Depuis le jour où l'idée du paradis est apparue, elle n'a jamais cessé de se renouveler et de s'adapter aux nouveaux rapports de force. Tous ceux qui ont recherché le pouvoir (religieux ou (et) politique) ont exploité l'idée du paradis pour manipuler l'homme et le transformer en partisan de leur projet. La réflexion et l'expérience, durant ces milliers d'années, n'ont pas réussi à sortir l'homme de sa naïveté. Sa peur éternelle de l'inconnu et son ignorance de la réalité constituent les éléments principaux de sa fuite et de son acceptation d'une croyance où le paradis devient la récompense promise en échange de la soumission. Mais quel est-il ce paradis pour lequel l'homme est prêt à se sacrifier ?
Avant d'essayer de répondre à cette question nous signalons que nous ne parlerons ici ni du thème du jugement dernier, qui occupe une place primordiale dans le Coran, ni des punitions des damnés, ni des descriptions de l'enfer, mais bien, et seulement, du paradis.
Selon Mircea Eliade : c'est le désir de se trouver toujours et sans efforts au cœur du monde de la réalité et de la sacralité, et en raccourci, le désir de dépasser d'une manière naturelle la condition humaine et de recouvrer la condition divine ; un chrétien dirait : la condition d'avant la chute(2).
Dans les livres religieux monothéistes, le paradis promis aux élus apparaît comme un lieu de paix et de sécurité, pourvu de toutes les richesses de la création, baignant dans un air infiniment limpide, favorisé toute l'année par une température égale et douce, pas de tempête ou d'orage, pas de grêle ou de glace hivernale, pas de sécheresse automnale, l'été ne fane pas les fleurs et les fruits viennent tous à maturité, c'est une terre fertile où coulent le miel et le lait, arrosée par une eau abondante, produisant toutes sortes de fruits comestibles d'une suprême douceur. Il est le séjour d'immortalité et le point de communication entre le Ciel et la Terre. C'est la demeure du dieu éternel.
En fait, le paradis monothéiste n'est pas original, il existe déjà dans les religions et civilisations de l'Orient ancien. Chez les Sumériens, par exemple, le mythe d'Enki (fin IIIe millénaire) commence par une description de la paix paradisiaque qui règne sur l'île de Dilmun (identifiée à l'île de Bahreïn), un Eden où règne la vie en sa plénitude, les maladies n'atteignent pas les hommes, le vieillissement n'existe pas et les animaux n'y luttent pas entre eux(3). L'idée de l'éternité et du monde organisé est ici le principe moteur de la pensée religieuse.Enki, seigneur de la cité, est le dieu de l'eau fraîche et de la sagesse. Son nom signifie ciel-terre(4). Il est l'ordonnateur du monde.A un moment donné, Enki et la déesse Ninmah, ivres de bière, le cœur en gaieté, par jeu et par défi, avaient créé l'homme et son destin(5).
Ainsi, le roi sumérien d'Uruk, Gilgamesh, cherche ce monde paradisiaque en tentant de dérober l'immortalité aux dieux ; le confort et la vie facile, il les possède déjà grâce à son pouvoir et ne veut pas les perdre, mais ce qui le préoccupe, lui, c'est le passage des êtres par l'épreuve de la mort. La notion d'immortalité est un élément important dans la constitution de l'idée de paradis.
Cette image de paradis est récurrente dans plusieurs civilisations. Chez les brahmanes en Inde, le paradêsha (en sanskrit) signifie la région suprême. Les Chaldéens parlaient d'un pardes originel d'où vient le mot paradis. Les mazdéens (en Perse) évoquaient un jardin clos où tout s'organisait autour du centre spirituel et auquel ils donnaient le nom de paridaïza, d'où dérive aussi bien le ferdows persan. En Chine, le paradis se présente comme l'île où vivent les immortels, ou bien comme la montagne de Kouen-len, où toute la création vit en paix(6).
Dans la Bible, on lit : Yahvé Dieu planta un jardin en Eden à l'Orient, et il y mit l'homme qu'il avait modelé. Yahvé Dieu fit pousser du sol toutes espèces d'arbres séduisants à voir et bons à manger, et l'arbre de vie au milieu du jardin, et l'arbre de la connaissance du bien et du mal. Un fleuve sortait d'Eden pour arroser le jardin et de là il se divisait pour former quatre bras. Le premier s'appelle le Pishôn : il contourne tout le pays de Havila, où il y a l'or ; l'or de ce pays est pur et là se trouvent le bdellium et la pierre d'onyx. Le deuxième fleuve s'appelle le Gihôn : il contourne tout le pays de Kush. Le troisième fleuve s'appelle le Tigre : il coule à l'orient d'Assur. Le quatrième fleuve est l'Euphrate. Yahvé Dieu prit l'homme et l'établit dans le jardin d'Eden pour le cultiver et le garder. Et Yahvé Dieu fit à l'homme ce commandement : tu peux manger de tous les arbres du jardin. Mais de l'arbre de la connaissance du bien et du mal tu ne mangeras pas, car, le jour où tu en mangeras, tu mourras certainement(7).
