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En Turquie, pire que la prison, la lecture

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  • En Turquie, pire que la prison, la lecture

    En Turquie, la législation turque autorise à surseoir à une peine de prison en imposant à l’accusé jusqu’à cinq ans de contrôle judiciaire assorti de l’obligation de lire et parfois aussi d’accomplir un travail d’intérêt général – faire le ménage dans une bibliothèque publique, par exemple.

    Ces jugements concernent des délits pour lesquels la peine encourue ne dépasse pas les trois ans de réclusion. Ils ne peuvent en outre s’appliquer qu’aux condamnés qui n’ont pas d’antécédents, font preuve de bonne conduite et manifestent des regrets.

    La première condamnation à la lecture d’un livre remonte à 2006.

    Alparslan Yigit avait été inculpé pour ébriété et tapage dans la ville de Yozgat [centre du pays]. Sa peine de quinze jours de prison avait été commuée en obligation de lire pendant une heure et demie par jour sous surveillance policière.

    Voici l’entretien qu’il avait accordé au journal local :

    "De quoi vous a-t-on accusé ?
    — On a dit que je m’étais comporté grossièrement, que j’ai hurlé alors que j’étais saoul.
    — Comment avez-vous réagi à l’énoncé de la peine ?
    — J’ai demandé au juge de me traiter comme tout le monde. Je lui ai dit : ‘Si vous me condamnez à lire un livre, les gens vont se moquer de moi !’ Pour moi, lire un livre, c’était comme faire la vaisselle à la maison. Mais le juge a maintenu cette peine. Je me suis enfui à Ankara. J’étais très perturbé.
    — Pourquoi êtes-vous revenu ?
    — Je suis resté six mois loin de chez moi. Puis je me suis rendu compte que je ne serais pas tranquille à moins de faire cette lecture.
    — Comment vous sentiez-vous en entrant pour la première fois dans la bibliothèque ?
    — Au début, c’était horrible. J’avais l’impression qu’on me torturait et que tous les habitants de la ville m’observaient et se moquaient de moi. — Quel était le titre du premier livre ? Avez-vous vraiment lu ?
    — J’ai commencé avec un livre sur les écrivains turcs. J’ai également lu la biographie d’Atatürk. C’étaient vraiment de gros livres. J’ai mis un mois entier à les lire. En réalité, je faisais semblant, je ne faisais que tourner les pages. Quand on m’a dit que le juge m’interrogerait sur le contenu, je me suis mis à lire vraiment. Je ne souhaite ça à personne, même à mon pire ennemi.
    — Vous est-il arrivé de vous dire que la prison aurait été préférable ?
    — C’est ce que je pensais. Mais le juge m’avait dit que le séjour en prison serait mentionné dans mon casier judiciaire et que je ne retrouverais donc plus de travail. Sans ça, qu’est-ce que ç’aurait été de passer quinze jours en prison ? J’en serais sorti la tête haute et j’aurais été fier de retrouver mes amis au café.
    — Et alors, maintenant, vous ne marchez pas la tête haute ?
    — Pas complètement. Je sais que les gens rigolent dans mon dos. Cela dit, j’ai appris beaucoup de choses qu’eux ignorent. Moi aussi je peux me moquer d’eux.
    — Est-ce que vous avez continué à lire depuis ?
    — J’ai compris que lire n’était pas si affreux que ça. Je me suis dit que le savoir avait du bon. J’aime bien les livres d’Ahmet Rasimet et de Refik Halit Karay. Maintenant, je lis à chaque fois que j’en ai l’occasion."

    A Diyarbakir, un juge a condamné un certain Hayrettin J. à offrir des fleurs à son épouse une fois par semaine durant cinq mois, pour le punir de l’avoir frappée et d’avoir pris une deuxième femme.

    Il faut rappeler que la loi turque interdit la polygamie, mais beaucoup de Turcs s’adressent à des hommes de religion afin de faire un deuxième mariage non officiel.

    Selon les informations du journal turc Taraf, Hayrettin travaille comme vigile dans une coopérative du bâtiment ainsi que dans une petite échoppe dont il est propriétaire. Il était marié depuis une vingtaine d’années avec Ayse, qui lui a donné sept enfants. Le bonheur de cette famille a été soumis à rude épreuve quand Hayrettin a pris une deuxième épouse. Ayse lui a alors demandé de l’installer dans une autre maison, afin de ne pas cohabiter avec cette femme. S’est ensuivie une dispute qui s’est terminée par des coups, Hayrettin frappant Ayse ainsi que son fils de 10 ans. Elle a alors quitté la maison et porté plainte.

