LE RACISME DE L’HOMME BLANC
Une réalité incontestable
«Il n’y a pas eu de changements structurels fondamentaux en Amérique. Il y a eu un changement symbolique de taille avec l’élection de Barack Obama. Mais les seuls Noirs qui vivent vraiment dans un monde sans discrimination raciale aux Etats-Unis habitent tous dans une très jolie maison, au 1600 Pennsylvania Avenue (adresse de la Maison-Blanche)».
Prof. Henry Louis Gates
Un fait en apparence banal vient remettre les pendules à l’heure aux Etats-Unis, patrie de la liberté, de la libre entreprise: Il s’agit ni plus ni moins de la survivance des vieux démons du racisme. De quoi s’agit-il cette fois? Dans un quartier chic, un monsieur tente d’ouvrir la porte d’une maison, en vain, il se fait aider par quelqu’un. Cette opération attire l’attention d’une âme charitable qui appelle la police en signalant que deux personnes avec des sacs tentaient de forcer l’ouverture d’une porte. Deux policiers arrivent et finissent par interpeller l’un d’eux, le menottent et l’amènent au poste pour interrogatoire. Quoi de plus banal? Pourtant cette affaire a remué les Etats-Unis à commencer par le président Obama. En fait, la personne qui tentait d’ouvrir la porte était noire. Cest un professeur d’université émérite à l’université de Harvard, il a été classé parmi les 25 Américains les plus influents en 1997 par Time Magazine. Il rentrait chez lui après trois mois d’absence et avait des problèmes avec la serrure; il s’est fait aider par son chauffeur. Les Américains rapporte le journal le Monde, n’ont pas fini d’entendre parler du 16 juillet, jour où Henry Louis Gates Jr., l’un de leurs professeurs les plus connus, titulaire de la chaire d’études africaines-américaines à Harvard, a été arrêté chez lui comme un vulgaire malfrat par un policier blanc du commissariat de Cambridge, dans le Massachusetts. La victime a promis d’en tirer toutes les leçons. ´´J’en ferai un documentaire, a-t-il juré. Le système de justice pénale est vraiment pourri.´´ Le professeur revenait d’un séjour en Chine, où il était allé enquêter sur les origines familiales du violoncelliste Yo-Yo Ma.(...) Il a aussi fondé un site Internet ´´black´´, financé par le Washington Post, The Root. A Cambridge, où il habite sur Ware Street, dans une maison à quelques blocs de l’université, les gens le saluent dans la rue.(1)
La polémique
(...) A ce stade, les versions divergent. Le professeur Gates a montré ses papiers, prouvé qu’il était chez lui, et à son tour, a demandé à son interlocuteur de justifier de son identité. Le sergent James Crowley, onze ans de métier, aurait refusé et le professeur Gates aurait dénoncé un délit de faciès. La discussion s’est terminée au poste, où l’universitaire, un homme de 58 ans et d’allure plutôt chétive, est arrivé menotté. Il n’est ressorti qu’au bout de quatre heures. L’incident, qui s’est déroulé suivant un scénario bien connu des Noirs américains, a réveillé les réflexes classiques. ´´Les seules personnes qui vivent dans un monde post-racial sont les quatre habitants´´ de la Maison-lanche, a commenté M.Gates, amer. Dans le Washington Post, le journaliste Wil Haygood a raconté d’expérience ce moment où, quel que soit le statut social, les individus reproduisent des comportements qui les dépassent: ´´Oubliez Harvard, (M.Gates) est dans cette zone délicate où se rencontrent la peau noire et les forces de l’ordre (...) Ce moment où l’homme noir porte une éternité pour bagage.´´(1)