Le paradis est donc représenté comme la demeure de Dieu et comme un lieu terrestre dont la végétation abondante est le fruit de l'activité céleste. C'est ce que la langue arabe résumera en utilisant un seul mot pour " jardin " et " paradis " : djenna. Dieu, le maître de ce jardin situé en Mésopotamie et en Perse, accorde à Adam tous les plaisirs de ce jardin d'Eden et la vie éternelle. Mais Dieu interdit à l'homme de toucher à l'arbre de la connaissance du bien et du mal, sinon il sera mortel. Adam y demeura donc pendant son état d'innocence mais en fut chassé après sa désobéissance à Dieu, lorsqu'il eut mangé du fruit de l'arbre interdit. On peut conclure qu'il n'y aucune relation d'amitié entre Dieu, le maître, le souverain, et Adam, le serviteur, mais plutôt des rapports de dépendance et de soumission. Quant à l'image du paradis, elle se résume à l'existence d'un monde caractérisé par sa paix, ses eaux et nourriture abondantes et la vie éternelle de ses habitants…
Cette image de jardin somptueux et de paradis majestueux ayant un printemps éternel et réservé pour les Elus réapparaît dans la religion musulmane sous le nom de Djenné, dans laquelle une journée de vie vaut mille journées terrestres. Elle est décrite comme suit :
Quatre fleuves coulent des montagnes de musc, entre des rives de perles et de rubis. Il y a quatre montagnes (Uhud, Sinaï, Liban, Hasid). Un cheval au galop mettrait cent années pour sortir de l'ombre du bananier. Une seule feuille du jujubier de la limite pourrait abriter toute la communauté des croyants. Musique merveilleuse, anges, élus, collines, arbres, oiseaux, tout concourt à créer une mélodie universelle, les délices paradisiaques. La plus merveilleuse mélodie est la voix de Dieu accueillant les Elus. Chaque vendredi, ceux-ci rendront au Très Haut une visite, sur son invitation. Les hommes, à la suite du Prophète, les femmes à la suite de sa fille Fatima, traversent les cieux, passent par la Ka'ba céleste, entourée d'anges en prière, s'approchent de la Table gardée où le Qalam écrit les Décrets divins ; le Voile de Lumière se Lève, et Dieu apparaît à Ses hôtes comme la lune en son plein. De plus, l'entrée de la Djenné a huit portes. Chaque étage paradisiaque a cent degrés. L'étage le plus élevé est au septième ciel. Selon un hadith célèbre, la clef ouvrant ces portes a trois dents : la proclamation de l'Unicité divine (Tawhid), l'obéissance à Dieu, l'abstention de tout acte illicite(8).
Avant d'essayer de répondre à cette question nous signalons que nous ne parlerons ici ni du thème du jugement dernier, qui occupe une place primordiale dans le Coran, ni des punitions des damnés, ni des descriptions de l'enfer, mais bien, et seulement, du paradis.
Selon Mircea Eliade : c'est le désir de se trouver toujours et sans efforts au cœur du monde de la réalité et de la sacralité, et en raccourci, le désir de dépasser d'une manière naturelle la condition humaine et de recouvrer la condition divine ; un chrétien dirait : la condition d'avant la chute(2).
Dans les livres religieux monothéistes, le paradis promis aux élus apparaît comme un lieu de paix et de sécurité, pourvu de toutes les richesses de la création, baignant dans un air infiniment limpide, favorisé toute l'année par une température égale et douce, pas de tempête ou d'orage, pas de grêle ou de glace hivernale, pas de sécheresse automnale, l'été ne fane pas les fleurs et les fruits viennent tous à maturité, c'est une terre fertile où coulent le miel et le lait, arrosée par une eau abondante, produisant toutes sortes de fruits comestibles d'une suprême douceur. Il est le séjour d'immortalité et le point de communication entre le Ciel et la Terre. C'est la demeure du dieu éternel.
En fait, le paradis monothéiste n'est pas original, il existe déjà dans les religions et civilisations de l'Orient ancien. Chez les Sumériens, par exemple, le mythe d'Enki (fin IIIe millénaire) commence par une description de la paix paradisiaque qui règne sur l'île de Dilmun (identifiée à l'île de Bahreïn), un Eden où règne la vie en sa plénitude, les maladies n'atteignent pas les hommes, le vieillissement n'existe pas et les animaux n'y luttent pas entre eux(3). L'idée de l'éternité et du monde organisé est ici le principe moteur de la pensée religieuse.Enki, seigneur de la cité, est le dieu de l'eau fraîche et de la sagesse. Son nom signifie ciel-terre(4). Il est l'ordonnateur du monde.A un moment donné, Enki et la déesse Ninmah, ivres de bière, le cœur en gaieté, par jeu et par défi, avaient créé l'homme et son destin(5).
