En Algérie, les langues en usage utilisés par les Algériens pour leur besoin de communication, à des degrés de maîtrise inégaux, sont d’un côté les langues nationales (l’arabe dans ses différentes acceptions, tamazight), et de l’autre côté nous avons les langues étrangères (français, anglais...).
Abstraction faite du critère national ou étranger, nous avons, à première vue quatre langues importantes, de par leur usage et leur statut en Algérie. Nous avons l’arabe classique comme langue officielle, le français langue étrangère, l’arabe algérien comme langue d’usage quotidien dans les cadres informels et tamazight. Bien que tamazight soit moins répandu dans l’usage que l’arabe algérien, mais, ces dernières années, et sous pression d’un mouvement de revendication identitaire, il est promu langue nationale et introduit dans le système éducatif, notamment dans les régions kabylophones.
L’anglais aussi est présent dans le champ linguistique algérien. Officiellement, l’anglais est la deuxième langue étrangère après le français, il est enseigné à partir du collège à raison de 3 heures par semaine. Nous ne l’avons pas inclus dans notre analyse parce qu’il ne se présente pas avec la même intensité que les langues sus-citées. Aussi, les rapports que les locuteurs algériens entretiennent avec l’anglais ne sont pas aussi conflictuels que les rapports qu’ils entretiennent avec l’arabe, le français et tamazight.
Comment et par quoi sont caractérisées les langues en contact en Algérie ?
L’arabe classique
L’arabe classique renvoie dans son acception à “… cette langue surnommée, surévaluée, d’essence divine, modèle de la littérature classique et moderne… “ [1]. Il est défini aussi par la fixation de sa forme et la régularité de ses règles grammaticales et surtout par leur abondance qui le rendent très compliquée pour l’apprentissage et inexploitable pour toute communication à usage quotidien. Quoique officielle, pourvu d’un prestige important, l’arabe classique n’est langue maternelle de personne. Elle ne connaît pas un usage spontané, elle est exclusivement apprise par le biais des institutions scolaires et utilisée dans les contextes formels particuliers.
L’arabe algérien
L’arabe algérien, dans ses différentes variantes, appartient à la sphère maghrébine. “Cette sphère maghrébine assez spécifique a été marquée par le conservatisme de ses locuteurs, l’influence hilalienne et l’existence de noyaux irréductibles de très vieilles variétés qui remontent à l’arrivée des premières tribus arabes, l’influence andalouse avec l’arrivée de milliers de réfugiés andalous après la reconquista au XVe siècle, par le substrat berbère (…) et a subi plus tard les influences successives de l’espagnol, de l’italien mais surtout du turc (…) et du français après la colonisation” [2] . En effet, l’arabe populaire algérien, et de manière générale l’arabe populaire maghrébin, est différent des dialectes parlés au Moyen-Orient. “Cette différence, comme le souligne aussi Rabah Kahlouche, est due aux contacts des parlers arabes avec le berbère…”
L’arabe algérien, appelé aussi darija, est éclaté en plusieurs parlers régionaux non écrits et non normalisés. Malgré cet éclatement, il demeure la première langue de communication des Algériens. Il sert également souvent de langue véhiculaire entre locuteurs de communautés amazighophones éloignées géographiquement lorsque l’intercompréhension est jugée laborieuse. Considéré par beaucoup comme un registre bas, voire une variante “dégénérée” de l’arabe classique, il ne bénéficie d’aucun prestige.
L’arabe moderne
Les sociolinguistes algériens font part ces dernières années de l’émergence d’une autre variété d’arabe qui serait une variante intermédiaire entre les deux précédentes, à savoir l’arabe classique et à l’arabe populaire algérien. L’émergence de cette nouvelle variante concerne tous les Etats du Maghreb, d’ailleurs au Maroc on parle de l’arabe marocain médian [3].
En Algérie, cette variété est appelée tantôt arabe standard, tantôt arabe scolaire ou arabe moderne. Aussi différentes que soient les dénominations, ces arabes renvoient à une même réalité linguistique. Même si les sociolinguistiques ne semblent pas d’accord sur la dénomination à attribuer à cette nouvelle variété de l’arabe, ils semblent tous d’accord qu’il s’agit d’une langue de communication d’une élite ayant suivi un cursus scolaire plus ou moins long. A propos de la langue moderne, Helmy Brahim note : “L’arabe moderne, langue des mass médias, du débat politique, de la littérature contemporaine, des échanges universitaires est de plus en plus (...) forme de communication entre deux arabes venant de pays arabes différents à condition qu’ils aient suivi une scolarité minimum et qu’ils ne disposent pas de la possibilité de s’exprimer dans une autre langue véhiculaire "[4]. Et à propos de l’arabe standard, Taleb Ibrahim Khaoula note : “L’arabe standard est bien, à l’heure actuelle, le support de la littérature moderne avec l’apparition d’une nouvelle forme d’écriture arabe, mais il est surtout vulgarisé par les mass médias écrits et parlés qui contribuent à son expansion et par là même à son uniformisation dans toute l’aire arabophone”[5].
