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L'impact environnemental et social des feux sur la planète

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  • L'impact environnemental et social des feux sur la planète

    Dix morts (huit en Espagne et deux en Italie). Des dizaines de milliers d'hectares ravagés dans la péninsule ibérique, en Sardaigne, en Sicile, en Corse-du-Sud ou en Grèce... Depuis la fin du mois de juillet, les incendies font rage dans le sud de l'Europe. La situation n'a rien d'exceptionnel : chaque été, ce sont en moyenne 600 000 hectares de forêt qui partent en fumée, dans le bassin méditerranéen.

    A l'échelle de la planète, "le feu dévore chaque année 350 millions d'hectares de terres boisées, de friches et de cultures, privant de leurs moyens d'existence des millions d'individus", s'alarme, dans une note du 27 juillet, l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO).

    Outre les pertes en vies humaines - 173 morts en février dans l'Etat australien de Victoria -, "la destruction du couvert végétal aggrave à la fois le réchauffement climatique, la pollution de l'air, la désertification et la perte de biodiversité", souligne-t-elle. Et d'appeler à un renforcement de la prévention, notamment dans les pays en développement qui sont les plus vulnérables. En Ethiopie et au Soudan par exemple, des millions d'hectares de terres sont détruits chaque année par les flammes.

    Le feu constitue pourtant un allié de la nature, permettant de réguler les écosystèmes forestiers et de renouveler leur biodiversité. Mais ce qui est vrai lorsque les incendies sont d'origine naturelle (la foudre le plus souvent) ou qu'ils sont contrôlés ne l'est plus lorsqu'ils sont provoqués par la densification de la population, le mitage des milieux forestiers et la déprise agricole. Et, surtout, lorsqu'ils se reproduisent à une fréquence trop rapide.

    L'impact de feux de forêt répétés a été étudié, pendant trois ans, par un réseau de laboratoires français (CNRS, INRA, Cemagref, Universités d'Aix, Marseille et Lyon). Les scientifiques ont pris comme observatoire le massif provençal des Maures, dont les peuplements de chênes-lièges, de chênes verts et de chênes blancs parsemés de pins maritimes, dominant un dense maquis de bruyères, d'arbousiers et de cistes, est représentatif de la végétation méditerranéenne. Et qui, de surcroît, sont régulièrement la proie des flammes.

    Les chercheurs ont comparé l'état des végétaux, des sols et de la biodiversité sur des placettes n'ayant pas brûlé depuis au moins cinquante ans et sur d'autres ayant subi jusqu'à cinq incendies plus ou moins rapprochés. Les résultats sont inquiétants, rapporte Michel Vennetier, spécialiste d'écologie forestière au Cemagref d'Aix-en-Provence et coordinateur de l'étude. Il faut attendre de cent cinquante à deux cents ans après un feu pour que la forêt retrouve une structure proche de son état originel. Au bout de cinquante ans, elle possède "une bonne résilience" - elle se régénère, les houppiers se reconstituent et les arbres font des rejets -, tout en restant "en limite de la rupture".

    Mais, dans le cas de feux multiples durant ce demi-siècle, "de nombreux paramètres chimiques et biologiques sont durablement altérés et marquent une dégradation globale des potentialités du système". Il existe un effet de seuil. "Une forêt peut se remettre d'une succession de trois incendies en 50 ans (soit un tous les 25 ans en moyenne), mais le quatrième est critique", indique le chercheur.

    Ce serait un moindre mal, si ne s'ajoutaient les sécheresses à répétition. Avec le même effet de seuil. "Trois années arides d'affilée sont supportables. La quatrième est de trop." Après les terribles incendies de l'été 2003, où 17 000 hectares de bois et de maquis avaient été calcinés dans le massif des Maures, la végétation avait commencé à reprendre, relate Michel Vennetier. Mais cinq années de déficit hydrique continu - avec des pluies inférieures de moitié à la normale - ont provoqué "un effondrement de l'écosystème". Depuis, on observe "une très forte mortalité des chênes-lièges".

    Conclusion des chercheurs : "Les effets conjugués de feux et de sécheresses répétés sont dévastateurs." Ils ne le mesurent pas seulement à la transformation du couvert forestier méditerranéen, dont "le plus probable" est qu'il cède la place à un paysage de maquis et de garrigue. Ils le voient aussi à la raréfaction de la matière organique végétale et de la microfaune présentes dans le sol : fourmis, cloportes, coléoptères, mille-pattes, araignées et surtout vers de terre, ces derniers jouant un rôle-clé dans la dynamique de la végétation.

    Sur neuf espèces de lombrics, il n'en subsiste plus que deux, à l'état sporadique, dans les zones marquées par une succession de feux et de sécheresses.

    Que faire ? "Protéger en priorité les forêts les plus anciennes (cent cinquante à deux cents ans), qui sont très rares et qui contiennent des espèces risquant de disparaître", préconisent les chercheurs.

    Mais aussi privilégier, dans les plans de prévention contre les incendies (pistes d'accès, localisation des citernes, coupures de végétation, tranchées pare-feu...), les secteurs ayant souvent brûlé.

    "Il est tentant de vouloir préserver une belle forêt plutôt qu'un peuplement déjà carbonisé plusieurs fois. Mais la première se régénérera naturellement. Pour le second, les conséquences d'un nouveau feu peuvent être irrémédiables."

    Par le Monde
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