Pendant sa conférence de presse, à la Maison-Blanche, le président Obama a été interrogé sur l’incident. ´´Skip est un ami, a-t-il dit, en utilisant le surnom du professeur. Je risque d’être partial.´´ ´´D’abord, je crois qu’on peut dire que nous serions tous assez en colère (dans cette situation). Deuxièmement, la police de Cambridge a été stupide d’arrêter quelqu’un alors que la preuve était établie qu’il était dans sa propre maison. Troisièmement, cet incident nous rappelle qu’il y a une longue habitude dans ce pays de contrôler les Africains-américains et les Latinos de manière disproportionnée.´´ Barack Obama s’est pris dans un de ces accès de fièvre auxquels peut donner lieu la confrontation d’un policier blanc et d’un Noir. Mais l’intensité de la polémique n’aurait probablement pas été aussi forte si l’universitaire n’avait pas été un ami de longue date du président et si ce dernier n’était pas intervenu. Devant l’ampleur des réactions, notamment après son intervention qualifié de «militante» pour la cause noire, Barack Obama a annoncé avoir appelé le sergent Crowley, le policier qui a arrêté le professeur Henry Louis Gates de Harvard. Il regrette apparemment d’avoir parlé de ´´stupidité´´ de la police. Même s’il était en colère, le policier aurait dû comprendre que l’incident avait remué le couteau dans la plaie et que c’était moyennement futé d’insister...Etant un spécialiste du ´´racial profiling´´, il aurait pu faire preuve d’un peu de psychologie? Il s’agit moins de racisme que de perceptions. Bref, si le policier avait eu affaire avec un vieux lawyer de Cambridge, grumpy mais blanc, se serait-il senti obligé de lui passer les menottes parce qu’il était en compagnie de deux autres policiers, dont un Noir?
Mais pour le New Tork Times, l’intrusion du président américain marque surtout un tournant politique. ´´En public, M.Obama a toujours cherché à transcender, voire éviter, la question raciale. En tant que candidat, il a essayé de limiter ses références raciales à la difficulté d’arrêter un taxi à New York (...). Mais, en réalité, la discrimination raciale a été un sujet majeur pour M.Obama lorsqu’il était représentant de l’Illinois.´´ Ce qui est surprenant, conclut le journal, c’est moins la réponse de Barack Obama que le fait qu’elle sorte de la bouche du président. Pour l’anecdote, au cours de sa conversation avec le policier, il a été question d’une bière que le président, le sergent et l’universitaire partageraient à la Maison-Blanche. Henry Louis Gates Jr a déclaré dans un courriel adressé vendredi soir au journal The Boston Globe qu’il acceptait l’invitation de Barack Obama à se rendre à la Maison-Blanche avec le sergent Crowley.(2)
D’après la version de la police, Gates aurait été arrêté après avoir harcelé le policier qui essayait de s’assurer qu’il était bien le propriétaire de la maison et ´´que l’endroit était sûr´´. (...) Loin d’ignorer la requête de l’officier de police, Gates serait ensuite allé chercher un badge d’identification de Harvard et son permis de conduire valide qui se trouvaient dans une mallette dans la cuisine Quand Gates a demandé au policier de s’identifier, ce dernier n’a pas répondu malgré la demande repétée à plusieurs reprises. Le policier a quitté la cuisine sans répondre, et sans dire que des charges étaient retenues contre Gates. Ce n’est que lorsque Gates l’a suivi dehors que le policier l’a remercié ´´d’avoir répondu à sa première requête´´, puis l’a menotté devant l’entrée de sa maison (...) Finalement relâché par la police après avoir été détenu 4 heures dans un commissariat, Henry Louis Gates qui n’a pas parlé aux médias depuis l’incident, se sentirait selon un de ses collègues ´´humilié´´ et ´´atteint´´.(2)
Dans un entretien à «The Root», Henry Louis Gates évoque son arrestation et le scandale de la discrimination raciale aux Etats-Unis.: Je suis scandalisé. Je n’arrive pas à croire qu’un membre de la police de Cambridge puisse traiter un Afro-américain de cette façon, et je suis stupéfié que cela me soit arrivé; et, plus important encore, je suis consterné que cela puisse arriver à n’importe quel citoyen des États-Unis, quelle que soit sa couleur. (...) Je veux faire mon possible pour que tout policier y réfléchisse à deux fois avant de se comporter de cette manière.
