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Collo vit au rythme de ses paradoxes

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  • Collo vit au rythme de ses paradoxes

    La ville de Collo était connue des Constantinois qui en faisaient leur deuxième cité durant les trois mois de l’été. Des relations plus fortes que la simple et périodique visite estivale unissait des pans de leurs populations. Mais cette notoriété allait dépasser cette frontière pour des raisons diverses.

    Une première fois, certainement quand l’équipe de football colliote accédait en division nationale une sous le sigle linguistiquement très écorché de Wifak El Khacheb walfelline lilqol (WKFC), une seconde fois en atteignant la finale de la Coupe d’Algérie face à la JS Kabylie, perdue par la plus petite des marges sur un but d’anthologie de son meneur de jeu, Ali Fergani (0-1), qui mettra fin à la résistance héroïque du légendaire Lamine Baghloul, le gardien volant.

    Enfin, les Algériens entendront encore parler de Collo mais dans un tout autre registre, à savoir celui du terrorisme dans la mesure où les luxuriants maquis de son massif abriteront les éléments de l’AIS des années 1990, voire après en attendant la réinsertion sociale desdits éléments.

    Mais ce qui n’est pas su, toutefois, et d’ailleurs apporte sa touche au surréalisme en ce sens que le destin politique de la région était pratiquement tracé, c’est que la commune de Collo a basculé dans le giron du RCD… Eh oui, le Rassemblement pour la culture et la démocratie depuis 2007. Comment interpréter une telle mutation face à laquelle n’importe quel analyste politique rationnel y perdrait sans doute son latin ? Pour imager d’ailleurs, ce qui s’apparentait aux yeux de certains à presque une hérésie, au lendemain de cette victoire du RCD, Saïd Sadi jubilait avec juste raison, en déclarant : «Cette victoire à Collo est l’équivalent dans son contexte de l’époque, passez-moi l’expression, de la chute du mur de Berlin.»

    Ce qui ramené au plan national n’est pas forcément exagéré, la région de Bouhara étant l’un des caciques du parti unique et l’une des plus illustres figures encore en vie votant «unanimement» FLN depuis l’indépendance. Le bastion inexpugnable du FLN, que même le basculement politique du début des années 1990 n’était pas arrivé à entamer, était pris par la quintessence des démocrates laïcs avec tous les anathèmes possibles qui peuvent être adjoints à un parti alors que des villes limitrophes surpeuples
    d’intellectuels ne se résolvaient toujours pas à prendre le grand virage.

    Et pour cela, Collo ne pouvait forcément qu’étonner. Qu’est-elle, aujourd’hui, cette charmante cité, sinon la paisible commune ? Elle vit l’effervescence du reste des villes, en quelque sorte ce même dérèglement qui fait qu’elle entre dans le «who’s who» des cités dures à vivre en raison d’une très forte concentration de tout dans un même endroit : son centre urbain. Administration, commerces, services publics, étals réglementés et ponctuels, travaux tous azimuts, stationnement anarchique, multiplication de stations de taxis et de bus.

    Une configuration imposée par une démographie galopante et tout ce qu’elle impose comme «dommages» collatéraux alors, que, ironie du sort, Collo qui est chef-lieu de daïra n’occupe et ne rayonne territorialement que sur 24 km2 comparativement aux 108 km2 de Cherïa (à 5 km) et aux 40 de Kerkera.
    De fait, les autorités locales tant exécutives qu’élues sont face à un dilemme, notamment les exigences légitimes de la population en matière de logement social (il n’existerait que 6 036 logements pour toute la commune, l’équivalent d’une cité dans une grande ville du pays), cession de terrain individuelle, dans le cadre de la promotion, etc. compte tenu de l’absence d’espaces. Complexe situation, donc, pour les différents responsables auxquels il est ardu de donner, au moins à la majorité des 33 541 habitants dont 54% de femmes (18 718) et 5 716 ménages recensés, des explications plausibles d’une situation figée rendant difficile l’exercice de la politique d’une formation qui ne peut répondre aux attentes des citoyens.

    Le chômage existe, bien sûr… Il est même endémique. Les différents dispositifs sociaux mis en place par l’Etat (filet social, préemploi, Ansej, Angem) sont en deçà des attentes des jeunes. Seuls les projets Ansej liés au transport collectif fonctionnent compte tenu du développement anarchique des cités périphériques et éparses difficiles d’accès. La demande d’emploi est très forte, nos concitoyens qui ont terminé leurs études supérieures étant obligés de retourner dans leur ville.

    L’unité de bois qui absorbait plus ou moins la demande est elle-même en difficulté. «Elle n’est pas la seule, estime un cadre du complexe balnéaire Bougaroun qui fait le plein difficilement alors qu’il y a une quinzaine d’années nous refusions du monde, notamment parmi les nationaux pour ne garder, sur instruction de la hiérarchie et pour des causes purement politiques, que nos compatriotes vivant hors frontières».

    Or, depuis plusieurs années la direction générale a des difficultés pour s’en débarrasser. Les repreneurs éventuels, conscients de la situation, ne se bousculent pas au portillon pour s’aventurer dans un investissement peu rentable. «La situation des deux structures économiques relève d’un contexte national spécifique : la détérioration de la situation économique depuis 1987», soulignera Mohamed Haddad, vice-président du conseil communal.