    Lors des débats au tribunal, Hayrettin a étonné les juges et toute l’assistance en expliquant : “Je me suis disputé avec ma femme à cause de ma seconde épouse. Elle m’a demandé une maison à part pour elle. Je suis gardien et mon travail m’épuise. C’est possible que j’ai frappé mon fils, qui ne m’aide pas au travail.” Le juge lui a alors demandé s’il lui arrivait d’offrir des fleurs à sa femme. “Je ne sais pas la date de l’anniversaire de ma femme, ni la date de notre mariage et tout ça. Je ne lui ai jamais offert de fleurs”, avait-il répondu.

    Le juge l’a laissé en liberté conditionnelle, sous contrainte d’offrir des fleurs à sa femme, chaque semaine durant cinq mois, et de lire cinq livres, à raison d’un livre par mois, portant sur “les rapports familiaux et l’éducation des enfants”.

    Ce qui a provoqué la colère de Hayrettin : “Mon travail fait vivre dix personnes. Et le tribunal ne trouve rien de mieux à faire que de m’humilier aux yeux des habitants de Diyarbakir avec cette peine de fleurs. J’ai déjà fait de la prison, mais jamais je ne supporterai le ridicule d’offrir des fleurs. Je préfère divorcer. Que le tribunal s’occupe donc de ma femme et des enfants. Personne n’a le droit de jouer avec mon honneur.”

    Quant à Ömer Duman, 33 ans, il a été condamné à lire chaque mois un classique de la littérature mondiale, durant cinq ans.


    Marié depuis onze ans et père de deux enfants, il s’est disputé en mai 2009 avec sa femme Aynur, 28 ans, jusqu’à la gifler en pleine rue à Sarayköy (province de Denizli, dans le sud-ouest de l’Anatolie). La femme a porté plainte et la police a fait remonter l’affaire jusqu’au parquet. En vertu du jugement, Omar a reçu une carte d’abonné à la bibliothèque municipale et a commencé à lire Guerre et paix de Léon Tolstoï. Omar, qui a exprimé ses regrets et promis de ne plus jamais lever la main sur sa femme, avait déjà été condamné à un travail d’intérêt général dans un des services du tribunal pendant quatre mois et demi, pour avoir revendu un téléphone portable volé.

    Enfin, à Trabzon, la juge Zeynep Denizoglu a condamné Özgür Solmaz, 23 ans, pour avoir tiré en l’air avec son revolver pendant une dispute avec ses amis, et ce en état d’ébriété. La peine initiale d’un an de prison et d’une amende de 375 livres turques pour mise en danger d’autrui a été suspendue pour cinq ans, sous condition qu’il lise pendant les trois premiers mois des livres sur les dangers des armes à feu et qu’il distribue des brochures traitant de ce sujet dans des endroits passants de la ville.

    Tous les jugements prononcés par les tribunaux turcs ne sont évidemment pas aussi pittoresques. Ce n’est pas le lieu ici de parler des nombreuses plaintes déposées contre des écrivains et des intellectuels pour le simple fait d’avoir librement exprimé leurs idées, ni du nombre sans équivalent d’interdictions de partis politiques.

    Je me contenterai de parler de dix enfants mineurs qui croupissent en prison parce qu’ils sont soupçonnés d’avoir jeté des pierres sur la police lors d’une manifestation organisée par le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Ils ont été condamnés en vertu d’une loi antiterroriste qui permet de considérer des enfants comme des criminels.

    Toutefois, les accords entre la Turquie et l’Union européenne offrent aux citoyens turcs la possibilité de faire appel devant les tribunaux européens.

    La Cour européenne des droits de l’homme rétablit souvent le plaignant dans ses droits. Le dernier exemple en date est celui de Mme Nahide Obuz, qui avait accusé l’Etat turc de ne pas la protéger contre les violences de son mari. La Cour lui a donné raison et a condamné l’Etat turc à lui verser 36 500 euros.

    Ce qui a fait de la Turquie le premier pays condamné par la justice européenne pour une affaire de violences conjugales.

    Par Bakr Sidqi, An-Nahar, Courrier International

  • #2
    pire que la prison, la lecture
    On voit que ces malheureux condamnés ne connaissent pas leur chance de passer à côté de la prison !

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    • #3
      très intelligentes comme approches

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      • #4
        Le choix entre les deux (lire, ou aller en prison), est vite fait, je pense.
        Y a pas photo, là...
        Mieux vaut un cauchemar qui finit qu’un rêve inaccessible qui ne finit pas…

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