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Les leçons des émeutes intégristes de Jérusalem

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  • Les leçons des émeutes intégristes de Jérusalem

    Par Antonin Grégoire | Universitaire

    La ville trois fois sainte et capitale semi officielle de l'état d'Israël été, la semaine dernière, le théâtre d'émeutes extrêmement violentes. Dont on a peu parlé.

    A l'origine : une banale histoire de secte. Du genre de celles qui pourraient remplir les pages du rapport annuel de la Miviludes : une mère est arrêtée pour avoir mis son enfant en état de sous-nutrition. Après 18 mois de va et vient injustifié à l'hôpital, les médecins pensent au syndrome de Münchausen (provoquer une maladie pour attirer l'attention des médecins). La police intervient, arrête la malheureuse et met son enfant sous traitement à l'hôpital.

    Et c'est toute la communauté ultra-orthodoxe de Jérusalem qui hurle au scandale : comment l'état se permet-il d'intervenir dans « leurs » affaires ? Impensable à leurs yeux qu'une femme suivant la loi divine puisse être autre chose qu'une bonne « mère juive élevant ses cinq enfants avec amour et chaleur ». Pour la défendre, les orthodoxes envoient donc leur « armée ». Ainsi parlait un porte parole ultra-orthodoxe au micro de la radio de l'armée israélienne.

    La loi de l'intégriste

    En fait d'armée, une vraie mafia. Tabassage, racket, intimidation : Mea Sharim ressemble plus a un mauvais quartier de Naples qu'à un havre de paix où l'on étudierait paisiblement la Thorah. Attaques des travailleurs sociaux, intimidations des médecins, menaces et refus de collaborer, le policier chargé de l'affaire, évoquant le comportement de la famille de cette femme, dit que leurs méthodes n'embarrasseraient pas un « syndicat du crime ».

    Lorsqu'il y a trois semaines, Nir Barkat, le nouveau maire laïc de Jérusalem, veut ouvrir un parking le samedi pour réduire les embouteillages de touristes venus visiter la vielle ville le week-end, c'est le début de violentes tensions. Il est interdit d'allumer un feu (et donc un moteur de voiture) le jour du Sabbat. La loi de l'intégriste doit s'appliquer à tous.

    C'est ce qu'on appelle en Israël la « guerre du Sabbat ». Les laïcs le sentent bien : obliger tout le monde, de gré ou de force, à respecter le Sabbat, c'est petit à petit imposer à toute la société la loi religieuse, la loi de l'intégriste.

    Par contre l'intégriste ne conçoit pas que la loi générale s'impose à lui. L'arrestation mardi de cette femme faisant suite à trois semaines de tensions très violentes autour du parking fut donc le déclencheur d'émeutes : attaques d'écoles, incendies de poubelles, destructions de feux-rouges et une dizaine de policiers blessés.

    Mais si l'affaire du parking était téléguidée par des rabbins aigris de voir un laïc diriger la mairie de Jérusalem, les émeutes qui ont lieu aujourd'hui sont totalement dépourvues de leaders responsables.

    En fait les intégristes apparaissent (enfin) comme une bande de fous furieux incontrôlables, persuadés, d'après les graffitis sur les murs, que les « sionistes impures » ont enlevé cette femme pour mener sur elle des expériences à l'hôpital. Quant au parking, son ouverture prochaine risque de devenir dans ce contexte une opération quasi militaire.

    Le maire à répondu en interrompant tous les services étatiques dans les quartiers orthodoxes : punition collective et aveu de faiblesse d'un Etat démissionnaire. Soumission de la police qui a relâché la femme pour la confier à son rabbin, soumission des médecins qui ont accepté, sur chantage au boycotte de la part des ultra-orthodoxes, de laisser partir l'enfant.

    Les rapports entre les intégristes et l'Etat.

    L'Etat reconnait les mêmes droits et devoirs aux intégristes qu'aux autres. L'intégriste, lui, applique à la lettre une loi divine qu'il pense supérieure à la loi des hommes et qui embrasse tous les aspects de la vie sociale, privée et publique. Lorsqu'on l'empêche d'appliquer cette loi, c'est une atteinte à la liberté religieuse.

    L'Etat laisse donc se constituer des petites poches autonome échappant presque totalement à son autorité. La loi religieuse étant conçue pour s'appliquer à tous, ces poches ont vocation à s'étendre. Lorsque l'Etat refuse l'extension et rappelle dans ce but la loi générale, c'est une persécution.

    Car pour l'intégriste, l'Etat séculier est illégitime. Il ne l'accepte, en Israël, que parce qu'il bénéficie d'un certain nombre d'avantages (qui commencent à en agacer plus d'un) : pas de service militaire, avantages fiscaux et fortunes en allocations pour sa démographie galopante. Mais à terme, un seul et même but, le même que pour tous les intégristes de la planète : l'établissement d'une théocratie.

    Guerre civile programmée

    Un jour, la paix se fera avec les Palestiniens. Ce jour là, l'Etat d'Israël existera pleinement avec des frontières reconnues et stables. En admettant qu'ils acceptent cette paix et des frontières non bibliques, le moment sera venu pour les intégristes de faire d'Israël une théocratie.
    En clair, la paix avec les Palestiniens pourrait bien être le début de la guerre civile en Israël. C'est ce que certains experts nomment la « terrifiante idée de la paix ». Tout le monde le sent : ces tensions croissantes sont des tours de chauffe. En fait une excellente nouvelle : si les intégristes ont peur et se radicalisent, c'est qu'ils sentent bien que la paix se rapproche…

    Rue89
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