Incident isolé

[Iska]

Incident isolé
par K. Selim

Un «incident isolé» qui ne «reflète pas les relations existant entre les deux peuples». C'est ce qu'a dit un responsable de l'ambassade de Chine à une agence de presse étrangère pour commenter les incidents qui ont opposé des Chinois à des Algériens à Bab Ezzouar. Même si le propos paraît un peu langue de bois, il faut espérer également que les Algériens sont dans le même état d'esprit et veillent à prendre les choses pour ce qu'elles sont : un conflit de voisinage, comme on en enregistre des dizaines par jour en Algérie.

C'est un problème entre individus, pas entre peuples, et il doit être résolu exclusivement par les moyens du droit. La presse et les journalistes ne doivent pas décréter qui a eu tort dans cette pénible affaire, car cela relève de la police et des tribunaux.

L'ambassade chinoise dit «faire confiance à la police algérienne, qui est saisie, pour connaître la vérité sur cet incident». C'est le moins que l'on puisse faire. Surtout que certains, dans la corporation, ont tendance à l'exagération et à la reproduction de clichés ridicules qui trahissent surtout leur inculture et leur intolérance. De manière quasi automatique, ces clichés sont intégrés par les agences de presse occidentales en évoquant une présence «massive» qui nourrirait un ressentiment au sein de la population locale. En filigrane, on suggère que les Algériens seraient xénophobes et hostiles à cette présence étrangère. Rien n'est plus faux pourtant.

La présence chinoise n'est pas aussi «massive» qu'on le prétend. Et si l'on peut entendre parfois des discours débiles sur les «mangeurs de chats et de chiens», ce qui se dit le plus souvent à l'égard des Chinois relève surtout du registre du respect et de l'éloge. Ce sont des travailleurs qui ne rechignent pas à la tâche et qui développent une grande faculté d'adaptation. Des Chinois qui parlent en langage vernaculaire algérien : on en trouve et cela suscite l'admiration.

Ce qu'il faut noter, c'est que l'Algérie n'a pas connu depuis longtemps de présence d'une communauté étrangère sur son sol. On l'expérimente depuis quelques années avec les Chinois. Et il faut le dire : en dépit de quelques discours stupides et d'articles de presse qui sont la honte de la profession, les Algériens les ont acceptés sans problème.

L'incident de Bab Ezzouar ne doit pas être un prétexte pour essayer de prétendre que les Algériens sont des émules de Le Pen. On n'a pas besoin d'invoquer l'histoire exemplaire des relations entre la Chine et l'Algérie pour rejeter toutes les velléités xénophobes. Ces Chinois, travailleurs ou commerçants, sont ici en toute légalité en Algérie et ils ont droit à la protection de la loi.

Dans certaines couvertures de presse, on a pu lire que les habitants de Bab Ezzouar auraient exigé que les Chinois qui vivent dans le quartier soient évacués. Cette exigence, si elle est avérée, est inacceptable. L'Etat algérien enverrait un très fâcheux signal s'il y consent. Cela ne refléterait pas la vision majoritairement respectueuse et cordiale à l'égard des Chinois. Et surtout, ce serait donner une dimension absurde à une querelle de voisinage entre quelques individus algériens et chinois.

Le Quotidien d'Oran