    Collo ne manque pas, néanmoins, de potentialités sous-exploitées : agriculture de montagne, cultures maraîchères, vergers et surtout la pêche. Trois investisseurs ont, d’ailleurs, acquis des thoniers, «sauf que le produit de leur pêche n’est pas visible», précisera notre interlocuteur, laissant comprendre forcément que le thon est commercialisé en dehors des eaux territoriales algériennes.

    Sinon, une bonne partie de la population active vit de ce créneau permettant au reste de faire de même, compte tenu des moyens modestes. La sardine de la région se passant de publicité d’autant plus que la ville dispose, sur le plan de la qualité, d’une unité de conditionnement réputée.

    «Il existe aussi d’autres ressources qui permettent aux différents commerçants de se refaire une santé. Il s’agit de l’attraction touristique que suscitent les plages de la fontaine des Sangliers, de la baie des Jeunes Filles et celle de Benzouit, lesquelles connaissent un regain de vitalité ces dernières années et battent le plein chaque week-end, permettant aux commerces de fonctionner et aux vendeurs ponctuels de survivre, sinon à ceux exerçant une activité dite saisonnière de fournir des prestations à hauteur de la demande des visiteurs», enchaînera Med H. En prévision d’une renaissance touristique, certains promoteurs n’ont pas hésité à créer des conditions d’accueil parmi les plus favorables, réalisant des hôtels qui répondent à la demande sur le plan des commodités de base mais le retour sur ces investissements ne se dessine toujours pas pour des raisons qu’il n’y a pas lieu d’itérer.

    Toutefois, le talon d’Achille de Collo reste l’éventail très restreint en matière d’animation culturelle, notamment à la hauteur du front de mer, une belle réussite sur le plan architectural, mais dont l’opportunité n’est pas mise à profit dans le sens de l’animation artistique durant l’été.

    Sur un autre plan moins festif, le point d’orgueil des Colliotes et des responsables à tous les niveaux est cette très immuable quiétude sociale malgré les difficultés évoquées précédemment, notamment l’insertion dans le cadre de l’emploi et plus particulièrement pour les jeunes diplômés universitaires. Ainsi, selon l’élu, «s’agissant de la délinquance dont nous ne pouvons nier la réalité, elle est minime. En tout état de cause, nous n’avons pas à déplorer cette forme de violence sociale urbaine exacerbée ailleurs et tellement médiatisée. Non, franchement, ce n’est pas le cas à Collo où les gens se connaissent à travers les générations. La ville étant, il est vrai, cernée par le massif d’un côté et la mer de l’autre rétrécissant les espaces».
    Le retour, dans ce qui est l’antichambre de l’élite, à savoir la division deux, de l’équipe fanion de football a réinjecté une forme d’engouement au sein de l’ensemble de la population, sachant que le jeu à onze est la seule discipline nationale à même de susciter l’unité et mettre et de côté toutes les différences possibles.

    A ce sujet, Mohamed Haddad a tenu à rendre hommage à M. Hadibi, un investisseur local qui n’a pas hésité à financer le club et permis son retour sous les feux de la rampe. «Il nous a déclaré, lors de la dernière assemblée générale venue saluer cette performance, qu’il faisait don des 2,5 milliards de centimes dépensés en cours de saison.» L’homme d’affaires en question a informé l’assemblée générale de son retrait pour cause de santé mais il n’est pas exclu qu’il s’investisse encore la saison à venir juste pour permettre au club d’évoluer dans de bonnes conditions.

    En fait, toutes ces mutations, au demeurant incontournables et prévisibles, ont dénaturé cette image de cité côtière avec une population à la bonhomie exceptionnelle, des traditions ancestrales immuables, des habitudes de vie particulières (qui ont conduit les autochtones appelés pour des raisons économiques à émigrer vers d’autres cieux et à s’installer dans des régions pratiquement similaires sur le plan du climat, de l’origine modeste des habitants, des conditions naturelles frustes) toujours disposés à s’effacer devant les légions d’estivants et encore mieux à faire en sorte que leur séjour se déroule dans les meilleures conditions. Ces mutations ont introduit la modernité mais pratiquement au forceps, une modernité contre-nature, serions-nous tenté de dire. Collo-et sa région-a connu la douleur à partir des années 1990 mais ses femmes, ses enfants, sa jeunesse se sont tout de suite ressaisis pour gommer toutes ces lézardes et faire en sorte que soit remonté le temps pour que tout redevienne comme avant. C’est le choix des élus du RCD qui sont quand même parvenus à gagner la première manche : renverser la vapeur déjà.

    Concluons, enfin, sur le rôle de la femme dans la majorité des ménages des familles dites rurales. De l’aurore au crépuscule, le regard étranger ne peut occulter ces va-et-vient, d’un champ à l’autre, de femmes portants de gros couffins, des paniers en osier ou baluchons sur la tête qui contiennent le produit d’une journée passée à être recroquevillées ou les bras tendus vers les branchages dans les vergers. «Comme vous l’avez remarqué, les femmes de la région sont les plus besogneuses, l’environnement s’y prête pour moult raisons. Une grande partie d’entre elles sont, en fait, le chef de famille en l’absence d’un époux parti assurer un gagne-pain sous d’autres cieux. Elles gèrent admirablement la situation en travaillant, en commerçant le produit cueilli et en gérant le revenu tout en répondant aux besoins domestiques au foyer», résumera Mohamed Haddad.

    Par La Tribune
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