée n'avaient pas permis à l'Iran d'en arriver là. Mettre l'Irak à genoux ? L'Iran en rêvait, les États-Unis l'ont fait.
N'ayons pas peur de le dire. Si les Américains ont pris le risque d'entrer en Irak, c'est parce que ce pays est une pièce capitale sur l'échiquier international du pétrole. Bush et le lobby pétrolier n'ont toujours fait qu'un. Et la sécurisation des approvisionnements en pétrole est plus que stratégique pour les États- Unis. Il y aurait l'équivalent de 115 Mds$ de réserves prouvées dans le sous-sol irakien.
C'est la troisième réserve mondiale, derrière l'Arabie saoudite et l'Iran. Et encore... Les sous-sols sont loin d'avoir été "sondés" de façon exhaustive. Il se pourrait qu'ils recèlent encore bien des trésors dissimulés. Pour l'instant, le pays ne produit que 2,4 millions de barils par jour (Mbj) et ses infrastructures sont obsolètes. Pour doubler la capacité journalière de production à 5-6 Mbj d'ici cinq à dix ans, il suffirait d'investir. Beaucoup.
Cerise sur le gâteau, le coût de production d'un baril en Irak s'élève de 3 à 5 $ seulement. Très loin des 70 $ pour le baril de schiste bitumineux canadien. Une bénédiction. Mais voilà, en détruisant l'armée irakienne, qui "tenait" le pays d'une main de fer, et en annihilant l'ordre irakien établi, les États-Unis ont créé le chaos et livré l'Irak sunnite pieds et poings liés à l'Iran, chiite. Le pays des mollahs n'a pas son pareil pour s'installer sournoisement, lentement mais sûrement dans un pays où règne le vide.
Il a fallu vingt-cinq ans aux quelques gardes de la Révolution envoyés par l'Iran au Liban pour monter ex nihilo un véritable État dans l'État, le Hezbollah. Son objectif : prendre le pouvoir par les urnes. L'Iran applique le même procédé dans la bande de Gaza avec le Hamas et il a des visées dans tout le golfe Persique. Mais, surtout, l'Iran phagocyte l'Irak à tous les niveaux. Partis politiques, pouvoir central, police, commerce, milices, mosquées...
Téhéran tire les ficelles
L'ombre iranienne plane partout ; dans le plus grand secret, Téhéran tire les ficelles. Même le pouvoir religieux chiite modéré en place n'aura pas résisté longtemps à la montée en puissance du pouvoir religieux chiite iranien. L'Irak est "libanisé" à son tour. Le grand rêve perse de l'Iran prend forme. Personne n'a les moyens de s'y opposer et le temps joue en sa faveur. L'ordre sunnite est bien mal en point, l'histoire est en train de se renverser.
Soyons visionnaires. Les sunnites irakiens craignent l'annexion rampante de l'Irak par l'Iran. Ils ont raison. Mais, sans aller jusque-là, parlons d'une simple mainmise de l'Iran sur l'Irak, comme au Liban via le Hezbollah, par exemple. Cela ne revient-il pas à dire que l'Iran contrôlera, d'ici une génération, le marché international du pétrole ?
L'Arabie saoudite, plus gros producteur mondial de brut, produit quelque 9,5 Mbj. L'Irak veut faire augmenter sa production à 4 Mbj d'ici cinq ans. Elle peut la faire monter à 5 ou 6 millions de barils dans les années qui suivent. L'Iran produit quelque 4 Mbj. Bien en deçà de sa capacité maximale, étant donné l'état de délabrement de ses industries et infrastructures pétrolières et gazières.
À eux deux, l'Irak et l'Iran pourraient produire plus que l'Arabie saoudite ne le pourra jamais. Dans un tel scénario, ils auraient la capacité d'imposer les prix en contrôlant le robinet du brut, donc les volumes. Sachant qu'on s'achemine vers une insuffisance criante d'offre de brut d'ici quelques années compte tenu de la demande explosive à venir des Bric, leur pouvoir n'en serait que renforcé.
De quoi propulser le cours du brut bien au-dessus des 150 $ le baril. Un scénario explosif. Qui, aujourd'hui, est capable de l'enrayer ? A priori, personne.