Bien que cette nouvelle variante de l’arabe s’impose de plus en plus dans le paysage linguistique algérien, l’arabe classique garde toujours son prestige. “En Algérie, plus que partout ailleurs, lorsqu’on parle de la langue arabe, c’est bien entendu à l’arabe classique que l’on fait référence”[6].
Tamazight
La langue berbère ou langue amazighe* est une langue ancestrale à tradition orale. Elle couvrait un immense territoire allant de l’Egypte à l’Atlantique, en passant par la Méditerranée jusqu’au-delà du fleuve du Niger. Cette immensité territoriale a favorisé l’éclatement de cette langue en plusieurs dialectes éloignés l’un de l’autre. Actuellement, la langue amazighe “est un concept essentiellement linguistique, il ne correspond pas à une réalité socio-linguistique homogène dans la conscience des locuteurs” [7]. Certains linguistes algériens [8] parlent plutôt de langues amazighes au pluriel, puisque chaque dialecte évolue séparément engendrant ainsi une incompréhension interdialectale.
Comme le souligne Salem Chaker : “En Algérie, la principale région berbérophone est la Kabylie. D ’une superficie relativement limitée mais très densément peuplée, la Kabylie compte à elle seule probablement plus de deux tiers des berbérophones algériens. Les autres groupes berbérophones significatifs sont : les Chaouïa de l’Aurès (…), le Mzab (Ghardaïa et les autres villes Ibadhites) (…). Il existe de nombreux autres groupes berbérophones en Algérie, mais il s’agit toujours de petits îlots résiduels, ne dépassant pas – dans les meilleurs des cas – quelques dizaines de milliers de locuteurs : Ouargla, Nouça, sud-Oranais, Djebel Bissa, Chenoua… “ [9]. Ainsi, nous dénombrons trois importants groupes berbérophones :
1- La Kabylie dont le dialecte est le kabyle qui couvre une grande partie du centre du pays (Tizi-Ouzou, Béjaïa, Bouira, Boumerdès, Sétif et Alger). Ce dialecte est éclaté en plusieurs parlers régionaux se distinguant par plusieurs particularités lexicales, parfois même syntaxiques, mais l’intercompréhension est souvent assurée.
2- Les Chaouïa de l’Aurès dont le dialecte est le chaoui qui couvre une partie de l’est du pays (Batna, Biskra, Oum El-Bouaghi, Aïn Mlila, Aïn Beïda). Ce dialecte connaît aussi un éclatement en plusieurs parlers distincts que les locuteurs reconnaissent facilement comme le chaoui.
3- Le Mzab dont le dialecte est le mozabite qui couvre Ghardaïa et les autres villes ibadhites.
4- Le tergui dit tamachakt est un dialecte parlé au sud du pays. Il est très loin des dialectes sus-cités et se démarque d’eux du point de vue lexical, phonétique et même syntaxique.
Par ailleurs, on dénombre plusieurs autres parlers comme le chalhi, le chanoui, le ouarglais… jadis fort présents dans le paysage linguistique algérien, et qui maintenant sont supplantés par l’arabe.
Cependant, cet arabe est souvent parsemé de mots appartenant à ces dialectes comme preuve de leur existence.
Miloud Taïfi caractérise la situation du berbère ou de tamazight comme “… une construction pyramidale dont la base est constituée par les parlers locaux et le sommet par ce que l’on convient d’appeler la langue berbère dont le nom de plus en plus utilisé est le tamazight. Les faces de la pyramide représentent les supra-systèmes qui sont naturellement moins nombreux que les parlers” [10].
Plus loin il ajoute : "Le berbère est donc un système linguistique-type, un modèle abstrait constitué de l’ensemble des propriétés et des traits structuraux de tous les parlers et supra-systèmes.” Les supra-systèmes dont parle Taïfi sont l’équivalent des dialectes sus-cités.
Actuellement, tous les dialectes berbères ou amazighs, ou les supra-systèmes selon Taïfi, connaissent une concurrence rude avec l’arabe algérien et le français notamment dans les villes du centre, accusant ainsi un net recul dans le statut et l’usage, pour se voir confinés dans les zones montagneuses et les usages domestiques.
Cependant, tamazight est désormais admis dans certaines sphères comme l’école et les médias qui jusque-là lui étaient interdites. Son introduction dans le système éducatif algérien pourrait tout particulièrement changer la donne en sa faveur.