à suivre...
Une réalité incontestable
«Il n’y a pas eu de changements structurels fondamentaux en Amérique. Il y a eu un changement symbolique de taille avec l’élection de Barack Obama. Mais les seuls Noirs qui vivent vraiment dans un monde sans discrimination raciale aux Etats-Unis habitent tous dans une très jolie maison, au 1600 Pennsylvania Avenue (adresse de la Maison-Blanche)».
Prof. Henry Louis Gates
Un fait en apparence banal vient remettre les pendules à l’heure aux Etats-Unis, patrie de la liberté, de la libre entreprise: Il s’agit ni plus ni moins de la survivance des vieux démons du racisme. De quoi s’agit-il cette fois? Dans un quartier chic, un monsieur tente d’ouvrir la porte d’une maison, en vain, il se fait aider par quelqu’un. Cette opération attire l’attention d’une âme charitable qui appelle la police en signalant que deux personnes avec des sacs tentaient de forcer l’ouverture d’une porte. Deux policiers arrivent et finissent par interpeller l’un d’eux, le menottent et l’amènent au poste pour interrogatoire. Quoi de plus banal? Pourtant cette affaire a remué les Etats-Unis à commencer par le président Obama. En fait, la personne qui tentait d’ouvrir la porte était noire. Cest un professeur d’université émérite à l’université de Harvard, il a été classé parmi les 25 Américains les plus influents en 1997 par Time Magazine. Il rentrait chez lui après trois mois d’absence et avait des problèmes avec la serrure; il s’est fait aider par son chauffeur. Les Américains rapporte le journal le Monde, n’ont pas fini d’entendre parler du 16 juillet, jour où Henry Louis Gates Jr., l’un de leurs professeurs les plus connus, titulaire de la chaire d’études africaines-américaines à Harvard, a été arrêté chez lui comme un vulgaire malfrat par un policier blanc du commissariat de Cambridge, dans le Massachusetts. La victime a promis d’en tirer toutes les leçons. ´´J’en ferai un documentaire, a-t-il juré. Le système de justice pénale est vraiment pourri.´´ Le professeur revenait d’un séjour en Chine, où il était allé enquêter sur les origines familiales du violoncelliste Yo-Yo Ma.(...) Il a aussi fondé un site Internet ´´black´´, financé par le Washington Post, The Root. A Cambridge, où il habite sur Ware Street, dans une maison à quelques blocs de l’université, les gens le saluent dans la rue.(1)
La polémique
(...) A ce stade, les versions divergent. Le professeur Gates a montré ses papiers, prouvé qu’il était chez lui, et à son tour, a demandé à son interlocuteur de justifier de son identité. Le sergent James Crowley, onze ans de métier, aurait refusé et le professeur Gates aurait dénoncé un délit de faciès. La discussion s’est terminée au poste, où l’universitaire, un homme de 58 ans et d’allure plutôt chétive, est arrivé menotté. Il n’est ressorti qu’au bout de quatre heures. L’incident, qui s’est déroulé suivant un scénario bien connu des Noirs américains, a réveillé les réflexes classiques. ´´Les seules personnes qui vivent dans un monde post-racial sont les quatre habitants´´ de la Maison-lanche, a commenté M.Gates, amer. Dans le Washington Post, le journaliste Wil Haygood a raconté d’expérience ce moment où, quel que soit le statut social, les individus reproduisent des comportements qui les dépassent: ´´Oubliez Harvard, (M.Gates) est dans cette zone délicate où se rencontrent la peau noire et les forces de l’ordre (...) Ce moment où l’homme noir porte une éternité pour bagage.´´(1)