Isabelle Mouilleseaux
MoneyWeek.
N'ayons pas peur de le dire. Si les Américains ont pris le risque d'entrer en Irak, c'est parce que ce pays est une pièce capitale sur l'échiquier international du pétrole. Bush et le lobby pétrolier n'ont toujours fait qu'un. Et la sécurisation des approvisionnements en pétrole est plus que stratégique pour les États- Unis. Il y aurait l'équivalent de 115 Mds$ de réserves prouvées dans le sous-sol irakien.
C'est la troisième réserve mondiale, derrière l'Arabie saoudite et l'Iran. Et encore... Les sous-sols sont loin d'avoir été "sondés" de façon exhaustive. Il se pourrait qu'ils recèlent encore bien des trésors dissimulés. Pour l'instant, le pays ne produit que 2,4 millions de barils par jour (Mbj) et ses infrastructures sont obsolètes. Pour doubler la capacité journalière de production à 5-6 Mbj d'ici cinq à dix ans, il suffirait d'investir. Beaucoup.
Cerise sur le gâteau, le coût de production d'un baril en Irak s'élève de 3 à 5 $ seulement. Très loin des 70 $ pour le baril de schiste bitumineux canadien. Une bénédiction. Mais voilà, en détruisant l'armée irakienne, qui "tenait" le pays d'une main de fer, et en annihilant l'ordre irakien établi, les États-Unis ont créé le chaos et livré l'Irak sunnite pieds et poings liés à l'Iran, chiite. Le pays des mollahs n'a pas son pareil pour s'installer sournoisement, lentement mais sûrement dans un pays où règne le vide.
Il a fallu vingt-cinq ans aux quelques gardes de la Révolution envoyés par l'Iran au Liban pour monter ex nihilo un véritable État dans l'État, le Hezbollah. Son objectif : prendre le pouvoir par les urnes. L'Iran applique le même procédé dans la bande de Gaza avec le Hamas et il a des visées dans tout le golfe Persique. Mais, surtout, l'Iran phagocyte l'Irak à tous les niveaux. Partis politiques, pouvoir central, police, commerce, milices, mosquées...
Téhéran tire les ficelles
L'ombre iranienne plane partout ; dans le plus grand secret, Téhéran tire les ficelles. Même le pouvoir religieux chiite modéré en place n'aura pas résisté longtemps à la montée en puissance du pouvoir religieux chiite iranien. L'Irak est "libanisé" à son tour. Le grand rêve perse de l'Iran prend forme. Personne n'a les moyens de s'y opposer et le temps joue en sa faveur. L'ordre sunnite est bien mal en point, l'histoire est en train de se renverser.
Soyons visionnaires. Les sunnites irakiens craignent l'annexion rampante de l'Irak par l'Iran. Ils ont raison. Mais, sans aller jusque-là, parlons d'une simple mainmise de l'Iran sur l'Irak, comme au Liban via le Hezbollah, par exemple. Cela ne revient-il pas à dire que l'Iran contrôlera, d'ici une génération, le marché international du pétrole ?
L'Arabie saoudite, plus gros producteur mondial de brut, produit quelque 9,5 Mbj. L'Irak veut faire augmenter sa production à 4 Mbj d'ici cinq ans. Elle peut la faire monter à 5 ou 6 millions de barils dans les années qui suivent. L'Iran produit quelque 4 Mbj. Bien en deçà de sa capacité maximale, étant donné l'état de délabrement de ses industries et infrastructures pétrolières et gazières.
À eux deux, l'Irak et l'Iran pourraient produire plus que l'Arabie saoudite ne le pourra jamais. Dans un tel scénario, ils auraient la capacité d'imposer les prix en contrôlant le robinet du brut, donc les volumes. Sachant qu'on s'achemine vers une insuffisance criante d'offre de brut d'ici quelques années compte tenu de la demande explosive à venir des Bric, leur pouvoir n'en serait que renforcé.
De quoi propulser le cours du brut bien au-dessus des 150 $ le baril. Un scénario explosif. Qui, aujourd'hui, est capable de l'enrayer ? A priori, personne.
Isabelle Mouilleseaux
MoneyWeek.
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