Cette nouvelle situation est spécialement à l’avantage du kabyle, puisque, d’une part, son enseignement est fort présent et, d’autre part, parce que les manuels de l’enseignement de tamazight sont rédigés en kabyle avec seulement quelques textes en chaoui.
Abstraction faite du critère national ou étranger, nous avons, à première vue quatre langues importantes, de par leur usage et leur statut en Algérie. Nous avons l’arabe classique comme langue officielle, le français langue étrangère, l’arabe algérien comme langue d’usage quotidien dans les cadres informels et tamazight. Bien que tamazight soit moins répandu dans l’usage que l’arabe algérien, mais, ces dernières années, et sous pression d’un mouvement de revendication identitaire, il est promu langue nationale et introduit dans le système éducatif, notamment dans les régions kabylophones.
L’anglais aussi est présent dans le champ linguistique algérien. Officiellement, l’anglais est la deuxième langue étrangère après le français, il est enseigné à partir du collège à raison de 3 heures par semaine. Nous ne l’avons pas inclus dans notre analyse parce qu’il ne se présente pas avec la même intensité que les langues sus-citées. Aussi, les rapports que les locuteurs algériens entretiennent avec l’anglais ne sont pas aussi conflictuels que les rapports qu’ils entretiennent avec l’arabe, le français et tamazight.
Comment et par quoi sont caractérisées les langues en contact en Algérie ?
L’arabe classique
L’arabe classique renvoie dans son acception à “… cette langue surnommée, surévaluée, d’essence divine, modèle de la littérature classique et moderne… “ [1]. Il est défini aussi par la fixation de sa forme et la régularité de ses règles grammaticales et surtout par leur abondance qui le rendent très compliquée pour l’apprentissage et inexploitable pour toute communication à usage quotidien. Quoique officielle, pourvu d’un prestige important, l’arabe classique n’est langue maternelle de personne. Elle ne connaît pas un usage spontané, elle est exclusivement apprise par le biais des institutions scolaires et utilisée dans les contextes formels particuliers.
L’arabe algérien
L’arabe algérien, dans ses différentes variantes, appartient à la sphère maghrébine. “Cette sphère maghrébine assez spécifique a été marquée par le conservatisme de ses locuteurs, l’influence hilalienne et l’existence de noyaux irréductibles de très vieilles variétés qui remontent à l’arrivée des premières tribus arabes, l’influence andalouse avec l’arrivée de milliers de réfugiés andalous après la reconquista au XVe siècle, par le substrat berbère (…) et a subi plus tard les influences successives de l’espagnol, de l’italien mais surtout du turc (…) et du français après la colonisation” [2] . En effet, l’arabe populaire algérien, et de manière générale l’arabe populaire maghrébin, est différent des dialectes parlés au Moyen-Orient. “Cette différence, comme le souligne aussi Rabah Kahlouche, est due aux contacts des parlers arabes avec le berbère…”
L’arabe algérien, appelé aussi darija, est éclaté en plusieurs parlers régionaux non écrits et non normalisés. Malgré cet éclatement, il demeure la première langue de communication des Algériens. Il sert également souvent de langue véhiculaire entre locuteurs de communautés amazighophones éloignées géographiquement lorsque l’intercompréhension est jugée laborieuse. Considéré par beaucoup comme un registre bas, voire une variante “dégénérée” de l’arabe classique, il ne bénéficie d’aucun prestige.
L’arabe moderne
Les sociolinguistes algériens font part ces dernières années de l’émergence d’une autre variété d’arabe qui serait une variante intermédiaire entre les deux précédentes, à savoir l’arabe classique et à l’arabe populaire algérien. L’émergence de cette nouvelle variante concerne tous les Etats du Maghreb, d’ailleurs au Maroc on parle de l’arabe marocain médian [3].
En Algérie, cette variété est appelée tantôt arabe standard, tantôt arabe scolaire ou arabe moderne. Aussi différentes que soient les dénominations, ces arabes renvoient à une même réalité linguistique. Même si les sociolinguistiques ne semblent pas d’accord sur la dénomination à attribuer à cette nouvelle variété de l’arabe, ils semblent tous d’accord qu’il s’agit d’une langue de communication d’une élite ayant suivi un cursus scolaire plus ou moins long. A propos de la langue moderne, Helmy Brahim note : “L’arabe moderne, langue des mass médias, du débat politique, de la littérature contemporaine, des échanges universitaires est de plus en plus (...) forme de communication entre deux arabes venant de pays arabes différents à condition qu’ils aient suivi une scolarité minimum et qu’ils ne disposent pas de la possibilité de s’exprimer dans une autre langue véhiculaire "[4]. Et à propos de l’arabe standard, Taleb Ibrahim Khaoula note : “L’arabe standard est bien, à l’heure actuelle, le support de la littérature moderne avec l’apparition d’une nouvelle forme d’écriture arabe, mais il est surtout vulgarisé par les mass médias écrits et parlés qui contribuent à son expansion et par là même à son uniformisation dans toute l’aire arabophone”[5].