Pendant sa conférence de presse, à la Maison-Blanche, le président Obama a été interrogé sur l’incident. ´´Skip est un ami, a-t-il dit, en utilisant le surnom du professeur. Je risque d’être partial.´´ ´´D’abord, je crois qu’on peut dire que nous serions tous assez en colère (dans cette situation). Deuxièmement, la police de Cambridge a été stupide d’arrêter quelqu’un alors que la preuve était établie qu’il était dans sa propre maison. Troisièmement, cet incident nous rappelle qu’il y a une longue habitude dans ce pays de contrôler les Africains-américains et les Latinos de manière disproportionnée.´´ Barack Obama s’est pris dans un de ces accès de fièvre auxquels peut donner lieu la confrontation d’un policier blanc et d’un Noir. Mais l’intensité de la polémique n’aurait probablement pas été aussi forte si l’universitaire n’avait pas été un ami de longue date du président et si ce dernier n’était pas intervenu. Devant l’ampleur des réactions, notamment après son intervention qualifié de «militante» pour la cause noire, Barack Obama a annoncé avoir appelé le sergent Crowley, le policier qui a arrêté le professeur Henry Louis Gates de Harvard. Il regrette apparemment d’avoir parlé de ´´stupidité´´ de la police. Même s’il était en colère, le policier aurait dû comprendre que l’incident avait remué le couteau dans la plaie et que c’était moyennement futé d’insister...Etant un spécialiste du ´´racial profiling´´, il aurait pu faire preuve d’un peu de psychologie? Il s’agit moins de racisme que de perceptions. Bref, si le policier avait eu affaire avec un vieux lawyer de Cambridge, grumpy mais blanc, se serait-il senti obligé de lui passer les menottes parce qu’il était en compagnie de deux autres policiers, dont un Noir?
Mais pour le New Tork Times, l’intrusion du président américain marque surtout un tournant politique. ´´En public, M.Obama a toujours cherché à transcender, voire éviter, la question raciale. En tant que candidat, il a essayé de limiter ses références raciales à la difficulté d’arrêter un taxi à New York (...). Mais, en réalité, la discrimination raciale a été un sujet majeur pour M.Obama lorsqu’il était représentant de l’Illinois.´´ Ce qui est surprenant, conclut le journal, c’est moins la réponse de Barack Obama que le fait qu’elle sorte de la bouche du président. Pour l’anecdote, au cours de sa conversation avec le policier, il a été question d’une bière que le président, le sergent et l’universitaire partageraient à la Maison-Blanche. Henry Louis Gates Jr a déclaré dans un courriel adressé vendredi soir au journal The Boston Globe qu’il acceptait l’invitation de Barack Obama à se rendre à la Maison-Blanche avec le sergent Crowley.(2)
D’après la version de la police, Gates aurait été arrêté après avoir harcelé le policier qui essayait de s’assurer qu’il était bien le propriétaire de la maison et ´´que l’endroit était sûr´´. (...) Loin d’ignorer la requête de l’officier de police, Gates serait ensuite allé chercher un badge d’identification de Harvard et son permis de conduire valide qui se trouvaient dans une mallette dans la cuisine Quand Gates a demandé au policier de s’identifier, ce dernier n’a pas répondu malgré la demande repétée à plusieurs reprises. Le policier a quitté la cuisine sans répondre, et sans dire que des charges étaient retenues contre Gates. Ce n’est que lorsque Gates l’a suivi dehors que le policier l’a remercié ´´d’avoir répondu à sa première requête´´, puis l’a menotté devant l’entrée de sa maison (...) Finalement relâché par la police après avoir été détenu 4 heures dans un commissariat, Henry Louis Gates qui n’a pas parlé aux médias depuis l’incident, se sentirait selon un de ses collègues ´´humilié´´ et ´´atteint´´.(2)
Dans un entretien à «The Root», Henry Louis Gates évoque son arrestation et le scandale de la discrimination raciale aux Etats-Unis.: Je suis scandalisé. Je n’arrive pas à croire qu’un membre de la police de Cambridge puisse traiter un Afro-américain de cette façon, et je suis stupéfié que cela me soit arrivé; et, plus important encore, je suis consterné que cela puisse arriver à n’importe quel citoyen des États-Unis, quelle que soit sa couleur. (...) Je veux faire mon possible pour que tout policier y réfléchisse à deux fois avant de se comporter de cette manière.
à suivre...
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