Ainsi, le roi sumérien d'Uruk, Gilgamesh, cherche ce monde paradisiaque en tentant de dérober l'immortalité aux dieux ; le confort et la vie facile, il les possède déjà grâce à son pouvoir et ne veut pas les perdre, mais ce qui le préoccupe, lui, c'est le passage des êtres par l'épreuve de la mort. La notion d'immortalité est un élément important dans la constitution de l'idée de paradis.
Cette image de paradis est récurrente dans plusieurs civilisations. Chez les brahmanes en Inde, le paradêsha (en sanskrit) signifie la région suprême. Les Chaldéens parlaient d'un pardes originel d'où vient le mot paradis. Les mazdéens (en Perse) évoquaient un jardin clos où tout s'organisait autour du centre spirituel et auquel ils donnaient le nom de paridaïza, d'où dérive aussi bien le ferdows persan. En Chine, le paradis se présente comme l'île où vivent les immortels, ou bien comme la montagne de Kouen-len, où toute la création vit en paix(6).
Dans la Bible, on lit : Yahvé Dieu planta un jardin en Eden à l'Orient, et il y mit l'homme qu'il avait modelé. Yahvé Dieu fit pousser du sol toutes espèces d'arbres séduisants à voir et bons à manger, et l'arbre de vie au milieu du jardin, et l'arbre de la connaissance du bien et du mal. Un fleuve sortait d'Eden pour arroser le jardin et de là il se divisait pour former quatre bras. Le premier s'appelle le Pishôn : il contourne tout le pays de Havila, où il y a l'or ; l'or de ce pays est pur et là se trouvent le bdellium et la pierre d'onyx. Le deuxième fleuve s'appelle le Gihôn : il contourne tout le pays de Kush. Le troisième fleuve s'appelle le Tigre : il coule à l'orient d'Assur. Le quatrième fleuve est l'Euphrate. Yahvé Dieu prit l'homme et l'établit dans le jardin d'Eden pour le cultiver et le garder. Et Yahvé Dieu fit à l'homme ce commandement : tu peux manger de tous les arbres du jardin. Mais de l'arbre de la connaissance du bien et du mal tu ne mangeras pas, car, le jour où tu en mangeras, tu mourras certainement(7).
Le paradis est donc représenté comme la demeure de Dieu et comme un lieu terrestre dont la végétation abondante est le fruit de l'activité céleste. C'est ce que la langue arabe résumera en utilisant un seul mot pour " jardin " et " paradis " : djenna. Dieu, le maître de ce jardin situé en Mésopotamie et en Perse, accorde à Adam tous les plaisirs de ce jardin d'Eden et la vie éternelle. Mais Dieu interdit à l'homme de toucher à l'arbre de la connaissance du bien et du mal, sinon il sera mortel. Adam y demeura donc pendant son état d'innocence mais en fut chassé après sa désobéissance à Dieu, lorsqu'il eut mangé du fruit de l'arbre interdit. On peut conclure qu'il n'y aucune relation d'amitié entre Dieu, le maître, le souverain, et Adam, le serviteur, mais plutôt des rapports de dépendance et de soumission. Quant à l'image du paradis, elle se résume à l'existence d'un monde caractérisé par sa paix, ses eaux et nourriture abondantes et la vie éternelle de ses habitants…
Cette image de jardin somptueux et de paradis majestueux ayant un printemps éternel et réservé pour les Elus réapparaît dans la religion musulmane sous le nom de Djenné, dans laquelle une journée de vie vaut mille journées terrestres. Elle est décrite comme suit :
Quatre fleuves coulent des montagnes de musc, entre des rives de perles et de rubis. Il y a quatre montagnes (Uhud, Sinaï, Liban, Hasid). Un cheval au galop mettrait cent années pour sortir de l'ombre du bananier. Une seule feuille du jujubier de la limite pourrait abriter toute la communauté des croyants. Musique merveilleuse, anges, élus, collines, arbres, oiseaux, tout concourt à créer une mélodie universelle, les délices paradisiaques. La plus merveilleuse mélodie est la voix de Dieu accueillant les Elus. Chaque vendredi, ceux-ci rendront au Très Haut une visite, sur son invitation. Les hommes, à la suite du Prophète, les femmes à la suite de sa fille Fatima, traversent les cieux, passent par la Ka'ba céleste, entourée d'anges en prière, s'approchent de la Table gardée où le Qalam écrit les Décrets divins ; le Voile de Lumière se Lève, et Dieu apparaît à Ses hôtes comme la lune en son plein. De plus, l'entrée de la Djenné a huit portes. Chaque étage paradisiaque a cent degrés. L'étage le plus élevé est au septième ciel. Selon un hadith célèbre, la clef ouvrant ces portes a trois dents : la proclamation de l'Unicité divine (Tawhid), l'obéissance à Dieu, l'abstention de tout acte illicite(8).
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