Bien que cette nouvelle variante de l’arabe s’impose de plus en plus dans le paysage linguistique algérien, l’arabe classique garde toujours son prestige. “En Algérie, plus que partout ailleurs, lorsqu’on parle de la langue arabe, c’est bien entendu à l’arabe classique que l’on fait référence”[6].
Tamazight
La langue berbère ou langue amazighe* est une langue ancestrale à tradition orale. Elle couvrait un immense territoire allant de l’Egypte à l’Atlantique, en passant par la Méditerranée jusqu’au-delà du fleuve du Niger. Cette immensité territoriale a favorisé l’éclatement de cette langue en plusieurs dialectes éloignés l’un de l’autre. Actuellement, la langue amazighe “est un concept essentiellement linguistique, il ne correspond pas à une réalité socio-linguistique homogène dans la conscience des locuteurs” [7]. Certains linguistes algériens [8] parlent plutôt de langues amazighes au pluriel, puisque chaque dialecte évolue séparément engendrant ainsi une incompréhension interdialectale.
Comme le souligne Salem Chaker : “En Algérie, la principale région berbérophone est la Kabylie. D ’une superficie relativement limitée mais très densément peuplée, la Kabylie compte à elle seule probablement plus de deux tiers des berbérophones algériens. Les autres groupes berbérophones significatifs sont : les Chaouïa de l’Aurès (…), le Mzab (Ghardaïa et les autres villes Ibadhites) (…). Il existe de nombreux autres groupes berbérophones en Algérie, mais il s’agit toujours de petits îlots résiduels, ne dépassant pas – dans les meilleurs des cas – quelques dizaines de milliers de locuteurs : Ouargla, Nouça, sud-Oranais, Djebel Bissa, Chenoua… “ [9]. Ainsi, nous dénombrons trois importants groupes berbérophones :
1- La Kabylie dont le dialecte est le kabyle qui couvre une grande partie du centre du pays (Tizi-Ouzou, Béjaïa, Bouira, Boumerdès, Sétif et Alger). Ce dialecte est éclaté en plusieurs parlers régionaux se distinguant par plusieurs particularités lexicales, parfois même syntaxiques, mais l’intercompréhension est souvent assurée.
2- Les Chaouïa de l’Aurès dont le dialecte est le chaoui qui couvre une partie de l’est du pays (Batna, Biskra, Oum El-Bouaghi, Aïn Mlila, Aïn Beïda). Ce dialecte connaît aussi un éclatement en plusieurs parlers distincts que les locuteurs reconnaissent facilement comme le chaoui.
3- Le Mzab dont le dialecte est le mozabite qui couvre Ghardaïa et les autres villes ibadhites.
4- Le tergui dit tamachakt est un dialecte parlé au sud du pays. Il est très loin des dialectes sus-cités et se démarque d’eux du point de vue lexical, phonétique et même syntaxique.
Par ailleurs, on dénombre plusieurs autres parlers comme le chalhi, le chanoui, le ouarglais… jadis fort présents dans le paysage linguistique algérien, et qui maintenant sont supplantés par l’arabe.
Cependant, cet arabe est souvent parsemé de mots appartenant à ces dialectes comme preuve de leur existence.
Miloud Taïfi caractérise la situation du berbère ou de tamazight comme “… une construction pyramidale dont la base est constituée par les parlers locaux et le sommet par ce que l’on convient d’appeler la langue berbère dont le nom de plus en plus utilisé est le tamazight. Les faces de la pyramide représentent les supra-systèmes qui sont naturellement moins nombreux que les parlers” [10].
Plus loin il ajoute : "Le berbère est donc un système linguistique-type, un modèle abstrait constitué de l’ensemble des propriétés et des traits structuraux de tous les parlers et supra-systèmes.” Les supra-systèmes dont parle Taïfi sont l’équivalent des dialectes sus-cités.
Actuellement, tous les dialectes berbères ou amazighs, ou les supra-systèmes selon Taïfi, connaissent une concurrence rude avec l’arabe algérien et le français notamment dans les villes du centre, accusant ainsi un net recul dans le statut et l’usage, pour se voir confinés dans les zones montagneuses et les usages domestiques.
Cependant, tamazight est désormais admis dans certaines sphères comme l’école et les médias qui jusque-là lui étaient interdites. Son introduction dans le système éducatif algérien pourrait tout particulièrement changer la donne en sa faveur.
Cette nouvelle situation est spécialement à l’avantage du kabyle, puisque, d’une part, son enseignement est fort présent et, d’autre part, parce que les manuels de l’enseignement de tamazight sont rédigés en kabyle avec seulement quelques textes en chaoui.
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